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II. Camp des Milles (BDR) : dernier camp d'internement et de déportation français encore debout

Le dossier de TourMaG.com sur le Tourisme de Mémoire


L'année 2014 marquera le centenaire du début de la Première Guerre Mondiale et les 70 ans du débarquement allié, du 6 juin 1944, pendant la deuxième Guerre Mondiale. De nombreux événements de commémoration étant prévus l'année prochaine, TourMaG.com vous propose, durant toute la semaine du 11 novembre 2013, un dossier sur le Tourisme de Mémoire. Ce deuxième volet traite du Mémorial du Camp des Milles (Bouches-du-Rhône), dernier camp d'internement et de déportation français encore debout. Interview de Cyprien Fonvielle, Directeur du site, et retour sur l'historique de ce lieu patrimonial.


Rédigé par Pierre Coronas le Mercredi 13 Novembre 2013

Le Mémorial du Camp des Milles d'Aix-en-Provence (13) a ouvert ses portes au public en septembre 2012 - Photo P.C.
Le Mémorial du Camp des Milles d'Aix-en-Provence (13) a ouvert ses portes au public en septembre 2012 - Photo P.C.
TourMaG.com – Quelles sont les raisons de la création du Mémorial du Camp des Milles ?

Cyprien Fonvielle :
"Ça a été un long combat. Ce qui a tout d'abord motivé cette ouverture c'est un état de fait : le Camp des Milles est le dernier lieu, en France, qui permet encore de parler de la position française pendant la deuxième Guerre Mondiale.

Pendant longtemps, on a expliqué que, pendant cette période, la France était résistante. C'est vrai, il y a d'ailleurs eu plusieurs résistances.

Mais une partie du pays a aussi collaboré : la France de Vichy. Et un lieu comme le Camp des Milles permet de montrer l'intégralité de cette histoire.

Mais il a fallu du temps pour arriver à faire accepter à la société française ainsi qu'à ses représentants politiques le fait qu'il fallait absolument présenter ce pan de l'histoire."

TourMaG.com – Pourquoi est-ce que ce processus a été si long et si compliqué ?

C.F. :
"Un couvercle a été posé sur ce plan de l'histoire française au sortir de la guerre. Si bien qu'en 1983, on ne parle plus depuis des années de l'histoire du Camp des Milles.

Le sous-préfet d'Aix-en-Provence va contacter des associations d'anciens résistants et déportés pour les informer qu'une partie du site va être détruite pour élargir une des routes qui le longent.

Ces personnes vont venir voir le Camp et y découvrir des peintures murales de grande taille qui parlent clairement de la période de la France de Vichy.

Ils vont alors se mobiliser avec le soutien de la mairie d'Aix-en-Provence et arriver à faire démarrer un processus de protection et de classement du site auprès du ministère de la Culture.

Il faudra attendre près de 10 ans pour convaincre des partenaires locaux et les services de l’État de la nécessité de garder ce lieu debout.

En 2007, le comité de pilotage arrive à trouver son équilibre et crée une fondation d'utilité publique en 2009 qui gère actuellement l'équipement. Fin 2009, début 2010, les travaux démarrent. Le mémorial ouvre ses portes en septembre 2012."

50 % d'autofinancement

TourMaG.com – Comment le site est-il géré et financé ?

C.F. :
"Le Conseil d'administration regroupe quatre ministères (Défense, Education Nationale, Culture et Intérieur) et l'ensemble des collectivités territoriales concernées (Conseil Régional, Conseil Général, Communauté du Pays d'Aix, Ville d'Aix-en-Provence, Communauté Urbaine de Marseille).

Tous participent au financement - avec le Mémorial de la Shoah également - du Mémorial du Camp des Milles à hauteur de 50 %.

La particularité d'une fondation d'utilité publique est qu'elle ne peut pas avoir plus de 50 % de fonds public. Pour le reste, elle doit générer ses propres ressources pour environ 1 million d'euros.

Cela se fait par les entrées, la location d'espaces d'auditorium, des ateliers pédagogiques pour les scolaires, du mécénat..."

TourMaG.com – Pour la première année d'ouverture, combien de visiteurs avez-vous accueillis ?

C.F. :
"Entre septembre 2012 et septembre 2013, nous avons compté quasiment 60 000 visiteurs. Si on projette sur l'ensemble de l'année 2013, nous devrions finir autour de 75 000 entrées.

