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Futuroscopie - Eau : la fin de l'open bar ? 🔑

Entretien avec Marillys MacĂ©, Directrice gĂ©nĂ©rale du Centre d’information sur l’eau


Les journĂ©es internationales dĂ©crĂ©tĂ©es par l’ONU ont toujours un impact sur l’opinion publique internationale. Ce 22 mars, consacrĂ© aux problĂšmes de l’eau, aura cependant plus d’impact que les autres. Car la sĂ©cheresse ambiante dans de nombreuses rĂ©gions du monde et en France, notamment dans des dĂ©partements comme le Var ou les PyrĂ©nĂ©es orientales, n’est pas une fable. Au contraire, preuve est faite que les pĂ©nuries ne sont pas pour demain mais pour aujourd’hui et que l’on ne peut plus faire comme si elles n’existaient pas. TrĂšs concernĂ©, le secteur touristique a un rĂŽle Ă  jouer. Pourvu qu’il n’attende pas trop pour agir.


Rédigé par le Lundi 27 Mars 2023

Pour la premiĂšre fois, le secteur du camping a sollicitĂ© le Centre d’Information sur l’eau - Depositphotos.com Auteur SSilver
Pour la premiĂšre fois, le secteur du camping a sollicitĂ© le Centre d’Information sur l’eau - Depositphotos.com Auteur SSilver
DĂšs que la ruĂ©e touristique vers le soleil s’est confirmĂ©e, les gĂ©ographes ont alertĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server les ressources en eau des destinations du sud convoitĂ©es par les touristes. TrĂšs tĂŽt tirĂ©e, y compris parmi les premiers groupes politiques Ă©cologistes, la sonnette d’alarme aurait pu ĂȘtre entendue et orienter les acteurs du tourisme, notamment les groupes hĂŽteliers et autres bĂątisseurs, vers plus de modĂ©ration et de sobriĂ©tĂ©.

Mais, l’heure Ă©tait Ă  l’insouciance, la dĂ©pense et autres extravagances. Dans un monde loin d’ĂȘtre « fini », on conjuguait volontiers tourisme avec « toujours plus », sans se soucier ni de l’avenir ni des consĂ©quences d’un gaspillage intensif sur les populations locales.

VoilĂ  pourquoi, entre autre, alors que plus de 2 milliards d’ĂȘtres humains (*) n’ont toujours pas accĂšs Ă  de l’eau potable, les Ă©tats membres de l’ONU se mobilisent pour une cause dĂ©terminante pour l’avenir de l’humanitĂ© et de la planĂšte.

VoilĂ  pourquoi la France de plus en plus touchĂ©e par les sĂ©cheresses, s’inquiĂšte elle-aussi non pas de son avenir mais de son prĂ©sent. D’autant que 2023 s’annonce encore plus chaud que les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes et qu’à fin janvier 60% des nappes phrĂ©atiques affichaient un niveau plus bas que la normale !


Les touristes, l'eau, les Français

ParticuliÚrement concerné, le secteur touristique ne peut ignorer un phénomÚne qui menace sa clientÚle, son environnement et ses établissements.

Comme nous le rappelle Marillys MacĂ©, la directrice gĂ©nĂ©rale du Centre d’Information sur l’eau (une association crĂ©Ă©e en 1996 dont la vocation est d’expliquer le cycle de l’eau, ses qualitĂ©s, ses dĂ©fauts
) : « cette annĂ©e et cela pour la premiĂšre fois, le secteur du camping nous a sollicitĂ©s ». « Une grande premiĂšre, note-t-elle, car ce n’était pas du tout le cas avant ».

Et pourquoi cette premiĂšre ? Tout simplement car les canicules annoncĂ©es et les sĂ©cheresses sont devenues suffisamment courantes pour que des mesures soient prises par ces Ă©tablissements et qu’il est encore temps d’agir.

Campings : les premiĂšres mesures Ă  prendre

Exemple : la directrice insiste sur la nĂ©cessitĂ© d’introduire de la sobriĂ©tĂ© dans la consommation quotidienne des campeurs. « Pour cela, il conviendrait selon elle, de limiter, avec des rĂ©ducteurs d’eau, le dĂ©bit des douches, des toilettes, des chasses d’eau qui consomment prĂšs de 60% de l’eau nĂ©cessaire au sĂ©jour d’un campeur ».

« Il faudrait Ă©galement changer la vĂ©gĂ©talisation des sites et avoir recours Ă  des plantes nĂ©cessitant beaucoup moins d’arrosage ». Autre conseil : « rĂ©duire l’artificialisation des sols provoquĂ©e par la construction d’hĂ©bergements en dur et revenir Ă  un habitat de toile ».

Moins de bĂ©ton, c’est plus de vĂ©gĂ©tation donc plus de fraĂźcheur, donc moins de besoin d’eau. NĂ©anmoins, « fournir de l’eau courante abondamment Ă  ses clients est un devoir dont il faut s’acquitter. D’autant que, l’eau du robinet connait un Ă©tat de grĂące ».

« Les Français, dit-elle, exaspĂ©rĂ©s par les bouteilles en plastique, font de nouveau confiance Ă  l’eau des robinets et remplissent volontiers leurs gourdes. Moins cher ! Moins polluant ! »

La consommation sobre, premiÚre réponse au défi climatique

La quasi-totalitĂ© des Français (89%), interrogĂ©s dans le cadre d’une enquĂȘte menĂ©e par Kantar pour le Centre d’information sur l’eau, se dit attentive aux quantitĂ©s d’eau consommĂ©e.

