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Les agents de voyages français sont-ils ubérisables ?

Article extrait de l'édition spéciale "papier" IFTM Top Resa


Ubérisation. Voilà un terme à la mode actuellement en France. Inspiré par Uber, plate-forme de mise en relation entre chauffeurs de VTC et clients potentiels, il désigne les pratiques de nouveaux acteurs du numérique qui ont, entre autres, tendance, à réduire le plus possible leur masse salariale. Ils se reposent sur des réseaux de collaborateurs indépendants pilotés par une plate-forme digitale. Avec, pour certains, beaucoup de succès. Ce qui inspire de nombreux secteurs, dont celui du tourisme. Alors, les agents de voyages français sont-ils les prochains sur la liste des professions à ubériser ?


Rédigé par Pierre Coronas le Mardi 20 Septembre 2016

Plusieurs groupes sont désormais de plus en plus nombreux à se laisser tenter par le statut de travailleur indépendant - Photo : Monet-Fotolia.com
Plusieurs groupes sont désormais de plus en plus nombreux à se laisser tenter par le statut de travailleur indépendant - Photo : Monet-Fotolia.com
Avec l’avènement de l’économie dite collaborative, le rapport au travail change peu à peu. Le salariat n’est plus la seule formule disponible.

Et si les nouveautés ont d’abord effrayé la majorité des Français, ils sont désormais de plus en plus nombreux à se laisser tenter par le statut de travailleur indépendant. Une tendance à laquelle n’échappe pas le tourisme.

Plusieurs gros acteurs du secteur l’ont bien compris. Ils s’adaptent progressivement à cette nouvelle donne. C’est le cas notamment d'Univairmer, société du groupe Tourism Invest, qui s’est lancée sur le marché de la vente de voyages à domicile avec la création de la joint-venture MyTravel, début 2016.

Une structure pilotée par la direction commerciale du groupe.

Elle vise à recruter des collaborateurs free-lance sur la base d’un contrat de 10 à 12 heures par mois. Ils sont rémunérés selon un système d’incentive avec des commissions qui vont de 3 à 7 %.

Le modèle encadré des Ambassadeurs TUI

Mais c’est surtout du côté de TUI France que l’initiative prend le plus d’ampleur.

Depuis le début de l’année, la filiale française du géant européen du tourisme se constitue un réseau d’Ambassadeurs TUI. Un concept qui plaît puisqu’une semaine après la publication d’une annonce de recrutement en ligne, le groupe avait déjà reçu plus de 40 candidatures de potentiels futurs collaborateurs indépendants.

TUI sait de quoi il parle car il emploie déjà des Home Workers aux Pays-Bas depuis 5 ans et en Allemagne depuis 10 ans.

« D’un côté, nos clients attendent un service personnalisé authentique avec un conseiller dédié et attentif. Et de l’autre côté, des agents de voyages n’ont pas les moyens financiers d’ouvrir un point de vente physique. Ils ont également envie de liberté et d’autonomie dans leur activité et leur emploi du temps tout en valorisant leur expérience », résume Pierre-Olivier Grolleau, directeur du réseau d’agences chez TUI France.

Le groupe compte déjà 3 Ambassadeurs en France : 2 à Toulouse et un en Île-de-France. Ils sont en cours d’immatriculation. Car TUI France souhaite « un modèle encadré et totalement légal, assure Pierre-Olivier Grolleau. C’est plus long mais c’est aussi, et surtout, un gage de qualité. »

"Faire évoluer le droit du travail"

Les Ambassadeurs de TUI France doivent être enregistrés au registre du commerce et des sociétés (RCS) en tant qu’autoentrepreneur, en entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou tout autre statut approprié.

Mais il leur faut également disposer d’une responsabilité civile professionnelle (RCP) et, surtout, d’une garantie financière et être immatriculés au registre des opérateurs de voyages et de séjours d’Atout France comme le stipule le code du tourisme.

