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Agences : responsables mais... pas coupables de la dérive consumériste !

un système déséquilibré qui pénalise les destributeurs



Rédigé par Tourisme & Droit le Mercredi 16 Juillet 2008

II - L’assurance de responsabilité civile des vendeurs de voyages et de séjours

« Le risque de responsabilité des agents de voyages est-il encore assurable (32) ? », s’interrogeait en avril 2005 Bernard Foussat, sous-directeur de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), après la publication en septembre 2000 du « Livre blanc sur l’assurance de responsabilité civile ». Quand même les assureurs s’interrogent, il semble utile de renseigner les usagers : que garantit l’assurance de RCP ? Comment l’utiliser ? Quels sont les pièges à éviter ?

Par Marie-Bernadette Fontaine*

Le livre II du code du tourisme (33) dispose que toute agence se livrant à des activités de tourisme, ou y apportant son concours, doit obligatoirement justifier d’une licence d’agence de voyages.

Pour obtenir la licence d’« agence de voyages » ou, s’agissant d’association loi de 1901, l’agrément « tourisme », il faut justifier de son aptitude professionnelle (diplômes et/ou qualifications), d’une garantie financière et d’une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle (RCP).

Une obligation

Résumons quelques bases essentielles du droit des assurances afin d’éviter les pièges classiques de la matière. • Les principes généraux de l’assurance Le contrat d’assurances (34) est un contrat synallagmatique :

une convention par laquelle assureur et assuré s’obligent réciproquement, « l’un à faire des déclarations exactes qui lui incombent et à payer les primes, l’autre à couvrir le risque prévu au contrat, s’il se réalise (35) ».

L’assureur remet à l’assuré une « proposition d’assurance », document d’information dans lequel l’assuré décrit en quoi consiste son métier et relate son expérience et ses antécédents dans ce domaine — le plus simple est qu’il remettre sa brochure à son assureur — afin que l’assureur apprécie « le risque » présenté et fasse connaître son refus ou son accord de garantir, en délivrant une note de couverture ou le contrat.

Profession par profession ou risque par risque, l’assureur fournit les conditions générales adéquates. Les éventuelles spécificités du métier de l’assuré figurent dans les conditions particulières, tandis que chaque modification du contrat doit faire l’objet d’un avenant.

Le « tableau des garanties » résume les garanties souscrites et donne les plafonds d’engagement de l’assureur sur chacune de ses garanties et le montant des franchises qui restent à la charge de l’assuré.

Il indique le montant de la franchise inopposable au tiers qui rend inutile, en fonction du montant de la réclamation, toute déclaration à l’assureur. Seul un risque aléatoire peut faire l’objet d’une assurance (36).

La « bonne foi présumée » de l’assuré dans ses déclarations implique que des sanctions propres puissent être opposées par l’assureur : refus de garantir un sinistre quelle qu’en soit l’importance, tout en conservant les cotisations payées à titre de dommages et intérêts.

Si, en revanche, la dissimulation du risque n’est pas intentionnelle, l’assuré pourra être conduit à payer la part de cotisation que l’assureur aurait demandé s’il avait été correctement informé (37).

• Dans le code du tourisme

Les articles R. 212-36 à R. 212-41 reprennent le texte du chapitre IV, articles 20 à 25, du décret no 94-490 du 15 juin 1994. Les dispositions sont identiques pour les détenteurs d’une licence comme pour ceux d’un agrément. L’assureur ne peut déroger à ces dispositions, sauf en un sens plus favorable à l’assuré (38).

Le contrat doit couvrir les deux régimes de responsabilité définis aux articles L. 211-17 et L. 211-18 et les activités définies aux articles L. 211-1 et L. 211-4. Il garantit l’assuré et ses préposés, salariés ou non, ainsi que les succursales et les mandataires déclarés (39).

L’article R. 212-38 énonce les exclusions complémentaires à celles que prévoit le code des assurances : risque atomique ou dérivé de l’atome, guerre, tremblement de terre, explosion...

Il s’agit des dommages causés à l’assuré, à ses ascendants, descendants, représentants légaux, collaborateurs et préposés dans l’exercice de leurs fonctions. Mais aussi :

– les dommages dus à l’exploitation des moyens de transports dont l’assuré a la propriété, la garde ou l’usage ;
– les dommages engageant la responsabilité de l’assuré en sa qualité de propriétaire ou d’exploitant d’installations hôtelières ou d’hébergements ;
– les pertes, détériorations ou vols des espèces monnayées, billets de banque, fourrures, bijoux et objets précieux confiés à l’assuré ou à ses préposés.

