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France : Pourquoi les autocaristes ont manifesté devant le siège d'Axa ?

Interview Ingrid Mareschal, la déléguée générale de la FNTV


Même neuf mois après le début de la crise sanitaire, tout l'écosystème touristique est dans le rouge. Alors que les hôteliers étaient dans la rue ce lundi 7 décembre 2020, les autocaristes aussi. A l'appel des autocaristes indépendants, les professionnels du transport se sont rassemblés au pied de la tour de... l'assureur Axa. Nous avons contacté Ingrid Mareschal, la déléguée générale de la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (FNVT) pour faire un point sur la manifestation et la situation des autocaristes.


Rédigé par le Lundi 7 Décembre 2020

Photo de la manifestation du Collectif des Autocaristes Indépendants du 7 Décembre 2020 - DR
Photo de la manifestation du Collectif des Autocaristes Indépendants du 7 Décembre 2020 - DR
TourMaG.com - Les autocaristes ont manifesté devant le siège d'AXA, à Nanterre. Qu'attendent vos adhérents de l'assureur ?

Ingrid Mareschal :
La manifestation a été organisée par le collectif des autocaristes indépendants.

C'est un collectif composé de TPE-PME du transport routier de voyageurs en Île-de-France.

A l'origine, ils condamnaient surtout les distorsions de concurrence avec les autocaristes étrangers qui faisaient du transport touristique à Paris.

Puis avec la crise sanitaire, ils se sont constitués en collectif, avec quelques adhérents de la FNTV.

Depuis quelque temps, ils sont très en colère, comme nos adhérents contre les assureurs. Parce que dès mars 2021, le président d'AXA s'était engagé à faire un geste commercial pour les autocaristes dont les véhicules étaient à l'arrêt.

Cette annonce médiatique n'a pas été suivie des faits. Nous avons constaté durant tout le confinement et même après, que les parcs à l'arrêt, ils ont dû continuer à payer leurs primes normalement.

Même s'il y a une obligation d'assurance, la sinistralité a elle fortement baissé tout au long de l'année, car il y a moins de circulation.

Nous aurions pu imaginer du fait qu'il y ait moins de sinistres que les assureurs fassent un geste au niveau des montants des assurances. Ce n'a pas été le cas.

D'où la colère.

Les primes d'assurance 2021 : "sont encore en hausse et elles dépassent 20%"

TourMaG.com - Qu'en est-il pour l'année 2021 ?

Ingrid Mareschal :
Avant de parler de 2021, j'aimerais revenir sur un problème dans notre secteur.

Nous discutons depuis quelques années avec la fédération des assurances, car AXA se retrouve en quasi-monopole sur l'assurance des autocars.

Toutes les autres compagnies se sont progressivement désengagées de notre secteur. Nous avons repris les discussions activement dès mars, afin que les assurances viennent en aide aux autocaristes, puis nous avons eu une réunion de crise, il y a 15 jours.

Tous les ans, depuis 3 ou 4 exercices, nos adhérents observent une hausse des primes d'assurance de 10 ou 15% chaque année. Les assureurs estiment que l'activité n'est pas rentable dans notre secteur.

Nos adhérents reçoivent actuellement les primes pour l'année 2021 et celles-ci sont encore en hausse, malgré les difficultés des autocaristes.

Les hausses dépassent maintenant les 20%. Nous avons fait remonter tout ça à Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie. Il a menacé les assureurs de les taxer s'ils ne gelaient pas les augmentations des assurances pour les secteurs les plus touchés.

Il existe encore quelques assureurs, mais ils ne prennent plus de nouveaux contrats, AXA est le seul dans ce cas. Une réunion est programmée entre les assureurs et nous, pour essayer de voir en profondeur les modalités de calcul de leurs primes, la sinistralité sur laquelle ils se basent.

Nous voulons comprendre pourquoi, ils estiment qu'il n'est pas rentable d'assurer les autocaristes, alors que taux d'accidents y est très faible autour de 0,3%.

Malheureusement, nous avons parfois des accidents assez graves, avec de nombreuses victimes, mais comme c'est rare, la sinistralité est faible.

Nous ne comprenons pas le parti pris des assureurs.

TourMaG.com - Avec des autocars grandement à l'arrêt, les assureurs n'ont fait aucune suspension de paiement des primes durant l'année 2020 ?

Ingrid Mareschal :
Quelques courtiers ou agences ont fait des gestes, mais ce comportement a été très sporadique.

Il n'y a pas eu de suspension généralisée.

"Le manque à gagner pour les autocaristes touristiques est de 77%"

TourMaG.com - A quoi ressemble l'état du marché de l'autocar en ce mois de décembre 2020 ?

Ingrid Mareschal :
Nous n'avons que des chiffres d'octobre 2020, soit avant le second confinement.

Sur le conventionné (marché avec les institutions, comme le ramassage des élèves, etc.), la perte du chiffre d'affaires atteint 23% depuis le début de l'année.

Sauf que le manque à gagner pour les autocaristes touristiques est de 77%. Un autocariste qui ne fait que du tourisme, ne roule pas du tout ou presque depuis mars 2020, donc ils ne comprennent pas pourquoi les assurances ne font aucun geste.

TourMaG.com - Que représente le poste "assurance de véhicules" dans le budget d'un autocariste ?

Ingrid Mareschal :
C'est un poste très élevé, sans doute le 4e pour une entreprise de notre secteur, derrière la masse salariale, le prix des véhicule, le carburant et les autoroutes.

