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Tourisme et préférence nationale, la fausse bonne idée...

La tribune de Stéphane Rossard, fondateur de Planet Experiences


Les appels et les messages à inciter nos concitoyens à passer leur prochaines vacances d'été en France se multiplient dernièrement. Un appel lancé afin d'éviter à tout prix un été meurtrier pour les professionnels du tourisme français. On pressent tous la catastrophe qui s'annonce. Comme le tonnerre qui gronde au loin laisse supposer une averse à pluie battante. Un argument qui se défend au regard de ce contexte inédit et de son impact incalculable sur une des industries motrices de l'économie française. Et pourtant...


Rédigé par Stéphane ROSSARD le Lundi 27 Avril 2020

Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ? - DR : DepositPhotos, Ariwasabi
Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ? - DR : DepositPhotos, Ariwasabi
L'industrie du tourisme représente en France 7,2% du PIB et environ 2 millions d’emplois directs et indirects.

Ce sont au total 40 milliards d’euros qui pourraient manquer si la situation liée au Covid-19 devait durer un trimestre et 400 000 personnes qui sont actuellement sans emploi dans ce secteur phare de l’économie.

Mais ce qui interpelle, surtout, c'est la manière dont les politiques s'en mêlent et s'en font le relais.

Ainsi une soixantaine de députés ont signé une tribune pour appeler les Français à "rester en France pour permettre à nos territoires de retrouver un nouvel élan". Avant de finir : ''cet été et pour les prochaines vacances, restons solidaires, partons en France !"

Au nom de la solidarité. Une solidarité en trompe-l’œil et claironnée au mépris d'une réalité bien plus complexe.

Comment expliquer cette soudaine conversion ?

En effet, appeler à privilégier la France comme destination estivale relève ni plus ni moins de ce qu'on appelle la préférence nationale. Appelé aussi patriotisme économique.

Que nos politiques nous expliquent maintenant cette volte-face : comment cet argument qu'ils condamnent habituellement en bloc quand il est employé dans le débat politique et incarné par le Rassemblement National trouve soudainement grâce à leurs yeux pour le tourisme ?

Cette idée valait jusqu'à présent à celui qui l’énonçait d'être voué aux gémonies, d'être ostracisé.

Comment expliquer cette soudaine conversion ? En quoi la préférence nationale est-elle plus soluble dans le tourisme que dans l'industrie française dans sa globalité ?

En quoi ce patriotisme est-il bon pour le tourisme, mais mauvais pour l'ensemble des autres industries françaises ?

Car il y a encore peu, l'usage de préférence nationale était un tabou, une ligne rouge infranchissable, rapidement évacué par la classe politique. Impensable, quelque soit le secteur économique. Et produisant une réaction de rejet immédiat.

Qu'ils nous expliquent ce nouveau virage à 180 degrés. Qu'ils nous expliquent que ce qui est inacceptable pour les autres filières françaises, un refus si catégorique qu'il en est devenu un des dogmes de la politique industrielle depuis trente ans, ne le soit pas pour le tourisme.

Qu'ils nous expliquent - ces mêmes là qui, en général, se font les chantres de la mondialisation, et les adversaires intraitables des égoïsmes nationaux - ce grand écart, pour ne pas dire cette incohérence intellectuelle dont ils font preuve.

Égoïsmes nationaux qu'ils pointent aussi d'un doigt accusateur, à raison, comme l'une des causes actuelles de la lente implosion en cours de l'Union Européenne.

Mauvaise foi et populisme

Mais avec un tel message n'est-ce pas, au contraire, exacerber davantage ces égoïsmes ? N'est-ce pas contribuer à fragiliser cette solidarité européenne qui s'effrite et dont pourtant ils ne cessent d'appeler de leurs vœux à se renforcer ?

Cela a un nom, même deux, d'ailleurs : d'une part, cela s'appelle la mauvaise foi. Mais, en politique, elle est consubstantielle à la rhétorique. Un mal nécessaire à déplorer mais plutôt bénin. Quoique.

D'autre part, cela s'appelle, oh ! mais quelle ironie de la situation, car c'est un mal plus sérieux et vilipendé à longueur de discours par ceux-là même qui en font usage en demandant aux Français à voyager en priorité dans l'Hexagone : le populisme.

Si cela n'en est pas, la ressemblance, par le fond du propos, est troublante. Et ce mal est bien plus grave que le premier.

Ont-ils pensé au fait que si chaque pays fait de même, que se passera-t-il pour la France ? Ont-ils fait les comptes ? Quand on sait l'importance de la clientèle étrangère pour le tourisme dans l'Hexagone.

