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Droit de trafic des compagnies du golfe : la peur n’enlève pas le danger !

La chronique de Jean-Louis Baroux


Le Syndicat National des Pilotes de Lignes (SNPL) exige des Pouvoirs Publics qu’ils n’accordent plus de nouveaux droits de trafic aux compagnies aériennes du Golfe. Ce faisant les pilotes espèrent protéger le transport aérien français. Cela ressemble furieusement à la politique de Défense française menée entre les deux guerres qui a conduit à la construction de la Ligne Maginot avec les résultats que l’on sait.


Rédigé par Jean-Louis Baroux le Jeudi 26 Décembre 2013

Ce ne sont pas les transporteurs du Golfe qui sont à réformer, ce sont les européens. Seulement cela signifie faire des sacrifices, beaucoup et douloureux y compris et peut-être surtout de la part des pilotes. - © lassedesignen - Fotolia.com
Ce ne sont pas les transporteurs du Golfe qui sont à réformer, ce sont les européens. Seulement cela signifie faire des sacrifices, beaucoup et douloureux y compris et peut-être surtout de la part des pilotes. - © lassedesignen - Fotolia.com
J’avoue ne pas comprendre ce point de vue. Si les Etats se mettent à interdire l’accès à leur territoire à toutes les compagnies susceptibles de faire concurrence à leur transporteur national, où va-t-on ?

Dans ce cas, Air France n’a plus rien à faire en Afrique et nombre de pays de l’Amérique Latine et même d’Asie devraient lui être fermés. On voit bien l’absurdité de la situation.

Il est urgent que les pilotes, comme d’ailleurs tous les acteurs du transport aérien se rappellent que ce dernier a été conçu dès la Convention de Chicago en novembre 1944 sur un concept mondial et que son avenir consiste à ouvrir toutes les frontières à toutes les compagnies.

Cela s’appelle l’ "Open Sky". A partir de là, ce formidable moyen de communication pourra pleinement jouer son rôle d’outil de croissance économique.

Alors certains esprits chagrins me rétorqueront que la concurrence est faussée et que les compagnies du Golfe bénéficient d’aides de leurs gouvernements ce qui leur permet de vendre leurs produits à moindre prix car leurs prix de revient sont moins élevés.

Mais que je sache, cette assertion largement répandue au sein de notre compagnie nationale n’a jamais été prouvée, malgré les recherches en profondeur menées par les responsables financiers.

Il vaut mieux oublier cela et se demander pourquoi des compagnies importantes, largement dominatrices sur leurs marchés, bénéficiant de l’appui jamais marchandé des Pouvoirs Publics et d’une expérience sans égale, ne sont pas capables de tenir la dragée haute à ces « parvenus » du Golfe.

Trop de salariés, trop payés...

Certes les coûts européens et particulièrement français sont plus élevés que ceux de leurs concurrents. Mais à qui la faute ?

Les pilotes qui réclament ce moratoire ne sont-ils pas les premiers responsables ? Après une grève très dure qui a vu en 1974 un « lock out » des compagnies aériennes françaises, les pilotes ont gagné un système de rémunération qui conduit maintenant les compagnies dans le gouffre : le paiement à la « masse/vitesse ».

Autrement dit plus l’avion piloté est gros et plus il va vite et plus les personnels navigants techniques sont payés. Mais est-ce que pour autant leur tâche est plus pénible ?

Est-ce que les appareils actuels ne disposent pas d’aides à la navigation et même au pilotage très sophistiqués ? En quoi, à partir d’un même cockpit, le pilotage est plus difficile selon que l’appareil est plus ou moins gros ?

Et la rémunération du personnel navigant a déteint bien évidemment sur celle des personnels au sol.

Ainsi les transporteurs européens sont moins compétitifs parce qu’ils sont peu efficaces. Trop de salariés, trop payés et qui par conséquent travaillent trop peu.

Ce ne sont pas les transporteurs du Golfe qui sont à réformer, ce sont les européens. Seulement cela signifie faire des sacrifices, beaucoup et douloureux y compris et peut-être surtout de la part des pilotes.

Mais ces derniers n’en veulent pas. Ils ne sont pas stupides, ils voient bien que leur position est intenable à terme sous peine de faire disparaitre leurs compagnies, comme cela est d’ailleurs arrivé par le passé et pas seulement pour de petits transporteurs.

Alors ils veulent retarder l’échéance. « Encore une minute Monsieur le bourreau ».

La défensive n’est jamais bonne

A ne pas voir la réalité en face on s’expose à des déboires importants.

Bien sûr les Pouvoirs Publics français pourront peut-être refuser tout nouveau droit de trafic à Emirates et ses homologues du Golfe.

Mais qu’est-ce qui empêchera ces derniers de se renforcer dans les pays voisins ?

Déjà Emirates a obtenu les droits de 6ème Liberté à partir de Milan Malpensa vers New-York.

