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Economie collaborative : quelles opportunités pour le voyage d'affaires ?

Table ronde


De l’hébergement à la location de voiture, l’«uberisation» de l’économie n’épargne par le voyage d’affaires. Sous la pression de leurs salariés, les entreprises s’interrogent. Et les agences de voyages se préparent à une nouvelle révolution...


Rédigé par Nicolas Langis le Jeudi 29 Septembre 2016

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Les participants à la table ronde :
  • Patricia Morosini - SELECTOUR AFAT
  • Julien Chambert - CBT CONSEILS
  • Laurent Bensaïd - BCD TRAVEL
  • Alix Tafflé - MORNINGCROISSANT
  • Valéry Linÿer - MAGICEVENT
  • Arthur de Keyser - TRIPNDRIVE


Des start-up innovantes

Alix Tafflé : MorningCroissant est un site de location de meublés créé en 2011, au départ avec des locations entre particuliers. Depuis, nous avons ajouté des locations proposées par des groupes immobiliers, avec une gamme Eco de 20 à 40 € la nuit et une offre Premium de 50 à 80 €.
Les déplacements professionnels génèrent un peu plus de la moitié de nos réservations, entre 250 000 et 300 000 nuitées cette année.
Les voyageurs d’affaires sont désormais une priorité, il existe une récurrence du voyageur pro qui n’existe pas dans le marché loisirs.
Nous recevons des salariés de plus de 1 000 entreprises, du stagiaire en formation aux professionnels du bâtiment sur un chantier de 2 ou 3 mois. Ces entreprises apprécient nos services : la pré-réservation avec règlement différé, la confirmation immédiate puisque nous maîtrisons une partie du stock, l’émission d’une facture avec la TVA, la possibilité de loger plusieurs personnes dans un même immeuble. Et prochainement la création d’un compte business, qui permettra à une entreprise de centraliser les déplacements.

Valéry Linÿer : MagicEvent est spécialisé dans la location d’appartements courte durée, exclusivement pour le tourisme d’affaires.
J’ai travaillé pendant 20 ans dans l’industrie des salons ; tous les organisateurs doivent gérer la problématique de l’hébergement lors de grands événements, avec des hôtels saturés, des prix qui grimpent ; d’où la nécessité d’ajouter des logements supplémentaires pour absorber l’arrivée de visiteurs. C’est sur ce postulat qu’est née l’entreprise.
Notre offre comprend des logements de particuliers et de professionnels de l’immobilier. Ensuite, les entreprises nous ont fait part de leurs souhaits d’utiliser également nos services en dehors des salons, pour leurs déplacements professionnels. Nous nous distinguons par une offre adaptée au voyageur professionnel en termes de localisation, de confort... Et nous essayons de répondre aux quatre problématiques du secteur : la sécurité, la flexibilité, les services comme une e-conciergerie à Paris, et la remontée d’informations.

Arthur de Keyser : Tripndrive est un service d’auto-partage de véhicules dans les gares et aéroports créé il y a deux ans. Nous offrons aux voyageurs le prix du parking, et nous mettons en contrepartie leur voiture à disposition d’autres voyageurs.
Nous sommes présents dans une dizaine d’aéroports et une quinzaine de gares en France. À la base, notre offre ne semblait pas réellement adaptée aux voyageurs d’affaires, mais ils représentent déjà 20 % de notre clientèle.
Pour la dépose de véhicules, ils sont un peu moins concernés car ils conduisent souvent des voitures d’entreprises et ne sont pas décisionnaires. En revanche, sur l’aspect location, les voyageurs d’affaires viennent souvent chez nous avec pour premier argument le prix, 60 à 70 % moins cher qu’un loueur classique. Ils apprécient aussi la facilité et la simplicité.
Il y a toujours un intermédiaire pour la transaction, par exemple le gestionnaire du parking avec qui nous avons contracté. Ça rassure le client et nous pouvons proposer ainsi un service H24, ou presque ! Nous sommes désormais en discussion avec des entreprises pour qu’elles mettent à disposition leur flotte durant les déplacements de leurs voyageurs. Elles sont sensibles à nos arguments, car les coûts de parking sont parfois conséquents...

"Les voyageurs d’affaires sont désormais une priorité, il existe une récurrence du voyageur pro qui n’existe pas dans le marché loisirs."

Quelle demande de la part des entreprises ?