Le montant des garanties est laissé à la liberté des parties. La franchise est inopposable au tiers. Les coordonnées de l’assureur doivent figurer clairement sur tout document ou support contractuel, ainsi que les risques couverts et les garanties souscrites (40).

L’article R. 212-41 décrit les mentions obligatoires que doit comporter l’attestation d’assurance, qui vaut présomption de garantie et non garantie : la référence aux dispositions légales et réglementaires ;

la raison sociale de l’assureur, le numéro du contrat d’assurances, sa période de validité, la raison sociale et l’adresse de l’agent de voyage garanti ; l’étendue des garanties. L’assuré doit également attester annuellement de la validité du contrat souscrit (41).

Aux termes de l’article R. 212-40, il a l’obligation d’informer la préfecture et son garant financier de la suspension ou de la résiliation de son contrat quinze jours au moins avant l’échéance.

Le code du tourisme amène chaque assureur à analyser les nouvelles dispositions légales ou réglementaires pour déterminer les modifications de forme ou de fond qu’il estime devoir apporter à ses contrats et à ses garanties.

Les risques liés à l’activité

Le risque a–t-il subi des modifications au niveau de l’activité ? Qu’en est-il des obligations à la charge du professionnel ?

• Une activité diverse et évolutive

L’article L. 211-1 définit l’activité des « personnes physiques ou morales qui se livrent ou apportent leur concours, quelles que soient les modalités de leur rémunération, aux opérations consistant en l’organisation ou la vente […] ».

Le e-commerce est désormais reconnu comme moyen de vente et de paiement par le code civil et le code de la consommation, auxquels renvoie expressément l’article précité.

Ainsi le professionnel procède-t-il à l’organisation ou à la vente de voyages individuels ou collectifs, de titres de transport, de réservations dans des hôtels ou des locaux d’hébergement touristique, de visites de musée ou de monuments.

Il vend des « voyages à forfait », peut participer aux opérations liées à l’organisation de congrès ou de manifestations apparentées dès lors que celle-ci inclut tout ou partie des prestations citées supra.

Enfin, l’article L. 211-4 autorise le détenteur d’une licence d’agent de voyages à réaliser pour le compte d’autrui des locations (42) de meublés saisonniers. Il peut en outre exercer une activité de location de places de spectacles. Mais les difficultés auxquelles l’assureur de RCP était confronté demeurent.

Alors que le tourisme à l’étranger est devenu un risque et que des millions de touristes sillonnent chaque année la planète, le nombre des vendeurs et organisateurs de voyages demeure stable (environ 5 000 licences et agréments).

L’assureur de RCP est donc confronté à un risque difficilement mutualisable. Et cela même si un assureur unique possédait l’ensemble des contrats de toute la profession.

Or la garantie de ce risque très spécialisé est principalement répartie entre quatre assureurs : Axa, Gan, Generali, MMA. Le risque principal se situe en effet au niveau des vendeurs, lesquels, grands groupes de vente exceptés, règlent des cotisations semble-t-il hors de proportion avec les risques encourus par l’assureur.

La responsabilité qui pèse sur l’agence de voyages pose une difficulté d’équilibre économique. Prenons l’exemple d’un crash aérien : le coût du sinistre sera sans commune mesure avec la cotisation qu’aura payée l’agence (quelques milliers d’euros par an au maximum), et donc avec le risque réellement couvert par l’assureur.

Un différentiel qui tend à mettre en difficulté l’équilibre financier des assureurs sur le poste RCP, déjà mis à mal depuis 1999 par les catastrophes naturelles (tempêtes, tsunami, inondations, canicules), attentats, scandales financiers...

• Une assurance adaptée à l’activité

L’agent de voyages assuré devra prendre garde aux définitions anodines contenues dans l’article L. 211-2 : elles cachent de redoutables pièges, et l’urgence quant à l’obtention de la garantie peut conduire à des oublis néfastes à l’efficacité de l’assurance.

