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I. Tunisie : "Il faut remettre à niveau Tunisair avant l'open sky..."

l'interview d'Abdellatif Hamam, Directeur Général de l'ONTT


Depuis la révolution de Jasmin en 2011, la fréquentation touristique a fortement chuté en Tunisie. Une tendance qui s'observe notamment sur le marché français et qui s'est accentuée depuis l'attaque du musée du Bardo le 18 mars 2015. Nommé quelques jours après cet attentat, Abdellatif Hamam, nouveau Directeur général de l'ONTT, réfléchit aux différents moyens de relancer la destination. TourMaG.com a enquêté toute la semaine dernière en Tunisie. Interview.


Rédigé par Pierre CORONAS (à Tunis) le Dimanche 14 Juin 2015

Pour relancer le tourisme en Tunisie, le Directeur général de l'ONTT envisage de diversifier l'offre de la destination - Photo P.C.
Pour relancer le tourisme en Tunisie, le Directeur général de l'ONTT envisage de diversifier l'offre de la destination - Photo P.C.
TourMaG.com – Le premier semestre de 2015 touche à sa fin. Quel bilan tirez-vous pour le début de l'année ?

Abdellatif Hamam :
"Il y a eu un avant et un après 18 mars 2015 (date de l'attaque du Musée du Bardo à Tunis, Ndlr). Cette attaque a constitué un véritable choc pour la Tunisie.

Personne ne s'attendait à ce qu'un acte aussi lâche soit perpétré dans un lieu qui symbolise à la fois la souveraineté, l'ouverture et l'histoire trois fois millénaire de la Tunisie.

Nous craignions alors que cet acte soit considéré comme à l'encontre des touristes, des étrangers. Heureusement, nous avons réussi à rapidement tourner cette véritable catastrophe en une opportunité d'expression de sympathie envers la Tunisie. C'est même devenu un axe clé de notre communication."

TourMaG.com – D'un point de vue statistique, quel est l'impact de ce drame sur la fréquentation ?

A.H. :
"Après l'attaque, nous avions la crainte de voir la Tunisie supprimée de la liste des destinations touristique. Trois mois après, je peux dire que, malgré le choc dont nous ressentons encore les conséquences, ce n'est pas le cas.

Dans la foulée de l'attentat, il y a eu des annulations mais pas une vague d'annulations. C'est une réussite de notre communication immédiate. Les gens ont compris que nul n'est à l'abri, que ce qui est arrivé en Tunisie peut se produire n'importe où.

En revanche, les réservations ont connu un arrêt immédiat. En mars, juste avant les vacances de Pâques, le rythme des ventes n'a pas été à la hauteur des objectifs que nous nous étions fixés.

Mais, désormais nous constatons que le marché britannique est en train de réaliser des performances remarquables. Le marché allemand reprend petit à petit. Et le marché italien reste, quant à lui, en retard. La reprise y est plus difficile car plusieurs ressortissants italiens sont décédés dans l'attaque du Musée du Bardo."

182 000 visiteurs français depuis début 2015

TourMaG.com – Et le marché français ?

A.H. :
"Il reste le premier marché émetteur pour la Tunisie malgré une tendance durable à la baisse sur les 5 dernières années. En 2010, nous avions accueilli 1,4 million de touristes français contre 750 000 environ en 2014.

Sur les 5 premiers mois de 2015, nous enregistrons 182 000 visiteurs français. Soit pratiquement le tiers de la fréquentation touristique européenne en Tunisie.

Le marché français est en train de se complexifier. Les Français ont de plus en plus tendance à voyager en France. Et quand ils vont à l'étranger, ils se tournent plutôt vers l'Espagne, le Portugal, la Grèce ou la Croatie."

TourMaG.com – Comment faire revenir les Français en Tunisie ?