Nous sommes très proches de nos objectifs. L'impact budgétaire fait que nous sommes pratiquement à 45 % d'auto-financement.

C'est important sachant qu'un équipement culturel génère normalement entre 15 % et 20 % de financement.

Nous sommes sur une bonne dynamique. Surtout que les travaux ont réellement pris fin en mars 2013."

TourMaG.com – Quels sont les différents profils de visiteurs ?

C.F. :
"Nous avons environ 25 % de scolaires. Sur ce point nous avons une grande marge de progression puisque nous estimons que nous devrions en avoir 40 %.

Sinon, les profils sont très variés. Beaucoup de familles viennent car il ne s'agit pas d'un lieu d'extermination et nous y proposons, en plus d'un volet historique et mémoriel, une partie réflexive qui présente des clés de compréhension des mécanismes sociétaux qui font qu'une société laisse mettre en place des génocides.

Nous avons la volonté ici de faire de nos visiteurs des acteurs vigilants. Nous proposons pour cela des repères pour aider les membres de la société à vivre ensemble. L'objectif est de faire repartir les individus d'ici avec de l'espoir."

TourMaG.com – Quelle est la part des visiteurs étrangers ?

C.F. :
"Sur la première année, la part des étrangers n'a pas été très importante. Mais elle a quand même grimpé jusqu'à 30 % cet été.

Il s'agit d'Anglais et, surtout, d'Allemands. Le Camp des Milles est beaucoup plus connu en Allemagne qu'en France d'ailleurs.

J'estime que la part des visiteurs étrangers devrait augmenter régulièrement dans le futur."

Visites pour les "prescripteurs touristiques"

TourMag.com – Avez-vous noué des partenariats avec des tour-opérateurs ou des agences de voyages réceptives ?

C.F. :
"Nous commençons à le faire. L'une des difficultés que nous avons est que nous sommes sur un lieu public qui apporte une partie de gestion privé, sur une thématique extrêmement sensible qui plus est.

Nous avons donc un cahier des charges très serré et nous devons convaincre les opérateurs touristiques de l'intérêt pour eux de faire venir ici leurs voyageurs car le site présente quelque chose qu'ils ne trouveront pas ailleurs en Provence et plus généralement dans le Sud de la France.

Nous avons reçu un certain nombre de croisièristes qui souhaitaient voir comment inclure la visite du mémorial dans leurs croisières, principalement pour une clientèle étrangère.

Et nous travaillons sur le développement de projet pour 2014. Pour cela, nous avons une équipe de 3 personnes dédiée au développement de partenariats touristiques.

Des visites sont mises en place pour faire découvrir le lieu et ses particularités à des prescripteurs du secteur."

TourMaG.com – Le Mémorial du Camp des Milles profite-t-il de Marseille Provence 2013, capitale européenne de la Culture ?

C.F. :
"Le mémorial est inclus dans MP2013 car toute capitale de la Culture, lorsqu'elle dépose son projet, doit avoir un volet mémoriel.

Dans les faits, cela se traduit principalement par l'exposition en cours sur Max Ernst, Hans Bellmer, Ferdinand Springer et Wols, 4 artistes qui ont été internés ici. Elle présente des œuvres qui ont été produites sur le Camp des Milles."

Historique du Camp des Milles :

Le Camp des Milles, dernier camp d'internement et de déportation français encore en état, a été créé dans une tuilerie construite en 1883 et qui avait stoppé son activité en 1937 pour des raisons économiques.

En septembre 1939, au moment où la France entre en guerre contre l'Allemagne et ses alliés, le gouvernement de la IIIe République demande à ses représentants locaux de proposer un certain nombre de lieux dans lesquels pourront être internés ceux que l'on appelle les « sujets ennemis ».

Il s'agit de ressortissants étrangers issus de ces pays contre qui la France entre en guerre. Principalement des Allemands et des Autrichiens. On souhaite les enfermer car on les soupçonne de pouvoir monter des actes d'espionnage et de sabotage sur le territoire français.

La tuilerie des Milles fait partie de ces lieux proposés. son bâtiment de 15 000 m² de plancher (20 000 m² de superficie totale en comptant les annexes) est idéal. Par ailleurs, il n'y a pratiquement aucune cloison dans les étages. Ce qui y permet d'entasser énormément de monde.

Le site est donc réquisitionné et ce,n d'autant plus, qu'il est situé à proximité d'une voie ferrée, en septembre 1939.