Qu’un sinistre important survienne et qu’un refus de garantie ou la règle proportionnelle (43) soient opposés à l’assuré... et c’est le drame. Aussi le vendeur comme l’organisateur de voyages appliquent-ils souvent la règle d’or de l’assurance en la matière : ils délèguent l’exécution des prestations vendues ; ils « font faire ».

Si le professionnel « fait faire », son assureur à un recours direct contre celui qui a « fait » et le risque devient acceptable. C’est pourquoi le vendeur ou l’organisateur doivent veiller à bien déclarer leur activité et les particularités qui s’y rattachent.

En effet, les activités touristiques se sont diversifiées au point que l’assureur peut être amené à proposer non pas un seul contrat mais deux, afin que chaque risque soit couvert.

L’assuré, qui doit se préoccuper d’être bien garanti pour l’activité qu’il exerce, devra obligatoirement déclarer ses succursales et ses mandataires et, chaque année, apporter la preuve de son assurance auprès de la préfecture.

La lecture attentive du tableau des garanties est essentielle, au même titre que la lecture des définitions « assuré », « tiers », etc. et que celle des exclusions (cf. p. 19).

Le contrat de RCP commun aux vendeurs et aux organisateurs comprend deux grandes parties : la « RC exploitation », qui couvre la responsabilité civile délictuelle (44) de l’entreprise, et la « RC professionnelle », qui garantit les dommages et intérêts prouvés à la suite de l’inexécution ou de l’exécution imparfaite du contrat de voyage.

Il est fréquent que le montant accordé pour la RC exploitation soit plus important que celui accordé pour la RCP. À défaut d’égalité, une inversion des montants accordés serait souhaitable.

À titre d’exemple, sur une période de quinze ans, on relève en moyenne quatre déclarations dont deux sans suite relatives à la garantie « exploitation », contre 1 000 déclarations de RCP par an.

La cotisation dépend du montant de garantie. Le sort de l’entreprise aussi. Par ailleurs, tous les contrats comportent des garanties « pour l’assuré ». L’une d’entre elles couvre les frais supplémentaires engagés par l’assuré pour sauver un voyage ou pour lui conserver les éléments essentiels qui le constituaient ;

cette garantie est précieuse pour éviter les annulations et leurs conséquences. Une autre de ces garanties couvre la « disparition » des titres de transports et billets divers.

Enfin une garantie défense, voire de défense-recours, est liée au contrat de responsabilité civile, assureur et assuré ayant en général le même intérêt à défendre quant aux litiges éventuels.

Le contrat fournit toutes précisions utiles sur les contradictions d’intérêt possibles entre assureur et assuré et sur les solutions alors prévues par le code des assurances.

L’agent de voyages examinera tous ces points avec son intermédiaire d’assurance — agent ou courtier (45) — qui est là pour le conseiller et l’aider avant son engagement.

Conclusion, il est un fait que les professionnels du tourisme en France sont civilement « plus responsables » que leurs confrère européens, tant sur le plan légal que juridique, ce qui peut affecter les principes de la « libre concurrence ».

Pour parfaitement maîtriser leur contrat d’assurance de RCP, les agences de voyages ont intérêt à :

– ne déclarer que « les sinistres » dont l’enjeu est notable ; une mise au point préalable ou intermédiaire entre assureur et assuré est indispensable ;
– éviter les procès inutiles et parfois préférer la transaction ; sachant que l’agence qui a transigé devra en rapporter la preuve écrite (46) ;
– rédiger des contrats avec son ou ses prestataires, afin de figer les obligations de chacun et de veiller à ce qu’ils disposent de contrats d’assurance de RCP conformes ; – vérifier (grâce à la remise d’une attestation annuelle) que le paiement des cotisations (les siennes et celles des prestataires) est à jour.

C’est au prix de ces précautions utiles que l’agent de voyages disposera d’une assurance adaptée et efficace, élaborée en partenariat avec son assureur et seule susceptible de répondre aux exigences légales de protection des consommateurs de voyages.

* Expert technique, Generali assurances.