Patricia Morosini : Sur le marché des PME, le cœur de cible de Selectour Afat, il existe une demande croissante pour ce type d’offres alternatives. D’autant plus que l’hôtellerie reste très peu gérée par les agences de voyages, beaucoup des réservations sont réalisées en direct par les entreprises, qui peuvent choisir une centrale hôtelière, un acteur collaboratif...
Par ailleurs, la recherche d’économies est souvent plus importante pour les PME que les grands comptes, d’où le recours à ces nouvelles offres.
Cela dit, si les entreprises ont la volonté d’aller vers ce type de prestations – souvent parce que leurs voyageurs les utilisent désormais à titre personnel – ce marché demeure encore faible, parfois frileux. Car elles ont aussi besoin de souplesse dans la réservation ou l’annulation, d’assistance en cas de problème...

Laurent Bensaïd : Dans les grandes entreprises qui sont le cœur de l’activité de BCD Travel, le phénomène prend de l’ampleur, que l’on soit de la génération Y ou que l’on ait plus 45 ans !
Nous estimons que 8 à 10 % des voyageurs ont désormais recours à ces offres collaboratives. C’est parfois une cause d’inquiétude
car cela peut remettre en cause les programmes hôteliers que les entreprises ont construits. Elles ont donc besoin d’en connaître l’impact, notamment économique, et se posent de nombreuses questions. E
st-ce que les voyageurs mettent en péril leurs programmes ? Est-ce que cela répond réellement à la demande de confort ? Est ce que la différence de prix est réelle avec un hôtel classique ?
Autres points sensibles : la gestion de l’imprévu devient problématique, en cas de retard d’avion ou de train, si le chauffe-eau tombe en panne... et en termes de sécurité, le travel manager peut avoir des difficultés à localiser ses voyageurs.

Julien Chambert : Ce sont de nouveaux modèles économiques, avec des offres qui n’existaient pas et qui ne sont pas concurrentes de l’hôtellerie, mais complémentaires.
Pour les entreprises, les limites de cette économie collaborative se situent d’abord au niveau des services et de la sécurité. Je n’imagine pas, en tant qu’agence de voyage, envoyer un voyageur d’affaires dans un logement de particulier, où il risque d’être contrôlé par un agent municipal !
Dans le cadre d’un déplacement professionnel, la réputation de celui qui a effectué la réservation est alors sérieusement mise à mal. Car au final, c’est toujours l’agence qui est responsable de tout ! Airbnb se dit responsable de rien, ou presque... MorningCroissant et MagicEvent semblent mieux répondre aux besoins spécifiques des voyageurs d’affaires. Autre difficulté : la facturation avec TVA, même si certaines start-up de l’économie collaborative la propose désormais. Certes, des acteurs – comme Concur – permettent désormais d’intégrer ces dépenses à une note de frais ; mais cela ne permet pas de consolider les datas.

"Ce sont de nouveaux modèles économiques, avec des offres qui n’existaient pas et qui ne sont pas concurrentes de l’hôtellerie, mais complémentaires."

Quelles évolutions dans les agences ?

Patricia Morosini : Il est indispensable pour les agences de suivre avec attention l’évolution de la demande et de proposer demain une offre complète répondant aux attentes. Si le client réserve sa chambre par un biais, sa location de voiture ailleurs, il devient très difficile de l’assister en cas de problème ; le client a tout intérêt à ce que ses réservations soient centralisées.
Il y a un vrai parallèle à faire avec les transporteurs low cost. À leur arrivée, on se posait la question de savoir s’il fallait effectuer la réservation pour le client ou pas... Aujourd’hui, on ne se la pose plus ! Si les agences n’avaient pas suivi, elles se seraient coupées du marché.
L’idée est de pouvoir agréger ces contenus nouveaux dans notre offre, d’être pro-actif parfois et de savoir les proposer aux entreprises, sans faire abstraction des problèmes de sécurité, de services et de fiabilité.
Il se crée des start-up toutes les semaines. Qu’est-ce qui nous garantit qu’elles sont fiables et solvables, qu’elles seront encore là demain ? La responsabilité de l’agence est forte, ça peut être un frein pour référencer de nouveaux acteurs. Alors que l’entreprise qui réserve en direct ne se posera pas nécessairement toutes ces questions.
Au-delà de la sécurité, l’accès à la réservation est essentiel. Il faut qu’une agence puisse réserver facilement, modifier, annuler, consolider les informations. Si l’offre s’adapte à ces contraintes, il n’y a aucune raison de ne pas référencer ces nouveaux acteurs. Reste à trouver le bon modèle économique. On apporte un réseau de distribution, cela se rémunère !

