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MICE et voyages d'affaires, quelles synergies ?

Table ronde


Soucieuses de trouver de nouvelles sources de profits, les agences de voyages investissent le marché du MICE, en mettant en avant de potentielles synergies avec le marché des déplacements professionnels.


Rédigé par Nicolas Langis le Lundi 19 Septembre 2016

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Les participants à la table ronde :
Annette Botticchio - HYATT HOTELS & RESORTS
Didier Legault - VOLOTEA
Olivier Daurat - LOUVRE HOTELS GROUP
Yann Barbizet - CONCOMITANCE
Linda Hellal - FREQUENT FLYER TRAVEL PARIS
Julien Chambert - CBT CONSEIL



L'état du marché

Yann Barbizet : Les synergies potentielles entre MICE et voyage d’affaires sont réelles mais au final, la porosité est encore faible. Il existe des différences entre les deux métiers, notamment dans le type des prestations achetées. Le budget hôtellerie ne pèse par exemple que 25 à 30 % dans le MICE, car un événement sur deux se déroule sans hôtel. Par ailleurs, les interlocuteurs ne sont pas les mêmes. Dans le MICE, il s’agit des directions générales ou marketing.
En revanche, les deux métiers présentent des points communs, avec la même ambition de consolider les dépenses, de rationaliser les moyens de paiement.
L’aspect sécuritaire devient également essentiel et plaide pour une consolidation des métiers. La question est de savoir qui une entreprise doit choisir, entre une agence de communication et une agence de voyages. Ces dernières pèsent moins de 10 % du marché.

Julien Chambert : Certes, ce ne sont pas les mêmes besoins, pas les mêmes budgets, pas les mêmes interlocuteurs. Pour autant, les appels d’offres des entreprises envoyés aux TMC incluent de plus en plus souvent un volet MICE, dans un souci de rationalisation des budgets.
Elles cherchent à savoir ce qu’elles dépensent avec précision pour leurs événements, à mesurer le retour sur investissement, ont besoin de moyens de paiement simplifiés, par exemple une carte logée dédiée au MICE.
Je ne suis donc pas étonné de voir que les métiers du voyage d’affaires et du MICE se rapprochent, en particulier sur la partie réunions et séminaires. Peut-être moins pour la partie congrès, qui demandent des compétences pointues.

"Les entreprises cherchent à savoir ce qu’elles dépensent avec précision pour leurs événements, à mesurer le retour sur investissement, ont besoin de moyens de paiement simplifiés."

Quel rôle pour les TMC ?

Julien Chambert : Les agences de voyages ont clairement un rôle à jouer. Depuis déjà longtemps, le voyage d’affaires n’est pas que de la logistique. C’est aussi des services, et de plus en plus de la créativité. Une extension vers le MICE semble donc légitime.
Beaucoup d’acteurs du voyage d’affaires réfléchissent désormais à une stratégie globale, en développant leurs compétences internes ou par acquisition, comme Carlson Wagonlit Travel qui a racheté Ormès l’an dernier.
Leurs marges sont devenues trop faibles, la concurrence est trop forte, les services évoluent trop vite ; elles ont besoin de trouver d’autres sources de profits. Or, les marges dans le tourisme d’affaires sont bien plus conséquentes ! Si les TMC ne deviennent pas rapidement de vraies agences de services au sens large du terme, du MICE à la gestion de la sécurité des voyageurs, elles sont mortes.

Linda Hellal : Ces synergies entre MICE et voyage d’affaires sont déjà une réalité chez certaines TMC. Elles ont un sens car elles permettent de renforcer le service apporté aux entreprises. Notre cœur de métier est l’excellence opérationnelle, les achats de voyages.
Dans le MICE, il y a un autre élément essentiel : la réflexion stratégique. Ce qui nécessite des compétences en marketing et communication. Une agence doit donc s’adjoindre les bonnes compétences si elle veut investir ce créneau.
Chez Frequent Flyer Travel, nous avons fait le choix de racheter Dream Concept et de conserver la marque au sein de notre offre de services pour bien marquer les différences entre la gestion des budgets d’une part, et la réflexion stratégique dans l’organisation d’événements d’autre part. Notre ambition est d’être encore plus pertinents, d’aider nos clients à réaliser des économies en coordonnant les achats, la logistique, mais aussi les accompagner dans la conception de leurs événements. Le MICE représente aujourd’hui 10 % de notre activité.

Yann Barbizet : L’enjeu majeur des TMC pour l’avenir est de sortir des fourches caudines des acheteurs.
Au travers du MICE, les agences peuvent accéder aux directions commerciales ou marketing. En termes de rentabilité également, cette évolution est essentielle. Le modèle des transactions fees est à bout de souffle.
La vraie question et de savoir si une TMC est légitime pour se développer sur le marché du MICE. On avait posé cette question il y a quelques années aux grandes entreprises, le résultat était alors assez catastrophique. Depuis, les choses évoluent. II y a un enjeu d’image pour les agences. Il est salutaire et nécessaire pour elles de monter en compétences et de trouver des sources de rémunération complémentaires...