Pour rappel, selon l'Insee, en 2018, la fréquentation dans l’hôtellerie s’accroît de 2,4% (soit 5 millions de nuitées supplémentaires), malgré la concurrence des hébergements individuels proposés par des particuliers via des plateformes Internet.

Ce dynamisme est exclusivement lié à la clientèle étrangère dont les nuitées dans les hôtels augmentent de 7,6%. Un nouveau record de fréquentation est atteint pour cette clientèle, avec 81 millions de nuitées en 2018, soit un gain de 5,7 millions en un an.

Une vision réductrice et partielle de l'industrie du tourisme

En revanche, la fréquentation de la clientèle française baisse de 0,6%. Idem toujours selon le même rapport : ''Dans l’hôtellerie de plein air, la fréquentation augmente de 0,8%, soit 1 million de nuitées supplémentaires en un an. Cette légère hausse est uniquement imputable à la clientèle étrangère (+2,5%).''

Au-delà des chiffres, c'est une erreur d'appréciation à mettre sur le compte d'une illusion d'optique.

Le tourisme en France ne se résume pas à la partie visible de l'iceberg, soit hôtels, restaurants, parcs d'attractions et musées.

Le tourisme en France, c'est aussi les tour-opérateurs, des centaines d'agences de voyages, des réceptifs locaux, des sociétés de transports (bus, taxi et chauffeurs), des sociétés événementielles et congrès, donc des milliers d'emplois qui dépendent fortement de la clientèle internationale.

Selon une étude publiée en novembre 2019 par le cabinet EY et commanditée par un collectif d’organisations professionnelles et d’institutions pour évaluer le poids et les retombées économiques des événements d’entreprises et d’institutions en France, ces événements ont accueilli 52 millions de participants au total.

44% des retombées en termes de dépenses personnelles sont générées par la clientèle internationale ! Une manne de 32 milliards d’euros qui profite à 48% aux acteurs du tourisme (transport d’accès et sur place, hébergement, restauration, commerces).

Pour nos domaines skiables, petite piqûre de rappel là aussi : au total, plus d’un skieur sur quatre dévalant nos pistes vient de l’étranger.

Enfin, ils ont en tête essentiellement le tourisme de "loisirs" et font l'impasse sur le tourisme disons d'affaires et événementiel. C'est faire preuve d'une vision réductrice et partielle de l'industrie du tourisme.

Mais aussi d'une vision à court terme en se focalisant sur les vacances d'été. Sans penser aux conséquences induites pour les autres vacances et autres activités liées au tourisme.

Si tous les gouvernements appellent leurs citoyens à adopter la même attitude, privilégiant leur propre pays, la France en sortirait-elle perdante ou gagnante ?

Le tourisme français, seul, suffira-t-il à compenser cette perte ? C'est une chose de seller son cheval. C'en est une autre de le monter.

A propos de Stéphane Rossard

Stéphane Rossard - DR
Stéphane Rossard - DR
Web entrepreneur depuis vingt ans, Stéphane Rossard est aussi le créateur des premiers sites francophones dédiés à l'Afrique du Sud et la Namibie, pour l'organisation de voyages sur-mesure. Des sites adossés à des supports d'informations afin de faire découvrir les atouts touristiques de l'Afrique Australe.

Depuis plusieurs années, animé par le désir de partager sa passion, il apporte son expertise à des médias afin de contribuer à la réalisation de leur contenu ou de leurs reportages. Il produit également du contenu dédié à l'Afrique afin de changer le regard sur ce continent en pleine mutation, de mieux faire comprendre les changements à l'oeuvre et les enjeux actuels et de jeter des ponts entre l'Afrique et l'Europe.

Son engagement est aussi social, afin de valoriser la richesse du potentiel humain sur le continent africain, notamment à travers une série de portraits d'Africains - baptisée "This is My Time" - œuvrant à des actions remarquables et impactantes.

Il est également à l'origine du lancement de Talents d'Afrique, qui replace l'humain au centre des projets de voyage.

Enfin, il est intervenant et enseignant dans le tourisme, et plus particulièrement le tourisme responsable et social. Parmi ses centres d'intérêts : la veille sur les grandes tendances, l'impact des innovations technologiques et la sensibilisation à l'implication et la responsabilisation des communautés locales, les associations locales porteuses de projets socio-éducatifs et environnementaux.