La démarche a le mérite de l’originalité. Mais elle n’est pas forcément innovante ni disruptive dans le sens où elle ne bouscule pas vraiment la réglementation du secteur et n’outrepasse pas les conventions en vigueur dans le monde du travail et le tourisme.

C’est pourquoi d’autres veulent aller plus loin. En toute légalité. Comme, par exemple, Jean-Pierre Mas, le président des Entreprises du Voyage (ex-SNAV).

« La relation au travail n’est aujourd’hui plus uniquement collective mais aussi individuelle, analyse-t-il. Le salariat classique ne sera bientôt plus exclusif comme le montre, entre autres, l’expérience d’Uber. »

Alors, pour permettre au tourisme d’être en accord avec cette nouvelle donne, le représentant des agences de voyages françaises considère qu’il est nécessaire de « faire évoluer le droit du travail ».

Un point de vue partagé par les autorités puisque depuis plusieurs mois, un groupe de travail qui réunit des représentants du SETO, des Entreprises du Voyage, de RN2D, de l’UNAT, de l’APST, de plusieurs ministères, de la DGAC, de la DGCCRF, de la DGE et de grandes agences de voyages en ligne se rassemblent toutes les 3 semaines avec comme objectif de « simplifier la réglementation actuelle », explique un chargé de mission au bureau des professions du tourisme de la direction générale des entreprises (DGE).

Leurs discussions entrent dans le cadre de la réflexion autour de la transposition de la nouvelle directive de l’Union européenne (UE) sur les voyages à forfaits.

Adoptée fin novembre 2015, ses dispositions devront être appliquées au niveau national d’ici 2018.

Innonver tout en protégeant les consommateurs

L’occasion de « permettre l’innovation là où il y a des contraintes réglementaires tout en veillant à protéger le consommateur. Cela aidera des jeunes pousses prometteuses à se développer plus facilement », estime le chargé de mission de la DGE.

Parmi les pistes envisagées mais pas encore actées : la mise en place d’un régime pour les apporteurs d’affaires indépendants qui n’encaissent pas les fonds des clients et qui n’auraient donc pas besoin de s’immatriculer, mais aussi la possibilité pour une entreprise touristique immatriculée de parrainer une société nouvellement créée pour l’accompagner dans son développement.

« Cela correspond à des besoins des professionnels du tourisme, se félicite Jean-Pierre Mas. Le recours aux indépendants pourra favoriser les petites entreprises bien organisées autant que les grands groupes très puissants car elles ne paieront que l’apport de clientèle. »

Les nouveautés réglementaires pourraient se mettre en place très rapidement dans le tourisme puisque le groupe de travail piloté par la DGE doit établir un projet pour fin 2016 afin de le présenter au Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et au Conseil d’État courant 2017.

Il n’est toutefois n’est pas certain que l’idée d’une simplification du code du tourisme et une déréglementation du métier d’agent de voyages plaise à tout le monde. Les salariés “traditionnels“ du secteur et leurs représentants estimeront probablement que le gouvernement et les autorités cherchent à les ubériser.

Et ne manqueront pas de le faire savoir.

TO et agences généralistes sont les plus menacées par l'ubérisation

En effet, comme le théorise Grégoire Lelercq, cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation, face à la généralisation du recours aux travailleurs indépendants, il existe 3 grandes familles :

« Nous avons les “médusés“ qui n’adhèrent absolument pas à cette nouveauté et qui sont pétrifiés. Il y a aussi les “Midas“ qui font croire qu’il est possible de résister à la tendance ; Ils en saisissent les enjeux mais ne veulent pas reconnaître que le phénomène va les submerger, comme cela a, par exemple, été récemment le cas avec les chauffeurs de taxis, les hôteliers ou les guides-conférenciers.

Quant au troisième type, il s’agit des “pragmatiques“ ou “réalistes“ qui comprennent et s’adaptent en investissant et s’organisant pour concurrencer intelligemment les nouveaux acteurs qui bouleversent leur marché
. »

Mais les agents de voyages français sont-ils vraiment ubérisables ? Pas tous, répond Grégoire Leclerq. Selon lui, ce sont plutôt les distributeurs et les tour-opérateurs généralistes qui risquent de subir la concurrence de l’économie collaborative dans le secteur.

