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Commission zéro : faut-il encore vendre la billetterie ?

Gilles Portier, Mille Voyages (Afat), répond à nos questions


Les différentes commissions du Snav mises en place pour examiner l'ensemble des aspects et de l'impact de la commission zéro, ont rendu leur travail jeudi dernier à Paris dans les Salons Hoche. Compte tenu de l'aspect très technique voire rébarbatif de l'ensemble, nous avons préféré poser des questions simples à Gilles Portier, présent, lors de la présentation des travaux.


Rédigé par Propos recueillis par Jean DA LUZ - redaction@tourmag.com le Dimanche 11 Juillet 2004

Commission zéro : faut-il encore vendre la billetterie ?
Le patron de Mille Voyages (Afat) dans les Bouches-du-Rhône, qui a la triple casquette d'agent de voyages, de financier et... de formateur, vend de la billetterie affaires et loisirs et répond de manière très claire et très pédagogique à nos questions.
Ses réponses permettront à pas mal de nos lecteurs de voir un peu plus clair dans le maquis des textes et de la complexité de la réforme en cours.

TourMaG.com - Le statut de mandataire vous semble-t-il plus intéressant que celui de commerçant ?

Gilles Portier : "Indéniablement. La couverture juridique que cela nous donne est énorme. C'est le seul moyen de ne pas endosser la responsabilité du transporteur..."

T.M.com - Etes-vous inquiet pour votre avenir ? 

G.P. :"Inquiet n'est pas le mot. Nous sommes aux portes de changements très importants, dont on ne maîtrise pas grand chose et surtout pas l'ampleur. Pensez-vous réellement que les autres compagnies aériennes étrangères ne s'aligneront pas aussi sur la position d'Air France ?

Et, à votre avis, que va faire la SNCF ? Il faut partir du principe qu'on eu la chance d'avoir 3 ans de commissions de plus que les Américains, 2 ans de plus que les pays nordiques et quelques mois de plus que les Espagnols.

La redéfinition des modes de rémunérations était inéluctable. Sans doute, avons-nous cru être un cas à part en France. Ce n'est pas le cas. Mais cela fait longtemps qu'on devait s'y préparer. Comme dans tout métier qui change, il faut être capable d'être réactif, évolutif et très adaptable. Ce sera le seul moyen de s'en sortir.

Je profite de cette occasion pour féliciter très chaleureusement les équipes des Commissions intervenues pour les négociations avec Air France. Certes tout n'est pas terminé, mais ils ont déjà permis d'avoir une base de départ moins critique que ce qu'elle aurait pu être. J'espère simplement, qu'à la finalisation tant avec Air France qu'avec le ministère des finances, on aura plus de réussite que lors des dernières actions qui ont été menées."

T.M.com - Allez-vous continuer à vendre de la billetterie dans votre agence ?

G.P. :"Bien sûr. Cela fait parti de notre métier. On perdra certainement une partie de notre clientèle, mais on va continuer à vendre de l'aérien. C'est un part réelle du voyage, tant de tourisme que d'affaires." 

T.M.com - Pensez-vous qu'il soit intéressant pour une AGV ayant un petit volume de vente de continuer à le faire ?

G.P. :"La réponse à cette question doit être économique. Est ce que le coût de maintien de l'activité billetterie devient déraisonnable par rapport à ses revenus ? Et peut-on se passer de billetterie, notamment pour nous qui sommes en Province, quand nos clients partent de Paris ?

Effectivement, si la première réponse est négative, il semble logique que les agences à faible volume d'aérien n'émettent plus de billetterie. Elles achèteront sans doute dans d'autres agences car je ne pense pas qu'elles puissent ne plus en vendre." 

T.M.com - Quelles questions vous posez-vous à propos de la TVA et du différentiel actuel. Déterminera-t-il la rentabilité future du modèle actuel ?

G.P. :"Pour cette question de TVA, il y a deux volets : la justification des taux et la récupération de la TVA pour les entreprises.Totu d'abord, l'inégalité créée par les textes et leur application.

Sur le transport, la TVA est à 5,5%. Air France ne faisant que du transport (jusqu'à quand?), il est donc compréhensible que la TVA sur ses frais soit à 5,5%, l'accessoire suivant le régime du principal en matière de fiscalité. Et nous bien sûr, on fait beaucoup de choses, pas que du transport, donc le taux de TVA normal s'applique sur nos frais.

