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France : les compagnies régionales sont devenues un véritable "boulet" financier

la chronique de Jean-Louis Baroux


Quelles places ont les transporteurs régionaux adossés aux grandes compagnies aériennes européennes ? Dans sa chronique Jean-Louis Baroux revient sur le chemin parcouru par ces filiales régionales qui sont devenues rapidement un vrai boulet financier, pour les maisons mères. Aujourd'hui Air France et Lufthansa ont d'ailleurs décidé de couper les ponts.


Rédigé par Jean-Louis BAROUX le Vendredi 19 Octobre 2012

Air France tout comme Lufthansa d’ailleurs ont décidé de couper leurs ponts avec leurs filiales régionales.  Un des avantages : la présentation des comptes des groupes en sera améliorée.  Photo Air France Crédit Claire-Lise Havet
Air France tout comme Lufthansa d’ailleurs ont décidé de couper leurs ponts avec leurs filiales régionales. Un des avantages : la présentation des comptes des groupes en sera améliorée. Photo Air France Crédit Claire-Lise Havet
Les grands transporteurs européens ont construit leur « business model » sur le concept de compagnies globales.

Ils ont d’abord construit des réseaux dont l’ambition était de couvrir tous les secteurs : du court au très long courrier.

Dans leur volonté de contrôle des marchés, ils ont créé les alliances que l’on connait car décemment aucun d’entre eux ne pouvait atteindre le contrôle de tous les marchés.

Et ils ne se sont pas contentés de cela.

Ils ont verrouillé leur propre territoire non seulement par des accords avec les grandes sociétés, mais également par le contrôle des réseaux domestiques.

Or ces réseaux ne pouvaient pas être tous opérés par des appareils de 150 sièges et plus, ils devaient être desservis par les avions plus petits.

C’est le rôle qui était dévolu aux compagnies régionales. Cela reste d’ailleurs vrai aujourd’hui.

Racheter les transporteurs régionaux pour mieux les contrôler

Seulement les grands européens ne se sont pas contentés de passer des accords avec ces compagnies régionales, ils n’ont eu de cesse de les contrôler car ils avaient trop peur qu’ils passent dans les mains de concurrents.

Ils ont donc racheté la plupart des transporteurs régionaux installés sur leurs propres territoires et ce à des prix qui n’avaient souvent que peu de rapport avec la valeur réelle des compagnies rachetées.

En fait, il convenait à toute force de défendre leur territoire et d’éviter qu’un concurrent ne puisse les utiliser pour détourner le trafic vers un « hub » étranger.

C’est ainsi qu’Air France a racheté directement ou indirectement Britair, Régional et Protéus en France, que Lufthansa a mis la main sur Germanwings, et Eurowings et qu’Iberia a contrôlé Air Nostrum.

Seulement voilà, ces transporteurs qui arrivaient plus ou moins à vivre en équilibrant difficilement leurs comptes lorsqu’ils étaient indépendants, sont devenus rapidement un vrai boulet financier.

L’explication en est très simple. Les avantages sociaux des grandes compagnies ont été transposés sur les transporteurs régionaux déjà fragilisés.

Et personne n’a voulu voir la perversion de cette politique qui était inévitable à partir du moment où les compagnies régionales étaient sous la même maison-mère que la compagnie nationale.

Ces compagnies n'ont pas fusionné et gardé leur personnalité juridique

Et puis finalement le volume d’affaires des transporteurs régionaux était somme tout faible par rapport au chiffre d’affaires du grand frère, et puis ils amenaient bien ça et là des passagers au réseau long courrier, alors les pertes pouvaient être camouflées.

Et puis ces compagnies étaient bien utiles pour étaler les frais fixes des escales des transporteurs nationaux. Bref tout bien considéré, il n’y avait rien d’alarmant dans cette situation tant que les affaires globales arrivaient à se maintenir.

Seulement les temps ont changé. L’attaque des « low costs » a été ravageuse. Les clients même liés par des contrats, fuient vers des compagnies qui fournissent un service à peu près identique à des tarifs plus bas.

Et les grandes compagnies européennes se sont mises à perdre de l’argent là où elles en gagnaient vraiment : les réseaux courts et moyens courriers. Alors on se rende compte que les compagnies régionales pèsent lourdement sur les comptes globaux.

Or, par chance, elles n’ont pas été fusionnées avec la compagnie-mère et elles ont gardé leur personnalité juridique. On peut donc s’en séparer sans toucher au cœur de l’exploitation.

Air France et Lufthansa ont décidé de couper leurs ponts avec leurs filiales régionales

C’est ainsi que Air France tout comme Lufthansa d’ailleurs ont décidé de couper leurs ponts avec leurs filiales régionales.

Cela a deux avantages. Tout d’abord la présentation des comptes des groupes en sera améliorée.

En effet, n’étant plus filiales à 100%, les comptes seront présentés séparément. Et les effets seront sensibles : probablement plus de 100 millions d’Euros pour le seul groupe français.

Mais il y a un autre avantage, celui-ci plus subtil, mais probablement plus efficace : cette stratégie donne un signal fort et compréhensible aux salariés des maisons-mères.

En clair les directions disent à leur personnel : « voyez ce que nous faisons à nos filiales, il ne s’agit que de la première étape, la suivante sera interne. Nous ne plaisantons plus. Il vous faudra bien maintenant faire les efforts que vous avez refusé jusque-là ».