Cette adhĂ©sion massive en faveur d’une consommation plus raisonnĂ©e de l’eau est inspirĂ©e par une volontĂ© de protĂ©ger l’environnement :

- Un tiers (31 %) reconnait surveiller sa consommation d’eau pour contribuer Ă  la prĂ©servation des ressources en eau en France,

- 26 % le font pour la sauvegarde de la planĂšte...

- Plus de 7 consommateurs sur 10 (74%) seraient intĂ©ressĂ©s par la mise Ă  disposition d’un service de suivi rĂ©gulier de leur consommation d’eau Ă  domicile.

De façon plus gĂ©nĂ©rale, les Français s’inscrivent d’ailleurs de plus en plus dans l’action pour prĂ©server les ressources en eau. Ils sont 89% Ă  dĂ©clarer faire des gestes dans ce sens.

Le traitement des eaux usées : trop long, trop onéreux et pourtant nécessaire

Est-ce tout ? Non.

Bien Ă©videmment, pour les campings comme pour l’ensemble des Ă©tablissements se pose la question du traitement des eaux usĂ©es. Vaste et Ă©pineux sujet que la France rĂ©sout moins bien que ses voisins italiens, espagnols ou qu’un pays comme IsraĂ«l.

Pourquoi, « parce que, toujours selon Maryllis MacĂ©, les systĂšmes sont coĂ»teux et que leur installation nĂ©cessite en France environ 5 ans, Ă  cause du parcours du combattant que doivent accomplir les projets : Ă©tudes, demandes d’autorisation interminables
 ».

En fait, on le sait, la France est championne de la lenteur administrative alors que la technologie existe et se montre performante. Un chiffre prouvant les lenteurs françaises : sur 30 000 stations de dépollution, 74 seulement peuvent traiter les eaux musées !

Mais, toujours selon la spĂ©cialiste, « ce sont les stations littorales dont la population augmente l’étĂ© qui devraient avancer au plus vite. Car, celles-ci sont en danger de pĂ©nurie. »

Quid des piscines, golfs et autres pelouses ?

Pour poursuivre sur le secteur touristique, il est clair que l’un des premiers clichĂ©s venant Ă  l’esprit concerne les piscines et leurs Ă©normes besoins en eau. Cependant, si les piscines privĂ©es sont en ligne de mire, peut-on fermer les piscines publiques dĂ©jĂ  bien souvent condamnĂ©es par la hausse des tarifs de l’énergie ?

Lesquelles sont souvent le seul moyen pour des familles ne partant pas en vacances, de se rafraüchir. La question, pour le moment, n’est pas à l’ordre du jour
 Mais, elle pourrait rapidement le devenir.

Quant aux parcours de golf, on pourrait effectivement s’interroger sur leur survie dans les rĂ©gions les plus menacĂ©es ?

D’autant que dans certains dĂ©partements, l’arrosage des pelouses et stades est d’ores et dĂ©jĂ  interdit par des arrĂȘtĂ©s sĂ©cheresse promulguĂ©s en 2022 qui s’éternisent. Les douches sur les plages quant Ă  elles, sur la sellette depuis longtemps, ont du souci Ă  se faire. D’ailleurs, beaucoup sont d’ores et dĂ©jĂ  verrouillĂ©es.

Mais le plus inquiĂ©tant, ce sont les coupures d’eau qui, comme dans certaines rĂ©gions d’Espagne et d’Italie, auraient une incidence sur la population locale et sur la population touristique de nombreux dĂ©partements français dont les 7 dĂ©jĂ  en alerte qui sont tous trĂšs touristiques comme le Var, l’IsĂšre, l’Ain, les Bouches-du-RhĂŽne, la Savoie, les PyrĂ©nĂ©es orientales


Il n’est jamais trop tard : « on peut encore agir »

Marillys Macé
Marillys Macé
Fort heureusement, en attend le Plan Eau promis par le gouvernement, qui pourrait inclure un soutien financier pour les collectivités locales nécessitant des mesures urgentes.

Et, comme le prĂ©cise encore Maryllis MacĂ©, « l’Union EuropĂ©enne pousse Ă  la roue pour que le problĂšme hydrique soit traitĂ© en urgence et que des mutations interviennent dans le secteur de l’agriculture, la santĂ©, la pĂȘche donc l’économie ». En fait, insiste-t-elle, « il faudrait dĂ©cider d’établir une hiĂ©rarchie entre les territoires afin d’aider les plus nĂ©cessiteux en prioritĂ©. Mais, se pose la question de l’équitĂ© territoriale ».

« Je suis cependant optimiste, conclut-elle, car tout le monde dans le secteur est d’accord sur le fait qu’il faut faire quelque chose rapidement pour assurer l’avenir de l’eau. Il va bien falloir faire les compromis nĂ©cessaires et apaiser les conflits d’usage. »

Une allusion aux manifestations en cours sur les « mĂ©ga bassines » ? Sans doute


L’eau mondiale en chiffres

En 2020, 2 milliards de personnes (26% de la population) étaient toujours privées d'une eau potable sûre et 3,6 milliards (46% de la population) n'avaient pas accÚs à des services d'assainissement gérés de façon sûre. Parmi eux, 494 millions n'avaient d'autre choix que de faire leurs besoins en plein air.

Toujours en 2020, plus de 40% des eaux usĂ©es domestiques n'Ă©taient pas traitĂ©es de maniĂšre sĂ»re avant d'ĂȘtre rejetĂ©es dans l'environnement.

En outre, 2,3 milliards de personnes (29 % de la population mondiale) ne bénéficiaient pas de services d'hygiÚne de base. Et au moins deux milliards de personnes boivent de l'eau contaminée par des excréments.

Des conditions propices à la propagation du choléra, de la dysenterie, ou de la polio. En 2019, 1,4 million de morts auraient été causées par l'absence de services d'hygiÚne et d'assainissement adéquats.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.

AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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