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Sécurité aérienne : les compagnies low cost font-elles mieux que les autres ?

La chronique de J. Belotti, expert aérien et ancien commandant de bord



Rédigé par Jean Belotti le Mardi 19 Février 2013

Combien d'accidents ?

Restons donc dans la recherche du “Pourquoi”, en indiquant qu’il serait possible d’affiner l’analyse, dans les deux cas suivants :

1.- Tout d’abord, en s’intéressant au nombre d’incidents. Certes, un accident peut très bien survenir sans qu’il y ait eu d’incidents antérieurs. Cela étant, il est cependant instructif de connaître la tendance : aggravation ou réduction.

En effet l'éventuel constat d'une augmentation des incidents révélerait une situation potentielle d'aggravation du risque. Malheureusement, la traçabilité des incidents n’est pas encore complète et, de toute façon, ils ne figurent pas dans les statistiques annuelles présentées par différents organismes.

Leur prise en compte permettrait pourtant à l’enquêteur de conclure que “la compagnie concernée n’a pas eu d’accident, car aucun incident antérieur n’a été relevé...”, ou “... car le nombre d’incidents relevés est en constante régression”.

2.- Puis, en s’intéressant aux pré-incidents, c’est-à-dire à ce qui se passe avant les incidents. C’est à ce niveau que se situent les premières prémices, les premiers prodromes des incidents et accidents.

Il s’agit de situations dangereuses desquelles les équipages se sont sortis, avant que ne survienne l’incident ou l’accident. Malheureusement, ici aussi, l'information en “feed-back” des équipages concernant ces cas de “pré-incidents” étant quasiment inexistante, il ne peut donc y avoir de “suivi” de leur évolution.

En revanche, on peut s’intéresser au fonctionnement général de l’entreprise qui révélera ou non l’existence de facteurs contributifs à la survenance d’un accident. Il s’agit de causes diverses situées en amont du vol et qui englobent tout le système organisationnel du processus logistique, qui conduit à la réalisation des opérations aériennes.

Accident : quelles causes ?

Rappelons que l’accident peut être dû à :

- des causes endogènes, celles qui dépendant de l’entreprise. Exemples : dysfonctionnements, anomalies, impasses dans la maintenance (préventive et corrective), niveaux de formation et de qualification insuffisants, ...

- des causes exogènes, celles indépendantes de l’entreprise. Exemples : défaillance ou insuffisance des infrastructures, risque aviaire, ...

Les enquêtes ayant relevé quelle était la cause initiale (panne d’un moteur, feu à bord, décrochage de l’avion, ...) - qualifiée d’“élément pivot” - la recherche porte sur lesdits facteurs contributifs et c’est la justice qui appréciera l’importance du lien de causalité avec la survenance de l’accident.

Finalement, on voit que répondre au "Pourquoi", oblige à tenir compte de très nombreux facteurs, ce qui permettrait la réponse suivante : "La compagnie n’a pas eu d’accident parce qu’elle a de bons avions, de bons équipages et qu’elle respecte les normes, règles, textes régissant la profession ; parce qu’aucun incident ou pré-incident antérieur n’a été relevé ; parce que, dans les causes endogènes, aucun fait potentiel contributif à la survenance d’un accident n’a été relevé".

Il reste que, même avec une telle rassurante conclusion, il serait impossible d’écarter l’hypothèse selon laquelle, dès le lendemain de ladite déclaration, un accident survienne.

Impossible d'embarquer moins de carburant que la quantité minimale réglementaire

Pour terminer, trois commentaires :

1.- Il a été annoncé que les bons résultats des low-cost citées seraient dus à l’existence d’une jeune flotte d’avions. Or, il n’y a pas de lien entre l’âge d’une flotte et la survenance d’un accident, dès lors que les programmes spéciaux de surveillance et d'inspection des avions ayant dépassé un certain nombre d'heures de vol, ont été respectés.

Dès 1990, j’ai démontré qu'aucun accident n'avait été imputé à la vieillesse d'un avion bien entretenu (mon article “Le vieillissement des avions”. Revue "Transports" N̊ 344 - nov-déc 1990), ce qui a été confirmé, en 1998, par Tom Cole de Boeing (“The physical life of an airplane isn't limited if it's properly maintened”).

De plus, il est facile de prendre le contre-pied d’une vieille flotte, en montrant que, précisément, c’est au cours de leurs premières années d'existence que les avions présentent des “maladies de jeunesse”, surtout lorsqu'il s'agit de nouveaux types d'avions, dont les systèmes ne sont pas toujours complètement “débogués”.

2.- Il a été déclaré que des pilotes desdites compagnies ayant subi des pressions pour embarquer moins de carburant avaient été obligés de se poser en urgence, avant la panne sèche ! Les textes prévoient pour chaque vol une quantité minimale à embarquer.

Cette quantité permet, par beau temps, de se poser avec des réserves non consommées. Même si le commandant de bord a grandement majoré cette quantité, il peut, dans certaines situations (dégradation de la situation météorologique, piste inutilisable ou encombré, etc...), être obligé de se poser en urgence sur un deuxième terrain de dégagement, le premier ayant été, lui aussi, inutilisable.

Il est inimaginable qu’un pilote accepte d’embarquer moins de carburant que la quantité minimale réglementaire, qu’un chef pilote, un directeur des opérations aériennes, voire le patron de la compagnie, lui en donne l’ordre ou fasse des pressions dans ce sens.

3.- Dès que l’on parle d’accidents aériens, il convient de savoir quelles responsabilités ont été retenues par la justice et, également et surtout, tenir compte de la tendance et non pas d’accident datant d’une décennie qui colle, comme une sangsue, à l’image de marque d’une compagnie, de surcroît lorsque celle-ci n’a aucune responsabilité dans la survenance de l’élément pivot, décrit plus haut.

*Ancien Commandant de bord, notre chroniqueur Jean Belotti est également expert auprès des tribunaux et écrivain. Voici une fiche bibliographique de ses ouvrages.

"Les accidents aériens, pour mieux comprendre". Frédéric COUFFY Éditions - 1999.
12, rue de Nazareth 13100 Aix en Provence. Tél : 04 42 26 18 08. Fax : 04 42 26 63 26

"Les Titanics du ciel". FRANCE-EUROPE-EDITIONS - 2001
9, rue Boyer BP 4049 06301 Nice Cedex 4

"Chroniques aéronautiques". VARIO - 2003
1034, rue H.Poincaré 83340 Le Luc en Provence

"Le Transport International de Marchandises". VUIBERT - 3ième édition en 2004.
www.vuibert.fr

"Une passion du ciel". NOUVELLES EDITIONS LATINES - 2005
1, rue de Palatine 75006 Paris

"Pour mieux comprendre… Le transport aérien", Editions VARIO. Préface de Gérard FELDZER, 2012

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