A.H. :
"Nous devons adapter notre offre et notre stratégie pour capter ces voyageurs et développer d'autres segments de marché. Cela passe par le développement de l'open sky, la promotion des séjours de week-end ou encore le MICE.

Il faut aussi penser à une manière différente de promouvoir nos produits. Elle doit être principalement basée sur la digitalisation de notre communication.

Nous souhaitons nous adresser aux Français selon un modèle « look to book » : ils voient la destination, elle leur plaît et alors ils réservent."

TourMaG.com – Avez-vous également une stratégie de promotion BtoB de la Tunisie vers les professionnels français du tourisme ?

A.H. :
"Nous recevons des professionnels français, tour-opérateurs et agents de voyages ce 15 juin 2015 avec leurs organismes de représentation syndicale : le SNAV et le SETO.

Une première rencontre avait eu lieu en avril dernier à Paris. Nos relations sont très bonnes avec les professionnels français. Il y a une écoute mutuelle. Nous savons qu'ils ont, eux aussi, des contraintes et de besoins. Nous devons leur fournir de la matière, l'assurer et leur donner plus d'informations sur la sécurité.

Nous avons également intensivement investi dans des événements de communication. C'est ainsi que nous recevons « Les Journées de l'Obs » jusqu'au 16 juin 2015 au centre des Congrès de Tunis. L'objectif est de faire parler de la Tunisie de manière positive."

"La Tunisie est et doit demeurer une destination balnéaire"

Abdellatif Hamam est Directeur général de l'ONTT depuis fin mars 2015 - Photo ONTT
Abdellatif Hamam est Directeur général de l'ONTT depuis fin mars 2015 - Photo ONTT
TourMaG.com – Ne faut-il pas aussi modifier le positionnement de la destination ?

A.H. :
"La nouvelle équipe aux commandes du tourisme en Tunisie a la volonté de franchir un nouveau pallier. Et cela passe, entre autres, par la diversification des produits touristiques.

Il faut consolider les segments sur lesquels nous avons un réel avantage concurrentiel comme le balnéaire. La Tunisie est et doit demeurer une destination balnéaire.

Mais cela ne doit pas nous empêcher de développer d'autres formes de tourisme
basées sur la culture, les congrès, le sport ou le désert."

TourMaG.com – Certains hôteliers tunisiens se plaignent d'un déséquilibre dans leurs négociations commerciales avec les tour-opérateurs qui entraîne une baisse des tarifs et donc de la qualité des services...

A.H. :
"Je dois relativiser ce point de vue. Aujourd'hui, les actes terroristes qui se sont produits en Tunisie ont un impact sur d'autres destinations comme le Maroc, la Turquie et le Sultanat d'Oman. Ils ont créé une perception négative sur tout ce qui peut se passer dans un environnement « arabo-musulman ».

Cette situation conduit à une course pour faire revenir les touristes dans nos pays. Elle passe par la qualité des services et la diminution des tarifs. Je ne veux pas condamner facilement les tour-opérateurs en disant qu'ils sont à la recherche de toujours plus de profits.

En réalité, il s'agit d'une question de rapports de force et de négociation. C'est aussi aux hôteliers tunisiens de s'organiser, avec des prix planchers par exemple, pour ne plus brader leurs chambres.

Par ailleurs, certains tour-opérateurs m'ont clairement dit qu'ils ne demanderont pas d'efforts supplémentaires à leurs hôteliers car ils savent qu'une diminution trop importante des prix entraînera forcément une perte de qualité des prestations. Ce qui, en fin de compte, condamnera la destination."

TourMaG.com – Et que pensez-vous de certaines initiatives d'hôteliers qui s'organisent pour lancer des call-centers et des sites Internet afin de développer leurs ventes en direct ?

A.H. :
"Aujourd'hui, le mot-clé, c'est l'innovation. Et le terrain de la commercialisation n'y est pas étranger. A l'heure actuelle, un touriste sur cinq réserve sa chambre d'hôtel en direct sur Internet. Le modèle traditionnel de l'achat de vacances en agence de voyages est en train de laisser sa place à un nouveau modèle.