Et la stratégie semble marcher. Les syndicats de pilotes d’Air France ont accepté le plan de réduction des coûts proposé par leur direction.

Les discussions sont paradoxalement plus dures en Allemagne, c’est sans doute pour cela que la cession des compagnies régionales allemandes a été accélérée.

Au fond le rôle de laboratoire social et économique joué par les compagnies régionales constitue peut-être le meilleur service qu’elles puissent rendre à leur maison-mère.

Jean-Louis Baroux, est l'ancien président d'APG (Air Promotion Group) et le créateur du CAF (Cannes Airlines Forum) devenu le World Air Forum.

Grand spécialiste de l'aérien, il a signé aux éditions L'Archipel ''Compagnies Aériennes : la faillite du modèle'', un ouvrage que tous les professionnels du tourisme devraient avoir lu.

Les droits d'auteur de l'ouvrage seront reversés à une association caritative. On peut l'acquérir à cette adresse : www.editionsarchipel.com

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Tags : baroux
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Commentaires

1.Posté par redbar le 19/10/2012 10:34 | Alerter
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Il n’est pas sûr que les compagnies régionales servent d’exemple pour réduire les coûts de leurs « grand frères ». Il n’y a qu’à voir la grève programmée par la CGT/ AF pour les vacances de la Toussaint, (bien sûr et pourquoi pas…). Certes l’extraction des comptes d’exploitation des compagnies régionales aura un effet positif sur les bilans des maisons mères. Mais qu’adviendra t’il des ces compagnies régionales ? Leurs parts de marché point à point inter-régions sont acquises de nos jours par les Low Cost, et ce n’est pas leur vocation d’alimenter les hubs avec des recettes bradées au profit des recettes long courriers, qui leur permettra de survivre. De plus qui se portera acquéreurs de tels canards boiteux que leurs propriétaires ne céderont qu’a condition de servir leurs propres intérêts, lesquels ne présentent que peu, sinon aucune perspective de rentabilité. Viendra le jour où les « grandes maisons » frapperont en toute modestie aux portes des Low Cost pour leur demander des sièges pré/post acheminement vers leurs hubs.

2.Posté par bob le 19/10/2012 20:39 | Alerter
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Et Transavia, serait alors une ENCLUME.....

3.Posté par Régional le 22/10/2012 09:11 | Alerter
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Il y a beaucoup de vrai dans cet article, mais juste deux "petites" erreurs (volontaires ou simplement un manque de connaissance du sujet ?) :

- "Les avantages sociaux des grandes compagnies ont été transposés sur les transporteurs régionaux déjà fragilisés". Quels avantages sociaux ? nous avons juste obtenu les GP AF... A part ça, les conditions de travail sont issues de l'accord d'entreprise né de la fusion des 3 compagnies.

- Régional était quasiment à l'équilibre lorsqu'AF a lapidé son réseau en lui prenant ses lignes rentables en province sans réelle compensation (juste partielle et provisoire pendant 6 mois !), par ailleurs, AF ponctionne de nombreux frais injustifiés sur les comptes de Régional ou pire encore, impose ses propres services (escales,...) qui sont 3 fois plus chers que d'autres opérateurs privés (comme Aviapartner par exemple).

Au final, on peut conclure que c'est plutôt AF qui est le boulet de ses filiales en leur imposant des avions inadaptés pour lutter contre les low-costs, en leur imposant un réseau restreint, en leur ponctionnant des frais imaginaires, en leur imposant des frais d'escale bien trop chers, en leur "confisquant" leurs lignes rentables en province (sur lesquelles eux perdent beaucoup d'argent), en leur imposant une Direction à leur botte et totalement incapable de défendre la compagnie qu'ils dirigent, en démotivant leurs personnels qui étaient pourtant hyper motivés et bien plus compétents que leurs propres personnels (je pense aux PNT et PNC), et j'en passe...

4.Posté par PRF le 22/10/2012 14:44 | Alerter
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Dommage que l'on ne parle pas du non sens économique des lignes franchisées sur les hubs pour le compte d'Air France. En effet comment expliquer que pendant plus de 10 ans certaines filiales aient eu à gérer les lignes , les dépenses et recettes, dont les destinations, les horaires les fréquences et les modules sont dictés par Air France?. Comment ces filiales sont-elles rémunérés lorsque un passager est en pré-acheminement vers un vol en correspondance long courrier? Une poignée de figue...

Cette article ne parle pas non plus de la fiscalité des filiales françaises, lié à l'intégration fiscale qui a permis au groupe AF de profiter de crédit d’impôts. Ce régime a permis de déduire des bénéfices d'AF, les pertes de ses filiales, jusqu'à l'exercice 2008-2009.

L'absence de stratégie sur le réseau court et moyen courrier, la spéculation financière sur les couvertures pétrolières en 2008 ( couverture pétrole à 200% des volumes achetés) ont fait le reste et précipité les difficultés du groupe. La réponse des bases province AF ne semble pas être concluante. Le refus de communiquer les résultats de ce projet et les fraiches fermetures de ligne en sont les premières preuves tangibles.

Et comme toujours quand un groupe rencontre des difficultés, ce sont les filiales qui sont sous "le projecteur" responsable de presque "tout" en reversant chaque année 20% de leur CA a AF.
Les autres dans l'ombre continuent à creuser...


5.Posté par Régional le 22/10/2012 21:30 (depuis mobile) | Alerter
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Tout à fait d'accord... Excellentes remarques.
AF a des difficultés et fait trinquer ses filiales.

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