En moyenne la prime d'assurance est de 1 500 euros par véhicule et par an. Nous parlons d'entreprises qui peuvent avoir des parcs importants.

Les autocaristes se retrouvent donc avec des charges très importantes, alors qu'ils n'ont pas de revenus à mettre en face.

TourMaG.com - Vous demandez donc que Bercy fasse infléchir AXA ?

Ingrid Mareschal :
Pas seulement AXA, mais l'ensemble des assureurs.

Après, il est vrai qu'AXA est en quelque sorte le dernier assureur qu'il reste dans le secteur. Nous suivons ce dossier de très près.

"Le mur du mois de mars 2021 fait l'objet de grosses appréhensions"

TourMaG.com - La difficulté économique se prolonge donc pour vos adhérents...

Ingrid Mareschal :
Cela devient de plus en plus dur. Au départ les aides permettaient d'avoir de l'espoir, puis nous nous attendions à une reprise rapide.

Sauf que la reprise n'est jamais venue. Nous en sommes à 2 confinements, alors que nous ne pensions jamais y retomber. Puis nous sommes en décembre et nous ne savons pas si l'activité partielle à taux majorité se poursuivrait au-delà de la fin de l'année.

Nos adhérents, nous font remonter une forte inquiétude sur le sujet du chômage partiel, mais encore une plus importante avec l'échéance du mois de mars 2021.

Ainsi, ce sera la fin des échéances bancaires du plan tourisme. Grâce à ce dernier, les autocaristes ont pu bénéficier de report des échéances bancaires pendant 12 mois, sauf que cette exception se termine en mars.

Nous voyons bien que d'ici là, l'activité ne va pas reprendre complètement. Nous tablons sur une reprise pour la fin de l'année 2021 voire début 2022.

Le mur du mois de mars 2021 fait l'objet de grosses appréhensions, avec pour les TPE-PME le risque de la faillite.

TourMaG.com - Avez-vous déjà enregistré des faillites ?

Ingrid Mareschal :
Il y en a eu quelques unes, même si l'écosystème se maintient tant bien que mal grâce aux aides de l'Etat.

Les faillites vont arriver dès janvier, puis encore plus en mars 2021, avec l'arrêt des aides. Nous nous battons auprès de Bercy et donc Bruno Le Maire pour que les aides soient prolongées.

Heureusement nous avons obtenu le déplafonnement du fonds de solidarité pour décembre, mais nous aimerions que cela se poursuive en janvier. Nous avons des chefs d'entreprises qui se retrouvent en grande détresse, voire même très forte.

La saison d'hiver est compromise. J'ai entendu que le président de la République voulait renforcer les classes de neige pour les enfants après Noël, c'est une mesurette.

Les autocaristes ont besoin d'une reprise de l'activité, vivre grâce aux aides ce n'est pas une solution. De plus, si ce n'est le chômage partiel, toutes les aides ne sont que de l'endettement supplémentaire.

Nous nous retrouvons avec des responsables qui craignent d'annoncer la faillite de l'entreprise familiale.

"Nous avons un fort besoin de visibilité, car chaque mois nous avons de l'inquiétude pour le suivant"

TourMaG.com - Comme vous l'avez dit la reprise ne sera sans doute pas pour 2021, que demandez-vous au gouvernement ?

Ingrid Mareschal :
La poursuite du fonds de solidarité tel que déplafonné en décembre, mais aussi qu'il soit adapté à un secteur comme le nôtre, en raison de ses actifs très élevés.

La solution, d'indemniser à hauteur de 15 ou 20% du chiffre d'affaires, en fonction des pertes, fonctionne très bien pour couvrir les difficultés de notre secteur, mais il faut pérenniser le système.

Nous en avons besoin jusqu'à la fin de la crise. Si vous ajoutez cela au maintien de l'activité partiel au même taux et un nouveau report des échéances bancaires au-delà de mars 2021, cela permettrait de redonner de l'oxygène à tout le monde.

Nous avons un fort besoin de visibilité, car chaque mois nous avons de l'inquiétude pour le suivant. Malheureusement les aides sont annoncées trop tardivement.

TourMaG.com - Graignez-vous comme d'autres secteurs que les voyageurs aient pris des nouvelles habitudes ?

Ingrid Mareschal :
Bien sûr, mais il n'y a pas que ça, nous avons la crainte que le virus fasse renoncer les voyageurs d'emprunter les transports collectifs.

Justement nous préparons la reprise et à ce moment nous aurons besoin de faire une communication assez forte sur le fait que les protocoles sanitaires sont très stricts et respectés.

Notre bataille d'après sera de faire revenir les passagers. Nous voyons bien que nous allons metre du temps à revenir à un taux de fréquentation identique à celui de 2019.

Ce sera même pire pour les spécialistes des groupes de touristes.

Bruno Le Maire annonce un accord avec les assureurs, qu'en est-il des autocaristes ?

Quelques minutes après l'interview, Bruno Le Maire a annoncé "un accord avec les assureurs sur un gel des primes d'assurance en 2021" explique nos confrères de France Info.

L'accord trouvé après un conflit ouvert entre les assureurs et Bercy concerne les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs de l'hôtellerie, des cafés, de la restauration, ainsi que l'événementiel, le tourisme, le sport et la culture, a précisé le ministre dans une intervention diffusée sur Twitter à l'issue d'une réunion avec les assureurs.

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