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II. - Tunisie : "Face à l'appétit des TO, les hôteliers ont vendu à n'importe quel prix !"

L'interview de Mohamed Belajouza, président de la Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie


La Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie regroupe près de 600 établissements de tourisme classés. Lourdement endettés, ils traversent, à quelques exceptions près, la crise la plus importante de leur histoire. Pour Mohamed Belajouza, président de la FTH, la nouvelle donne politique peut être l'occasion de relancer enfin un secteur sinistré et faire valoir clairement la situation dans laquelle se trouve ses acteurs. Elle n'avait jamais été prise en compte par le président déchu et ses proches qui décidaient de tout.


Rédigé par le Dimanche 30 Octobre 2011

TourMaG.com - L'arrivée d'un parti islamique à la tête de la Tunisie, pays hautement touristique, a de quoi inquiéter les marchés. Comment réagissez-vous devant cette nouvelle situation politique  ?

Mohamed Belajouza :
"Nous sommes rassurés ainsi que les agents de voyages tunisiens par les déclarations politiques.

Après une année de crise le peuple tunisien a pris conscience de la place du tourisme dans l'économie et les emplois.

Nous estimons que nous sommes les plus qualifiés pour parler d'un secteur que nous vivons au quotidien. Nous savons ce dont il a besoin. Il est temps qu'on entende notre voix.

Nous avons préparé à l'attention du nouveau gouvernement une feuille de route que nous allons exposer clairement."

TourMaG.com - Quels sont les grandes lignes de cette feuille de route ?

M.B :
"Nous devons régler le problème de l'endettement des hôteliers, endettement dû à des taux exorbitants et aggravé par les différentes crises conjoncturelles que nous subissons depuis une dizaine d'années.

Il y a eu 2001, Djerba en 2002, puis les différentes guerres du Golfe, enfin les révolutions de 2010. Depuis dix ans, des commissions techniques ont travaillé sur ce sujet.

Des études ont été faites, présentées et approuvés par les conseils ministériels de Ben Ali. Elles n'ont jamais été suivies d'effets."

Mohamed Belajouza, Président de la Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie lors d'une soiré tunisienne organisée par l'ONT à Paris - DR : M.SANI
Mohamed Belajouza, Président de la Fédération Tunisienne de l'Hôtellerie lors d'une soiré tunisienne organisée par l'ONT à Paris - DR : M.SANI
TourMaG.com - Pour quelles raisons ?

M.B :
"En dépit de l'importance de notre secteur d'activité, le régime Ben Ali a toujours refusé de nous écouter et d'apporter les solutions et l'aide nécessaire à nos problèmes.

Il a toujours voulu nous maintenir sous sa domination. Il a, par exemple, refusé à notre Fédération le statut d'Organisation Nationale Patronale, statut accepté pour les autres secteurs d'activité du pays."

TourMaG.com - Combien d'hôteliers votre fédération regroupe-t-elle ?

M.B :
"La FTH regroupe 600 hôtels de tourisme classés par l'administration du tourisme, un classement qui, à quelques exceptions près, ne répond pas aux normes internationales et ne répond pas aux attentes des consommateurs.

Des études ont prouvé qu'une centaine d'hôtels - 82 pour être précis - doivent quitter la scène. Gérés par des non-professionnels, ils ont fait beaucoup de tort au secteur en vendant à prix bas.

L'administration par le biais de l'AFT (Agence Foncière Touristique) leur avait accordé des terrains à des prix loin du marché.

Quant aux crédits, ils étaient faits sur le dos des citoyens ! Notre Fédération n'a jamais défendu cette catégorie d'hôteliers. Elle s'en est toujours désolidarisée."

TourMaG.com - Va-t-on voir la fin d'une promotion du tourisme tunisien basée en grande partie sur sa politique de bas prix ?

M.B :
"Faibles devant l'appétit de quelques tour-opérateurs, des hôteliers ont vendu à n'importe quel prix. Dans leur ensemble les tour-opérateurs ont trouvé la brèche pour s'y engouffrer !

Nul ne peut ignorer que toute baisse de prix correspond une baisse de qualité ! A prix très bas, on ne peut prétendre donner un service qui réponde aux attentes des consommateurs.

Les clients en sont victimes. Seule une petite minorité d'hôteliers fonctionne, fait des bénéfices et met sur le marché un bon produit bien rémunéré."

TourMaG.com - Dans les hôtels tunisiens le service n'est pas toujours en harmonie avec le nombre de leurs étoiles...

M.B :
"Nous avons de bons techniciens hôteliers qui savent fabriquer de bons produits quand ils en ont les moyens. Ceux que nous formons dans les écoles hôtelières nous quittent et vont dans d'autres pays, où ils sont certains d'être mieux rémunérés et d'avoir les moyens de s'exprimer."

TourMaG.com - Quel est votre regard sur les écoles hôtelières et les écoles de tourisme tunisiennes ?

M.B :
"Je demande que la formation professionnelle soit confiée aux professionnels du secteur. A eux d'établir des programmes conformes aux demandes des marchés émetteurs !

Nous devons former des hôteliers sachant répondre aux touristes que nous recevons. Des études ont été faites à ce sujet depuis 2003. La dernière date de 2010."

TourMaG.com - Les professionnels du tourisme tunisien se sont engagés financièrement dans le remplissage des vols Transavia sur Tozeur. Y a-t-il d'autres secteurs dans lesquels vous vous engagez ?

M.B :
"Nous nous engageons pleinement dans la politique de promotion tout en reconnaissant qu'elle est dérisoire en comparaison de la Turquie ou du Maroc.

En 2010, la totalité de notre budget de promotion a été de 20 à 25 M€ pour l’ensemble des marchés émetteurs.

Ce budget a été alimenté par l’Etat, les professionnels hôteliers à hauteur de 1 % de leur chiffre d'affaires et les agents de voyages par le biais de taxes sur les sièges exploités, notamment en excursions."

TourMaG.com - Quelle est la répartition public-privé ?

M.B :
"Les bonnes années nous sommes à peu près à 50/50 avec l’Etat qui gère seul le budget, ce n’est pas normal ! Cette répartition du budget devrait se faire équitablement avec l'ensemble des secteurs qui vivent du tourisme.

Je pense aux compagnies aériennes, aux banques, aux aéroports et aux ports qui bénéficient de taxes.

En consacrant 4 à 5 % des revenus du tourisme à la promotion, nous n'aurions ainsi plus besoin de l'assistance de l'Etat. Nous serions auto-suffisants.

Cette étude, qui date de 2003, avait été approuvée par un Conseil des Ministres de Ben Ali et jamais appliquée. Comme le font beaucoup de pays à vocation touristique, nous avons par ailleurs demandé l'instauration d'une taxe pour servir la promotion du tourisme."

TourMaG.com - Quels sont vos rapports avec l'administration ?

M.B :
"Nous dépendons de l'administration qui applique la réglementation. Nous avons de bons rapports. J'estime néanmoins que la promotion et le marketing ne sont pas compatibles avec la bureaucratie."

TourMaG.com - Le mot de la fin ?

M.B :
"Les obligations financières résolues, nous pourrons raisonnablement faire face. Nous pourrons alors nous engager à améliorer les performances du secteur en nombre de nuitées et de recettes globales.

Nous pourrons élaborer un bon produit soutenu par une démarche marketing confiée à des professionnels. Je n'ai aucune raison de m'inquiéter.

J'ai un préjugé favorable. Nous avons devant nous des gens intelligents. Notre tourisme a atteint un niveau tel qu'il est impossible de faire marche arrière. Notre intérêt est d'avancer ensemble."


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Tags : tunisie
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