Parmi les internés de cette première période, se trouve une part très importante d'artistes et d'intellectuels. Entre 1933 et 1935, beaucoup d'opposants aux régimes fascistes vont fuir leurs pays d'origine pour la France, pays des droits de l'Homme. Parmi eux, nombreux choisissent la Provence.

Ils sont tous enfermés sans distinction liée à leur positionnement politique. Le Camp des Milles devient rapidement le camp le plus important en Provence. 2 500 hommes y sont enfermés.

Entre septembre 1939 et juin 1940, il est le théâtre d'un véritable foisonnement culturel : de nombreux spectacles vivant y sont joués, des conférences y sont données par certains prix Nobel qui y sont enfermés, des œuvres picturales y sont créées...

A partir de juin 1940, à la suite du passage des lignes françaises par l'armée allemande, les pensionnaires craignent pour leur vie.

C'est à ce moment qu'arrive l'épisode du « train fantôme » : le commandant Goruchon qui dirige le camp décide d’affréter un train en direction de l'Océan Atlantique pour permettre à 2 000 hommes d'embarquer dans un navire vers les États-Unis.

Le train part mais à l'approche de Bayonne, le chef de la gare, est averti qu'un train d'Allemands arrivent et il pense que l'armée allemande est en train d'envahir le Sud-Ouest. Il fait alors détourner le train. Le convoi repart vers la Provence et s'arrête à Nîmes ou ses occupants sont de nouveau internés.

En juillet 1940, les camps rouvrent et passent sous l'autorité de la Gendarmerie. Elle va repartir chercher les internés dans le Gard car ils sont reconnus par l'Allemagne et ses alliés comme des opposants anti-fascistes.

On va également y enfermer des ressortissants étrangers masculins qui sont venus autour de Marseille, alors capitale délocalisée, pour obtenir des visas.

Jusqu'en juillet 1942, 3 500 personnes et 38 nationalités cohabitent au Camp des Milles. Les tensions y sont très fortes. Les gens sont entassés et les conditions d'hygiène y sont déplorables.

A partir de la mi-1942, le gouvernement de Vichy accepte de déporter les hommes et les femmes juifs étrangers depuis les zones non-occupées militairement. L’État de Pétain y ajoute les juifs apatrides – des Français naturalisés après 1927 et qui se sont vus retirer la nationalité française – et les enfants.

Entre août et septembre 1942, un peu plus de 2 000 personnes, dont une centaine d'enfants, sont déportés du Camp des Milles en seulement trois semaines.

Le Camp des Milles ferme en décembre 1942. Il est, par la suite, réquisitionné par la Wehrmacht qui en fait un dépôt de munitions. A l'été 1944, les troupes américaines qui viennent libérer la France le réquisitionnent à leur tour pour y stocker elles aussi leurs munitions.

En 1947, l'activité industrielle de production de tuiles reprend jusqu'en 2006. C'est pour cela que la bâtiment est encore debout. Il est aujourd'hui, le seul des 240 camps d'internement français de la 2e guerre mondiale, a être encore en état.


Infos pratiques

Site-Mémorial du Camp des Milles 40, chemin de la Badesse 13290 Aix-en-Provence (Les Milles)
04 42 39 17 11 - www.campdesmilles.org

Musée, expositions permanentes et temporaires, films, débats, programmation culturelle jeune public et tous publics, forums, ateliers…

Chaire UNESCO. Monument Historique. Un des neuf hauts lieux de mémoire français. Site majeur dans le cadre de MP 2013.

> Ouvert tous les jours de 10h à 18h (Fermeture de la billetterie 19h)

> Services • Expositions français / anglais • Audioguides anglais/allemand• Librairie • Visites individuelles (accompagnements possibles) • Visites de groupes et de scolaires sur réservation •Parcours PMR • Parking gratuit • Restauration sur place

> Accès
• À 10 min d’Aix-en-Provence* • À 15 min de Marseille (A51*, train) • À 10 min de la gare Aix TGV* • À 20 min de l’aéroport Marseille-Provence
• Bus : depuis Aix-centre (Rotonde)

> Tarifs : 9,50 € - 7,50 € - Gratuités
Pass familles - Se renseigner pour les autres tarifs
Accès libre d’une partie du site (Exposition Serge Klarsfeld, Salle des Peintures, Chemin des Déportés et Wagon du Souvenir)

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