NOTES

(27) TI Thonon, 19 décembre 2006, RG n° 91-06-000063. (28) CA Paris, 12 mai 2006, Juris-Data n° 2006-301910 ; CA Rouen, RG n° 05/03546. (29) TGI Paris, 7 juin 2006, LPA n° 4 du 4 janvier 2007, p. 14 : tour-opérateur condamné dans une affaire de prise d’otages de touristes français par un groupe terroriste sur l’île de Jolo aux Philippines. (30) Cf. Marie-Bernadette Fontaine : « L’assurance de responsabilité civile des vendeurs de voyages et de séjours », in T&D n° 88/2007, p. 19. (31) En matière aérienne notamment : cf. conventions de Varsovie du 12 octobre 1929 et de Montréal du 28 mai 1999. Site : www.dgac.fr/html/oservice/droits/htm. (32) B. Foussat, M. Bauvois, S. Guédon : « Le risque de responsabilité des agents de voyages est-il encore assurable? » in Espace n° 225, avril 2005. (33) Pour les titulaires d’une licence, cf. C. tour., art. L. 212-2, c et d ; R. 212-28 à R. 212-35 (garantie financière) et R. 212-36 à R. 212-41 (RCP). (34) Pour être juridiquement valable, il doit être signé par l’assureur et par l’assuré, tout comme les conditions générales et chaque avenant. (35) Droit des assurances, Y. Lambert-Faivre, 8e éd., 2005, Précis Dalloz. (36) « L’aléa est évident en cas de couverture d’un risque incertain (exemple, assurance incendie), mais existe même en cas de risque certain, telle l’assurance en cas de décès, où la date du sinistre et le nombre d’années de paiement des primes demeurent inconnus », in Droit des assurances, Y. Lambert-Faivre, op. cit. (37) C. assur., art. L.113-8 et L.113-9. Seul le tribunal de grande instance prononce l’application de l’une ou l’autre de ces sanctions. La charge de la preuve du caractère intentionnel de la dissimulation frauduleuse incombe à l’assureur. (38) C. tour., art. R.212-36. (39) Obligation de déclaration à la préfecture et au garant financier. (40) C. tour., art. R. 212-39, 2e al. (41) C. tour., art. R. 212-41. (42) Telles que définies par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, art. 1er [1]. (43) Ainsi, la garantie avait été refusée à un assuré spécialiste des randonnées en montagne car l’encadrement des voyageurs, qui pour l’assureur était exercé par des guides indépendants, l’était en fait par des salariés de l’agence. L’affaire vint devant le tribunal correctionnel à la suite d’une avalanche prévisible qui causa plusieurs morts. Le refus de garantie de l’assureur fut rejeté par les magistrats qui estimèrent que la garantie était due car l’accident était survenu alors que les victimes avaient signé un contrat relevant de la loi du 13 juillet 1992. (44) C. civ., art. 1382 et 1384. (45) Le premier représente la compagnie dont il vend les produits, le second représente l’assuré auprès des compagnies du marché.

La garantie financière

« [...] La garantie financière est spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l’agent de voyages au titre des engagements qu’il a contractés à l’égard de sa clientèle pour des prestations en cours ou à servir et permet d’assurer, notamment en cas de cessation de paiements ayant entraîné un dépôt de bilan, le rapatriement des voyageurs. » (C. tour., art. R. 212-28, al. 4, reprenant les principes de l’art. 7 de la dir. 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990, JOCE du 23.)

Rappelons que la loi du 11 juillet 1975 permettait au garant d’obtenir le remboursement des paiements effectués si, à l’origine de ce versement, une faute prouvée de nature à engager la responsabilité civile était établie contre le vendeur et/ou l’organisateur.

Une responsabilité à deux vitesses

Les articles L. 211-7 et L. 211-8 du code maintiennent la responsabilité à deux niveaux : le vendeur d’un simple titre de transport, qu’il soit « charter » ou « régulier », et le vendeur d’un « voyage à forfait » ne supportent pas le même régime de responsabilité. Dans le premer cas, le vendeur est mandataire de la compagnie dont il vend le billet.

Si ce titre de transport est « efficace » et permet d’accomplir le trajet acheté auprès d’une compagnie non signalée sur la « liste noire » européenne, sa responsabilité relève des articles 1984 et suivants du code civil consacrés au mandat.

Si ce même vendeur vend un voyage à forfait, il supporte une responsabilité de plein droit (cf. ce numéro, V.-E. Lopp, p. 14, et T&D n° 85/2007). En d’autres termes, l’assurance de responsabilité civile devient la deuxième garantie du consommateur-acheteur victime.

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