Cela ne s’arrêtera certainement pas là. Et rien n’empêchera les clients de se servir en dehors des frontières. Et puis plus les transporteurs déserteront notre territoire et plus cela affaiblira notre industrie touristique dont nous sommes si fiers.

La défensive n’est jamais bonne.

Il faudrait peut-être se poser la question de la désertion du marché français vis-à-vis de notre compagnie nationale. Après tout, les Français préfèreraient certainement acheter français… pourvu que le rapport qualité/prix soit égal aux concurrents.

Alors, au lieu de se lamenter et de demander d’élever des barrières, les membres du SNPL feraient mieux de voir ce qu’ils peuvent faire pour rendre leur compagnie compétitive.

Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux - DR
Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com

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Commentaires
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21.Posté par Gilles06 le 06/01/2014 13:44 | Alerter
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Bonjour

Air France a certainement des inquiétudes qui peuvent se justifier si jamais des droits de trafics supplémentaires au départ ou à destination de la France sont accordés aux opérateurs du golfe. Mais limiter cela à un conflit entre opérateurs du golfe et Air France masque un problème beaucoup plus franco-français. Depuis une vingtaine d’années il est devenu difficile pour d’autres aéroports français que Paris de voir une activité aérienne intercontinentale s’y développer de manière importante, alors qu’auparavant cela semblait beaucoup plus facile, mais pour quelle raison, un problème de rentabilité ou alors d’autres raisons moins avouables ?

On sait par exemple que sur Nice, depuis son ouverture en 1994, Emirates a eu beaucoup de difficultés à obtenir les droits de trafic pour opérer Nice Dubaï en vol nonstop, alors que la liaison était via Rome avec seulement 3 vols par semaine, qui avait tout intérêt à ce que l’opérateur ne se développe pas davantage sur cet aéroport ? On a vu qu’il a fallu attendre 14 ans pour que Emirates obtienne son droit à opérer Nice Dubaï nonstop en 2008 puis quotidien en 2010, dès ce moment, le succès est immédiat, des opérateurs du moyen orient et asiatiques commencent à s’intéresser à Nice. Qatar Airways ouvre même une liaison au départ de Nice pour Doha en novembre 2010, 3 fois par semaine avec arrêt à Milan. Afin de concurrencer Emirates, Qatar Airways envisageait même d’opérer la liaison nonstop et quotidienne, mais curieusement après l’ouverture et l’ambition de se renforcer, une augmentation progressif des fréquences sur la liaison Paris Doha allait aboutir deux ans et demi après à la fermeture de la ligne au départ de Nice, pour cause de droits de trafics, mais qui a poussé l’opérateur à arrêter cette liaison ? On sait que de nombreux opérateurs asiatiques annoncent qu’ils aimeraient ouvrir sur Nice ou même Lyon, mais cela n’aboutit jamais, pour quelles raisons ? Depuis la fermeture de Qatar Airways en mai 2013, on a constaté une absence totale d’annonces ou d’intentions chez les opérateurs asiatiques et moyens orientaux de desservir Nice, fallait-il briser une dynamique qui pouvait devenir trop favorable pour Nice en direction du moyen orient et extrême orient, et qui pouvait orchestrer cela? Est-ce que le refus d’accorder des droits de trafics supplémentaires aux opérateurs du golfe n’a pas pour objectif aussi de briser une dynamique favorable pour d’autres villes françaises que Paris vue que c’est ici l’objectif d’Emirates ?

On se souvient aussi que Delta Airlines à plusieurs reprises a opéré des liaisons Nice-Atlanta et Lyon-New York sans que ceux-ci soient pérennisés, n’y a-t-il pas eu des négligences de la part de l’opérateur ou est-ce volontaire, ou même les deux ? De même on peut s’étonner qu’entre 1991 et 2009 sur Nice-New York on ne voit pas d’évolution au niveau de l’offre de sièges, mais depuis 2010 au moment où la ligne commençait à avoir davantage de succès avec une offre supérieure en sièges, curieusement, l’opérateur prend la décision suicidaire de suspendre son vol en hiver, pourquoi ? Est-ce un choix délibéré ou est-ce pour protéger les intérêts d’autres interlocuteurs que Delta Airlines a pris de telles mesures ? De même on peut s’étonner des arrêts soudains des vols TWA en 1994 entre Nice et New York et des vols Air Canada entre Nice et Montréal en 1995, est-ce vraiment un problème de rentabilité ou est-ce pour des raisons plus obscures ? Pourtant il serait largement possible d’opérer deux vols par jour de manière régulière à l’année, voir même plus au départ de Nice pour l’Amérique du Nord. De même qu’il n’est pas impossible d’ouvrir un vol vers le Brésil ou l’Afrique du Sud au départ de Nice ? On le voit l’activité intercontinentale par exemple au départ de Nice fut florissante jusqu’au milieu des années 1990, cela prouve que ça a marché dans le passé, pourquoi pas dans le futur, où sont les blocages, rentabilité ou conflits d’intérêts ? Pourquoi Air France ne chercherait elle pas non plus à rouvrir les vols vers les DOM TOM au départ de Toulouse, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Nantes, de même de développer des vols vers l’Asie et les Amériques au départ de Nice, qui l’en empêcherait ?