Si la situation reste en l'état, je ne vois pas pourquoi, si nous facturons les mêmes frais qu'Air France (en HT), les particuliers achèteraient chez nous leurs billets. Il y aurait près de 14% (!) d'écart sur l'addition.

Par exemple, si Air France prend 20 € ht par billet, ses frais s'élèvent à 21,10 €. Si nous prenons 20 € HT, l'addition se porte alors à 23,92 €. En plus, on ne pourra pas raisonner en hors TVA. Donc si Air France prend 20 € TTC, ses gains s'élèvent à 18,96 €.

Pour nous, 20 € TTC nous ramèneront à 16,72 €. Dans cette situation, les particuliers mobiles, habitant près d'une agence Air France ou maîtrisant l'outil informatique ou acceptant le principe de Call Center, achèteront leur billet Air France dans la Compagnie.

Mais s'ils font un vol Air France puis un Ibéria ou un British Airways ou un Qantas. Croyez-vous qu'ils iront chez Air France puis dans un autre Call center d'une autre compagnie pour leur 2e vol ?

Au début peut-être, mais ensuite ils reviendront pour notre compétence. A nous de savoir communiquer sur ce que l'on fait, sur ce que l'on est. Mais la grande réflexion est de savoir si on s'aligne sur Air France ou pas pour la facturation de nos frais.
Je pense que nous ne devons pas le faire. On vaut plus qu'Air France, par nos connaissances, nos compétences et notre disponibilité. L'éternel problème est toujours de savoir se vendre.

Robert Darfeuille disait jeudi qu'1,50 euros de plus ou de moins sur les frais changerait complètement notre rentabilité. Croyez-vous que nous valons pas ce supplément de frais ? Et pourquoi devrions-nous appliquer les frais d'Air France ? Je ne pense même pas que la compagnie le demande.

Notre implantation de marché fera qu'on pourra ou pas avoir des frais différents. Je pense qu'il ne faut pas en avoir peur !" 

T.M.com - Vous évoquiez aussi la question de la récupération de la TVA pour les entreprises...

G.P. :"Oui, le 2e volet est celui de la récupération de la TVA par les entreprises. Nous avons une activité affaires relativement importante et que le taux de TVA soit à 5,5% ou 19,6%, si elle est récupérable pour les entreprises, le taux ne sera pas important. (J'espère qu'il n'y aura pas un taux pour les entreprises et un taux pour les particuliers...)

Je suis en train de travailler sur la possibilité de facturer des prestations de services (analyses, reporting, tableau de gestion) aux sociétés et de faire vérifier si la TVA sur ces prestations serait ou non récupérable. Si oui, on ne prendra pas de frais aux entreprises, mais on les assistera dans la gestion de leurs déplacements.

Il serait quand même plus simple que la TVA soit directement récupérable..."

T.M.com - Pensez-vous qu'il y ait un risque de délocalisation des entreprises à propos de la récupération de la TVA sur la billetterie ?

G.P. :"Malheureusement c'est possible. Et ce sera peut-être l'argument qui amènera du poids à nos positions. Mais si nous n'obtenons pas gain de cause, je crains qu'effectivement, la billetterie sèche s'échappe sur des plateaux d'affaires à l'étranger. Je ne pense quand même pas qu'une entreprise déménage pour récupérer la TVA sur sa billeterie mais qu'elle crée une structure à l'étranger pour gérer cela, pourquoi pas."

T.M.com - On a évoqué aussi le problème (épineux) du règlement par la carte de crédit et du cryptogramme. Qu'en pensez-vous ?

G.P. :"Dans un autre domaine que le voyage, j'ai personnellement eu de gros problèmes sur de la vente à distance. Mais plus à cause du banquier et du vide juridique qui entoure le paiement à distance par carte bancaire.

Aujourd'hui, il y a un formalisme à respecter et des choses à ne pas faire (notamment garder le cryptogramme avec les numéros de cartes, c'est interdit).Nous aujourd'hui, sur la vente à distance société (on ne fait pas pour les particuliers, sauf s'ils sont passés avant), on met en place de la traite magnétique sans acceptation."