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Commentaires

1.Posté par Virginie le 28/04/2020 08:50 | Alerter
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Excellente analyse qui rejoint ce que j'évoquais dans un article de mon bloc il y a quelques semaines.
Moi qui suis en Corse, je sais que sans les touristes internationaux, le compte n'y sera pas ! La Corse n'est pas non plus accessible à tous !
https://virloblog.fr/2020-un-tournant/

2.Posté par PAT44 le 28/04/2020 09:40 | Alerter
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cela ressemble à un édito politique plus qu'à un édito tourisme

3.Posté par francois le 28/04/2020 10:04 | Alerter
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cela s’appel un changement de paradigme et c’ est aussi nécessaire que cette crise l’a été pour les grands équilibres financier depuis 2 ans et le covid tombe à point nommé comme déclencheur.
Alors oui on a besoin que les avions ne repartent pas, que le tourisme soit d’abord Français puis Europpen, pour des questions de bon sens .
j’ai 54 ans ans et la majorité de mes amis connaissent plus les capitale européenne que leur propre pays. cette fausse nécessité de de voyager est simplement aujourd’hui une absurdité face au réchauffement climatique.
il faut laisser les avions au sol, et le covid agit comme un catalyseur de cet état d’esprit que tous les humains comprennent à la seul vue d’un avion.

4.Posté par Emmanuel Nesta le 28/04/2020 10:58 | Alerter
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Edito politique et inapproprié . Comme si on avait le choix! Quoi de plus logique après un tel marasme de vouloir sauver les meubles, et en l'occurrence la prochaine saison d'été? Qui sait quand les avions recommenceront à voler de manière régulière? En quoi est ce du populisme de proposer des alternatives de voyage dans ce si beau pays qu'est le nôtre? Je crois que vous vous êtes totalement perdu dans votre discours, et que votre tentative de polémique ne trouvera pas d'écho. La France est un pays magnifique, très méconnu par ses habitants, et cette crise est pour eux l'occasion de changer leurs habitudes et de découvrir tous ses trésors. Sans que cela n'implique une quelconque orientation nationaliste. C'est totalement absurde de dire ce genre de choses. Et puis, si les étrangers viennent en si grand nombre visiter notre pays , c'est aussi parce que chez eux ils n'y trouvent pas ce qu'ils recherchent. Alors, oui, voyageons en France cet été, et les suivants aussi! Et arrêtons de faire voyager les clients avec des vols à 30€ pour aller à Malaga ou Marrakech! Et mettons nous au travail pour proposer des programmes attractifs à nos concitoyens pour les aider à passer de merveilleuses vacances.

5.Posté par Lovetofly le 28/04/2020 11:43 | Alerter
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Enfin une tribune empreinte de bon sens ! Cela rassure de voir qu'il y a encore des Français capables de réfléchir et de faire preuve d'un minimum de bon sens. Je ne vois pas en quoi rappeler des réalités économiques revient à constituer un édito politique. Les vieux réflexes nationalistes et populistes ont décidément la vie dure dans ce pays. Je m'étonne au passage que TourMaG, censé représenter l'ensemble des acteurs de la profession, se soit joint aussi vite à ce bel élan populiste avec son slogan #Partez en France by TourMaG. Ce n'est pourtant pas le style de Jean da Luz... Ceux qui s'empressent de pourfendre les voyages à l'étranger ainsi que le transport aérien au nom de l'écologie omettent (refusent ?) de voir deux réalités : 1. le transport aérien a été un des principaux vecteurs de paix des dernières décennies en permettant aux habitants de la planète de voyager, d'apprendre à mieux se connaître et à s'ouvrir aux autres cultures 2. l'empreinte carbone des smartphones dépasse déjà celle de l'ensemble du transport aérien mondial et atteindra 14% d'ici 2040 selon les experts. Rassurez-moi, François, Greta et autres : de la même façon que vous ne prenez pas l'avion, vous ne passez pas votre temps à naviguer sur votre I-phone et sur vos applications j'espère ???

6.Posté par Jean DA LUZ le 28/04/2020 14:21 | Alerter
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Bonjour,
LoveToFly, TourMaG.com et moi-même ce cédons pas à un quelconque élan "populiste" mais à des faits "réalistes". Il ne s'agit d'ailleurs pas d'un slogan mais d'une verticale" lancée et déposée par TourMaG.com pour encourager à un nécessaire et inévitable changement de paradigme.
Nous ne prétendons pas qu'il suffit d'appuyer sur un bouton 'marche-arrêt" pour passer à autre chose. Nous ne prétendons pas non plus que ça va régler nos problèmes. Nous essayons de trouver des exutoires à la crise pour en diminuer l'impact.
Nous estimons pertinente l'analyse de Stéphane Rossard (voilà pourquoi on l'a publiée) mais elle n'est pas en contradiction avec la notre. Il fait un constat d'échec nous essayons de trouver des solutions ;O))
Bien cordialement

7.Posté par Val33 le 29/04/2020 19:52 | Alerter
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Et bien, à contrario des commentaires ci-dessous, j'espère bien pouvoir continuer à voyager à l'étranger comme chaque année. J'aurais tout le temps de sillonner la France à ma retraite.

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