Laurent Bensaïd : On est clairement sur une offre complémentaire, qui répond à de nouveaux besoins des clients, en particulier dans le domaine de l’hébergement.
Le marché va s’organiser, se consolider. Pour les entreprises, cela pose la question de comment elles font évoluer l’offre pour amener les collaborateurs vers un programme qui leur apporte du confort, mais qui génère aussi de l’économie et permet de contrôler la dépense voyage ? De leur coté, les agences de voyages ont toujours évolué en fonction des nouveautés du marché. On ne s’ennuie jamais ! Avec les low cost, nous avons pris le réflexe de nous intéresser aux nouveaux entrants. Reste le problème d’intégration de ces nouveaux acteurs dans les outils en ligne, il y a encore du chemin à faire... Le tout est d’arriver à une offre consistante qui répond aux besoins de nos clients, mais pas n’importe comment. Ca avance très vite, notamment aux États-Unis. L’analogie avec les low cost est évidente, ça va même aller beaucoup plus vite.

Julien Chambert : L’agence doit accompagner les pré-occupations des entreprises, suivre le marché et les nouveaux entrants. Et en même temps, c’est elle qui va devoir les gérer les éventuels problèmes. Les travel managers nous parlent toujours du prix. Sauf que si on ne leur propose demain que du prix, et qu’il n’y a pas de services associés, les mêmes reviendront vers nous pour dire que ça ne leur convient pas, qu’ils n’ont pas les datas nécessaires pour optimiser leurs achats, pas de service après vente.
Il convient donc d’être attentif dans les choix que nous faisons. Au-delà du prix, ces start-up ne doivent pas négliger les services si elles veulent séduire les entreprises. À l’époque où je travaillais chez Avexia, j’avais intégré dans l’offre des VTC et des parkings, mais pas d’hébergement collaboratif car on n’était pas prêt, notamment en termes de garantie sur le fonctionnement. Les nouvelles normes de mise à disposition de contenus vont permettre demain à une agence de mieux capter ces offres, d’une manière structurée.

"L’idée est de pouvoir agréger ces contenus nouveaux dans notre offre, d’être pro-actif parfois et de savoir les proposer aux entreprises, sans faire abstraction des problèmes de sécurité, de services et de fiabilité."

Quelles relations start-up/ agences de voyages ?

Arthur de Keyser : Tripndrive a déjà développé des partenariats avec 150 à 200 agences de voyages, notamment dans la grande distribution, sur une cible grand public. Nous avons créé un back office à leur intention. Notre produit est nouveau, elles sont un relais important pour expliquer son fonctionnement, rassurer les clients. Avec notre outil, elles peuvent pousser une offre complète.
Dans le domaine professionnel, nous avons par exemple de plus en plus de voyageurs d’affaires qui déposent leur voiture dans un aéroport de province et nous la confie, et loue un véhicule à Orly via notre service. Clairement, les agences sont assez friandes du produit.
Parallèlement, la consolidation dans le secteur du partage de voiture est déjà en marche, autour de Drivy et Ouicar récemment racheté par la SNCF. Ces deux acteurs s’intéressent à notre modèle. On est aussi en discussion avec des acteurs traditionnels de la location, qui savent que leur métier va changer et anticipent ces évolutions. Comment tout cela va évoluer demain ? C’est trop tôt pour le dire !

Valéry Linÿer : La notion de services est essentielle pour les agences. Nous avons adhéré à l’AFTM et à GBTA pour approcher les travel managers, comprendre les enjeux...
Nous investissons beaucoup dans le développement et nous commençons à mettre en place des partenariats avec certaines agences spécialistes du voyage d’affaires, en particulier les deux plus grands groupes en France.
MagicEvent est par ailleurs exposant cette année à l’IFTM-Top Résa, et nous avons ouvert récemment un back office dédié aux agences. C’est clairement un marché que nous commençons à explorer. Notre avenir est lié à notre capacité de nous développer très vite, notamment au-delà de la France, de prendre une pole position, en ajoutant des services et en gagnant en notoriété. Nous venons à ce titre de boucler une levée de fonds que nous annoncerons très prochainement.

Alix Tafflé : Notre priorité est d’abord d’adapter notre plate-forme pour répondre aux besoins des utilisateurs, afin de les fidéliser et de diminuer les investissements marketing. Il y a souvent une volonté des salariés d’utiliser nos services, et des contraintes au niveau de la direction !
Pour autant, de plus en plus de travel managers demandent à nous rencontrer pour intégrer notre offre ; nous discutons aussi avec Carlson Wagonlit Travel, Concur, KDS. C’est clairement dans notre stratégie ; et c’est avec l’objectif de nous rapprocher des agences et des entreprises, que nous allons créer un compte pro. Mais il faut que le modèle reste simple pour l’utilisateur. Il faut aussi réfléchir au modèle économique avec les agences, alors que la tendance est à la désintermédiation. Mais rien n’est insoluble !

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