T.M.com - Informatiquement la nouvelle donne complique passablement les choses. Comment allez-vous vous organiser ?  

G.P. :"Voilà encore une très bonne question et dont on ne connaît pas la réponse, en tout cas, pas entièrement. Chez nous on est Amadeus et Modo-Executiv. A priori, ce GDS et cet éditeur, doivent nous fournir les outils adéquats.
Ma problématique est de savoir comment pouvoir rentrer de manière automatique des frais différents selon la destination du billet. Et pouvoir vérifier les billets émis sans frais..."

T.M.com - Faut-il ou non garder la valeur faciale réclamée par TourCom et pourquoi ? 

G.P. :"Contrairement à d'autres, je n'ai pas honte de dire que je gagne 7%. Je me fous de savoir ce que les gens en pensent. En France, on a toujours un tabou sur l'argent. Dans mon agence, les gens le savent.

Aux entreprises, je leur ai expliqué, puisque pour passer en LCR magnétique et prendre des frais, je leur rend la commission. Je préfère rendre quelque chose aujourd'hui que je n'aurais plus demain, et mettre en place un système pérenne pour les années à venir.

Si on peut obtenir des billets sans valeur faciale, c'est évidemment mieux. Mais comment se couvrir par rapport au GDS sur le tarif émis ? Peut-être pourrait-il n'y avoir le prix que sur la souche ?

Mais j'espère qu'on ne va pas lancer une nouvelle polémique avec TourCom comme animateur. Et de toute façon, il n'y a pas que le problème Air France. Et les autres compagnies ? Et pourquoi pas la SNCF ? Et le bateau ? C'est une piste à ouvrir et à étudier, calmement, en pesant le pour et le contre.

Si on peut supprimer la valeur faciale, tant mieux. Mais pas à n'importe quel coût ni avec n'importe quel risque."

T.M.com - On a évoqué l'impact des nouvelles mesures pour les AGV : faites-vous partie des optimistes ou des pessimistes ? 

G.P. :"On va dire que je suis d'accord avec les conclusions des commissions (où je ne siège pas et n'ai pas d'intérêts). Je suis d'un naturel optimiste. Conscient mais optimiste. On aurait pu nous imposer des conditions draconiennes. Cela a l'air "vivable".

Je crois en notre métier. Je crois dans mon équipe à l'agence. Je crois à l'esprit de voyage qu'on les gens, et leur volonté de découvrir, de rêver.Il n'y a pas de raison que n'arrive pas à passer ce cap difficile.

Je reprends un exemple.
Nous sommes à Aix et avions énormément d'aérien sur Paris. Quand le TGV est arrivé, je n'avais pas anticipé le coup qu'on prendrait. On a perdu 45% d'aérien de Marseille - Paris. Comme tout le monde, on a entre doublé et triplé notre facture SNCF. La différence, c'est que le prix étant de 30 à 50% moins cher en train, j'ai perdu une part énorme de commissions....

Quand Easyjet est arrivé, j'ai tout entendu. "Ils veulent se passer des agences. Ils vont nous mettre à terre... " Il n'empêche qu'aujourd'hui, je gagne 15 euros TTC quand je vend un vol Easyjet et seulement 7 à 8 Euros TTC sur du Air France basse contribution et à peu près pareil sur de la SNCF.

Je ne me plains pas des low cost. Je regrette qu'on ne puisse avoir de compte chez eux pour des prélèvements mensuels, des relevés de factures.Si demain je prends 20 Euros sur un Marseille-Paris ou un Marseille-Lille, c'est davantage que ce que je gagne aujourd'hui." 

T.M.com - Quels conseils donneriez-vous aux agences de voyages dont on dit que 20 à 25% pourraient disparaître ?

G.P. :"Soyez réactifs. N'attendez pas mars 2005 pour voir la situation. On ne pourra pas rester seuls dans cet environnement en plein mouvement. Chez AFAT, la décision de créer le G4 a été certainement une excellent solution. Avoir une structure solide, pour faire face.

Il faudra faire attention à toutes les sources de pertes, à tous les frais non essentiels. Evoluer avec le marché, si on ne peut pas le devancer. Mais surtout réagir. On a les moyens de se battre et de rester présent."

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