"II y a un enjeu d’image pour les agences. Il est salutaire et nécessaire pour elles de monter en compétences et de trouver des sources de rémunération complémentaires..."

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Le point de vue des fournisseurs

Olivier Daurat : Le multi-intermédiaire devient complexe à gérer pour une entreprise, alors même que l’on constate un phénomène croissant de désintermédiation. D’où l’intérêt pour une TMC de proposer des services additionnels forts, de créer de la valeur ajoutée en diversifiant son offre. C’est la naissance d’un nouveau modèle.
Autrefois, une entreprise devait avoir plusieurs interlocuteurs : une agence en communication pour formater son message, une agence de
voyages pour la logistique.
De plus en plus de TMC tendent à être multi-facettes... Mais attention : on ne s’improvise pas conseiller en communication ! Chez Louvre Hotels, nous constatons clairement que des synergies entre MICE et voyage d’affaires se mettent en place. Nos interlocuteurs au sein des grandes entreprises ont de plus en plus souvent une vision globale à 360°. Pour nous, ce rapprochement n’est que bénéfice. La consolidation des achats n’entraîne pas nécessairement de pression sur les prix, mais nous pouvons ainsi mieux investir sur des services dédiés.

Annette Botticchio : Les appels d’offres des grandes entreprises intègrent de plus en plus souvent un volet MICE, dans le cadre d’un accord annuel et international.
Je sens clairement une volonté de nos clients de rapprocher les deux métiers, y compris au niveau des interlocuteurs avec la montée en puissance des acheteurs. Leur travail de rationalisation sur le voyage d’affaires est terminé, ils se concentrent donc désormais sur le MICE.
Je comprends les entreprises qui jusqu’à récemment, ne maîtrisaient pas les coûts assez opaques de leurs dépenses de réunions. Il est légitime qu’elles travaillent sur ce segment, sans pour autant grignoter sur la qualité.
L’aspect sécuritaire devient également primordial, y compris pour un séminaire. Les agences ont compris que pour garder leurs clients, elles devaient faire évoluer leur modèle et développer leur palette de services.

Didier Legault : En tant que compagnie aérienne, je vois ce phénomène de rapprochement entre les deux métiers comme une opportunité de croissance. Il nous permet d’élargir le portefeuille de clients.
Au-delà des voyageurs d’affaires de l’entreprise, le MICE nous offre l’opportunité de faire découvrir notre compagnie encore jeune et notre offre hybride à d’autres publics. Pour les compagnies qui possède un département charters et commercialisent des affrètements d’avion, comme c’est le cas pour Volotea, c’est aussi un moyen supplémentaire de développer l’activité, à travers des travel managers et des TMC avec lesquels nous travaillons déjà au quotidien.

"Les agences ont compris que pour garder leurs clients, elles devaient faire évoluer leur modèle et développer leur palette de services."

Quelles économies pour l’entreprise ?

Yann Barbizet : C’est le fantasme des acheteurs de penser qu’il pourra obtenir un meilleur tarif en regroupant ses achats voyages d’affaires et MICE. Il faut leur expliquer la différence entre le tarif corporate et le tarif dynamique. Un hôtel prend plus de risques en bloquant toutes ses capacités, le tarif par chambre sera donc généralement plus élevé pour un groupe MICE que pour un voyageur individuel.

Julien Chambert : Effectivement, réserver 100 chambres sur douze mois dans le même hôtel et 100 chambres sur deux nuits, ce n’est pas la même chose ! Les acheteurs des grandes entreprises savent qu’un tarif MICE sera généralement supérieur à celui d’un voyageur individuel, même s’ils font semblants de l’oublier !
Pour leur part, les petites entreprises imaginent qu’elles auront un meilleur prix avec un groupe, à tort. Au-delà du prix, il faut d’abord penser en termes de service car un hôtel n’a pas nécessairement la capacité d’accueillir correctement autant de monde d’un coup. Au final, pas sûr que les entreprises dépensent moins mais elles dépenseront mieux à travers une rationalisation des budgets.

Didier Legault : Il n’y a pas que le prix qui compte. Une de nos valeurs ajoutées, c’est certes d’être en rupture forte avec les tarifs pratiqués par les compagnies historiques.
Mais chez Volotea, on ne limite pas la taille des groupes, si ce n’est à la capacité de l’avion ! Ce qui n’est pas le cas sur beaucoup de compagnies... Et on ne joue pas avec le yield management. Un vol vit sa vie tarifaire de façon autonome ; quand une classe tarifaire est complète, on passe à une autre. Le prix du groupe est alors lissé en fonction des différents prix.