Si les revendications d’Emirates à se renforcer sur Lyon et d’ouvrir Marseille, Bordeaux et Toulouse suscitent tant de polémiques, on fait certes du tort à Air France, mais l’opérateur tricolore n’est pas le seul à craindre une telle perspective. Si Air France le voulait, elle pourrait proposer des liaisons directs vers l’Asie au moins au départ de Nice et même de Lyon, vue que l’enjeu est de capter la clientèle asiatique, et que c’est sur ce terrain qu’Emirates est menaçant, elle pourrait même compter sur ses partenaires, en particulier Etihad, pourquoi ne le fait-elle pas ? Les obstacles sont-ils dus à des histoires de coûts ou alors s’agit-il de préserver des intérêts économiques, en particulier le hub de CDG ? On sait qu’à l’aéroport de Paris Charles de Gaulle, une gare TGV a été aménagée depuis 1994 pour organiser des préacheminements depuis d’autres villes françaises avec partages de codes en collaboration avec Air France, mais pas seulement, des opérateurs partenaires comme Vietnam Airlines ou Etihad, ou même des concurrents comme Qatar Airways et Cathay Pacific, et même des concurrents français comme Air Austral ou Corsairfly, tous ont signé ces mêmes accords que l’on appelle TGV AIR. On sait que Corsairfly a interrompu ses liaisons au départ de Nantes, Toulouse, Lyon et Marseille vers l’Ile de la Réunion en 2011 soi-disant par manque de rentabilité pour les remplacer par des préacheminements TGV AIR via Paris Orly, alors qu’au départ l’opérateur tricolore n’était pas signataire de ces accords, n’est-ce pas plus pour une sombre affaire de lobbying et de gros sous que ces fermetures ont eu lieu ? Le système des TGV AIR montre que Air France n’est pas seul à agir, vu que ses concurrents utilisent ce même système, ne serait-il pas plus judicieux de se poser la question sur le rôle influent qu’Aéroports de Paris peut avoir auprès des autorités françaises à commencer par la DGAC dans cette affaire? Si les droits de trafics étaient destinés uniquement à un renforcement des fréquences sur Paris feraient-ils tant polémique et seraient-ils considérés comme une menace pour Air France ? On l’a vu comment Air Asia X en 2009 qui ne possédait pas les droits de trafic pour relier Kuala Lumpur à Paris envisageait d’ouvrir Nice, mais que finalement la DGAC lui a accordé des droits de trafics pour desservir la capitale, comment ce revirement de l’Etat est-il devenu possible et a-t-on entendu des protestations d’Air France ou du SNPL ? On sait que le trafic aérien vers l’Asie connaît une forte progression au départ de la France au niveau passager mais que CDG reste la principale plateforme de correspondance pour s’y rendre, est-ce que pour ADP, la menace n’est-elle pas de voir de moins en moins d’usagers en France, hormis Paris voulant transiter par la plateforme parisienne? Quelles répercussions financières pour ADP une telle décision de permettre aux opérateurs du golfe de se développer dans d’autres villes françaises peut elle avoir quand on sait à quel point les passagers en correspondances à CDG représentent plus de 20% du total de la plateforme et que ceux-ci sont une manne financière considérable pour le groupe aéroportuaire?

On sait que depuis 20 ans, on veut faire de CDG la principale plateforme de correspondance en Europe, mais on peut se poser la question si Air France et la SNCF par l’intermédiaire des TGV AIR ne sont-ils pas là pour servir les intérêts d’ADP ? ADP ne fait-il pas tout simplement de la concurrence déloyale envers les autres aéroports français avec ses TGV AIR ? Quels sont les impacts de cette concentration à l’excès de l’activité intercontinentale sur Paris porté aux autres aéroports français et n’est-ce pas un obstacle de taille en ce qui concerne le développement économique, culturel et au rayonnement international des autres régions françaises ? Qu’est ce qui fait plus de tort à l’activité aérienne française au niveau des emplois : le renforcement des droits de trafics en France des opérateurs du golfe ou le lobbying d’ ADP qui se sert d’Air France et de la SNCF pour faire pression auprès de la DGAC dans le but de préserver ses propres intérêts à savoir le hub de CDG au risque de sacrifier le développement des autres aéroports français ?
Ces droits de trafic réclamés par les opérateurs du golfe ne seraient-ils pas une chance historique pour un début de rééquilibrage de l’aménagement du territoire au niveau des transports en France, avec à la clé probablement de nombreuses créations d’emplois ?

A méditer

Cordialement


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