Les habitudes et les besoins des clients changent. Il faut s'y adapter. Le développement du transport aérien partout dans le monde a permis à certaines destinations de se développer.

Voilà pourquoi je pense qu'il est important de mettre en place des modes alternatifs d'attraction de la clientèle comme certains hôteliers tunisiens le font actuellement. Il faut qu'ils trouvent un juste équilibre dans leur modèle économique."

"L'open Sky doit être utile à notre économie"

TourMaG.com – Mais pour cela, il faudrait que le ciel soit ouvert en Tunisie. Où en sont les discussions autour de l'open sky ?

A.H. :
"La Tunisie a été l'un des premiers pays du Sud de la Méditerranée à décréter l'ouverture volontariste de son espace économique à l'Union européenne en 1995. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas faire marche arrière.

Notre compagnie aérienne nationale, Tunisair, vit une période difficile et la communauté nationale ne souhaite pas la sacrifier. Elle revendique un soutien public pour la remettre à niveau, moderniser sa flotte et améliorer sa compétitivité.

C'est alors que nous pourrons mettre en place l'open sky en Tunisie. L'expérience d'autres pays qui l'ont fait avant nous montre que si nous ne nous préparons pas bien, nous pourrions payer très cher le prix de cet open sky.

En revanche, ouvrir petit à petit dans le cadre d'accords bilatéraux sur des aéroports qui ne sont pas encore assez desservis, peut être utile. C'est ce que nous avons récemment fait avec easyJet sur Enfidha.

Nous voulons maîtriser le rythme pour que l'ouverture du ciel puisse être utile à notre tourisme et notre économie."

TourMaG.com – Un mot sur l'arrêt des escales de croisières à Tunis ?

A.H. :
"Les croisiéristes n'ont jamais décidé d'éliminer totalement la Tunisie de leurs programmes mais seulement de suspendre leurs escales momentanément en attendant d'avoir des assurances au sujet de la sécurité.

Nous comprenons parfaitement cette positions et nous la respectons."

TourMaG.com – Pour rester sur le thème de la sécurité, il a dernièrement été annoncé l'obligation pour les hôteliers tunisiens d'installer des portiques de sécurité. Où en êtes-vous sur cette mesure ?

A.H. :
"Un comité de gestion de la sécurité avec notamment le ministre de l'Intérieur et la ministre du Tourisme a émis des instructions pour la mise en place de mesures urgentes. Pour le moment, elles sont plus ou moins suivies par les hôtels du pays. Tout dépend aussi de leur situation financière et leurs possibilités techniques.

Mais nous suivons l'évolution de la situation tous les jours. Nous félicitons ce qui ont déjà fait l'effort et nous tentons de convaincre les autres de le faire le plus rapidement possible.

C'est une mesure nécessaire dont l'efficacité dépendra de tout un environnement de veille pour repérer et agir à temps sur toutes les menaces."


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Commentaires

1.Posté par mohamed masmoudi le 16/06/2015 19:25 | Alerter
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Tunis Air est devenue un véritable frein au développement économique de la Tunisie. Il ne faut pas hypothéquer l'économie d'un pays à cause d'une compagnie mal gérée et qui n'a aucun avenir.
S'il y a des compagnies aériennes qui veulent opérer à partir de la Tunisie, c'est une chance pour l'économie tunisienne et il faut la saisir.
D'autre part, Tunis Air salit d'une manière déconcertante l'image de la Tunisie. Un ami qui est venu pour la première fois en Tunisie, m'a confié qu'il a été surpris par les méthodes à bord, ...

2.Posté par Aymen le 04/12/2015 18:04 | Alerter
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Fermer les ciels pour sauver Tunisair c'est comme fermer un hôpital pour sauver un malade qui n'a aucun chance de survit

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