Le cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation leur conseille : « d’adopter les mêmes codes que les nouveaux acteurs en créant des plate-formes numériques, en digitalisant leur offre, en ayant recours aux indépendants et en établissant un système de notation. »

Des recommandations qui paraissent simples, mais attention, prévient Grégoire Leclercq, « ajouter à sa masse salariale une part d’indépendants, c’est
vertueux, mais il ne faut pas croire non plus qu’un réseau de collaborateurs non salariés ne se manage pas
. Il faut une plate-forme digitale et un process de gestion très performants pour le gérer. Sinon la charge de travail est trop importante.
»

D’ailleurs, du côté de TUI France, on a déjà réfléchi à la question. Les Ambassadeurs pourront effectuer des réservations à domicile en utilisant l’espace professionnel du site Internet du groupe et auront même accès à un back-office pour la création de produits sur-mesure. Le tout chapeauté, en interne, par un support commercial avec une personne dédiée au réseau d’indépendants et un support technique.

On le voit, comme beaucoup d’autres secteurs économiques en France, le tourisme n’échappe pas aux nouvelles formes de travail. Désormais, il ne faut plus se demander si les agences de voyages seront un jour ubérisées, mais plutôt quand cela arrivera. Et quelles en seront les conséquences... Pour les clients comme pour les employés.

Les Ambassadeurs TUI France

TUI France se constitue actuellement un réseau d’une centaine de collaborateurs indépendants non salariés. Il sera pleinement opérationnel d’ici fin 2016.

Ses membres signeront des contrats d’un an renouvelables. Les Ambassadeurs TUI France devront respecter le code du tourisme et le code du commerce et donc être immatriculés au RCS, disposer d’une garantie financière, d’une RCP et d’une immatriculation au registre des opérateurs de voyages et de séjours d’Atout France.

Ils devront réaliser un minimum de chiffre d’affaires de 100 000 € par an. Le tout en vendant au moins 60 % de produits TUI. Ils pourront également distribuer d’autres tour-opérateurs avec des commissions qui varieront entre 6% et 8%.

Au delà de 100 000 € de chiffre d’affaires annuel, le groupe a prévu des paliers qui permettront aux Ambassadeurs de bénéficier de surcommissions.

Droit du Travail

Le recours aux indépendants non salariés représente une « pratique risquée pour les entreprises françaises », prévient Grégoire Leclercq, cofondateur de l’Observatoire de l’ubérisation.

Pour que le collaborateur soit légalement reconnu comme indépendant, il faut respecter 6 critères :

- l’indépendance matérielle
- l’indépendance géographique
- l’indépendance économique
- la formalisation contractuelle de la collaboration
- l’absence de lien de subordination
- l’absence de revenus fixes

En cas de non-respect de ces conditions, le contrat du travailleur indépendant peut être requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI) par un conseil de prud’hommes. L’employeur s’expose alors à une amende, des frais de licenciements et l’obligation de s’acquitter des charges non-versées.

« Il faut éviter de missionner en tant qu’indépendant un ancien salarié de la société », recommande Grégoire Leclercq. L’URSSAF pourrait, en effet, considérer cela comme une fraude sociale.

La grande majorité des travailleurs indépendants français choisissent aujourd’hui le statut d’auto-entrepreneur. Mais celui-ci est plafonné au niveau des revenus. C’est pourquoi d’autres optent pour le statut d’entreprise individuelle, de société par actions simplifiées unipersonnelle (SASU) ou d’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

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Commentaires

1.Posté par Retour au XIX siècle le 20/09/2016 08:28 | Alerter
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Tout est dans le pseudo !

2.Posté par zaz le 20/09/2016 14:34 | Alerter
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Pourquoi ne pas mettre en place du portage salarial comme il existe dans d'autres activités ?

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