Linda Hellal : Les entreprises pensent essentiellement économies directes mais il faut aussi intégrer les économies indirectes : la mise en place de process, la centralisation des factures auprès d’une agence, le reporting... sur ce point, il y a une vraie valeur ajoutée de l’agence à faire valoir.
Par ailleurs, la notion de partenariat avec nos fournisseurs – hôteliers ou aériens notamment – est essentielle. De par nos relations étroites, nous pouvons apporter une qualité de services aux entreprises qu’elles ne pourraient pas forcément obtenir par d’autres biais.


"Au final, pas sûr que les entreprises dépensent moins mais elles dépenseront mieux à travers une rationalisation des budgets."

© Cyril Etien
© Cyril Etien
Quels changements pour l’entreprise ?

Linda Hellal : Le postulat de départ pour une entreprise, c’est la nécessité de faire des économies, ou du moins de savoir ce qu’elle dépense.
Une agence a suffisamment capitalisé d’expérience dans le domaine du voyage d’affaires pour démontrer qu’elle est légitime pour aider les entreprises à mieux gérer leurs dépenses MICE. Au-delà, il nous faut les accompagner dans la gestion du changement.
Les freins en interne sont réels. Si l’assistante de direction prend du plaisir à organiser le séminaire annuel de direction, il nous faut l’aider plutôt que la remplacer, l’inciter à travailler avec une agence plutôt qu’en direct avec les fournisseurs pour consolider les dépenses.
Ce n’est qu’avec un accompagnement que nous pourrons faire sauter des verrous. La possibilité pour nous d’avoir d’autres interlocuteurs à travers le MICE, notamment des DG ou directeur marketing, de leur expliquer ce qu’est notre métier, permettra d’accompagner les entreprises dans ce changement et d’optimiser leurs dépenses. Au final, les agences regagnent leurs galons de chef d’orchestre !

Julien Chambert : Il existe de nombreux prés carrés dans le MICE ! C’est par exemple l’assistante de direction qui organise une fois par an le séminaire de direction. Elle y prend du plaisir, c’est parfois sa « récréation », il va être compliqué de la convertir.
Si l’agence arrive en lui expliquant qu’elle n’est pas là pour la remplacer mais pour l’accompagner, la transition sera plus facile. Les choses vont évoluer mais cela va prendre un peu de temps ; en particulier pour l’organisation des petits événements, qui représentent la majorité de l’activité en volume.
Pour autant, il ne faut pas s’imaginer que demain, les TMC vont s’accaparer le marché. De nombreuses agences refusent de s’engager sur la voie du MICE. Les risques financiers pour organiser un voyage de groupe sont importants, l’affrètement d’un avion est une vraie problématique. Si le contrat n’est pas bien ficelé, si les conditions d’annulation sont sous- évaluées, une agence peut rapidement perdre plusieurs dizaines de milliers d’euros et boire la tasse !

"Si l’assistante de direction prend du plaisir à organiser le séminaire annuel de direction, il nous faut l’aider plutôt que la remplacer, l’inciter à travailler avec une agence plutôt qu’en direct avec les fournisseurs pour consolider les dépenses."

Quelle place pour le travel manager ?

Yann Barbizet : Il existe des réflexes catégoriels. On sent que dans les entreprises, des gens se posent légitimement la question de leur pérennité. La résistance est plus importante dans les entreprises que chez les fournisseurs qui, au final, s’adaptent au changement.

Linda Hellal : C’est là que le terme de synergies est positif. Un travel manager ne va pas devenir demain un stratège en communication ! L’idée n’est pas de mettre en opposition ces deux fonctions. Laissons faire aux stratèges leurs jobs pour monter en compétence et en créativité, en s’appuyant sur les compétences des travel managers pour mettre en musique les événements.

Julien Chambert : Les travel managers ont plutôt intérêt à accompagner les TMC dans ces changements, c’est une manière de protéger leur travail. Car à mon sens, acheter un prix est dépassé. On peut réduire un budget de 10 % une année, puis deux, mais pas trois !
À terme, le responsable des achats va donc se retourner vers le travel manager pour travailler à d’autres solutions, sur les process, les coûts indirects, la qualité de services. D’ailleurs, au-delà d’un million d’euros de volume, des enquêtes sur la qualité sont désormais systématiquement intégrées dans les appels d’offre. Le travel manager a toujours un avenir, mais il va devenir le miroir de l’agence et aura un rôle de pivot au sein de l’entreprise, l’interface avec l’informatique, les achats, les ressources humaines, le comité d’entreprise...

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