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Transports : des nouvelles règles pas si simples que cela…


Départ retardé d’un vol charter, qui va payer ? la compagnie, le TO ? Les nouvelles réglementations européennes, l’entrée en vigueur de la convention de Montréal et les législations nationales peuvent entre en conflit. Ce qui aura pour conséquence, dans les années qui vont suivre de donner du travail aux tribunaux et aux avocats.


Rédigé par le Vendredi 15 Avril 2005

Le week-end du 3 avril dernier, un retard important s’est produit lors d’un départ de Zaventem d’un vol affrété par un tour opérateur Belge. Plus précisément, il s'agissait d'un vol charter BXL/Djerba assuré par Tunisair pour le compte de Thomas Cook, Le vol a du être reporté au lendemain.

Suite à une panne de moteur, les passagers ont donc dû été pris en charge durant le temps de trouver une solution (boissons, repas, logements dans un hôtel proche de l’aéroport).

Comme il s’agit du premier cas vraiment important d’un retard d’un vol charter affréter par un TO, il nous a semblé intéressant de demander l’avis d’avocats spécialisés en droit aérien.. En l’occurrence Catherine Erkelens et Véronique Corduant du cabinet Bird & Bird. Il faut noter que ces deux juristes sont considérées parmi les plus pointues en ce qui concerne le domaine aérien.

2 avocates répondent

Catherine Erkelens défend régulièrement les intérêts de plusieurs compagnies aériennes en Belgique comme à l’étranger. Chargée de cours à la VUB (l’université flamande de Bruxelles), elle fait partie des fondateurs du Brussels Aviation Law Forum (BALF) et participe également à l’European Aviation Club. Véronique Corduant est l’auteur de l’ouvrage de référence « One sky for Europe ? woerldwide challenge ! » (édit. Bruylandt – 2001)

Ces deux spécialistes encadrent leur analyse en se basant sur les différents textes légaux et règlements communautaires

Le règlement Européen 261/2004 concernant les droits des passagers aériens

Le règlement s'applique aux vols charters (à la différence du précédent règlement n°295/91 qui ne s'appliquait qu'aux vols réguliers).

Dans l’hypothèse où un contrat – ce qui reste à vérifier dans le cas concerné – prévoit qu’ une compagnie aérienne réalise le vol au nom d’un TO qui a conclu le contrat avec le passager , la compagnie aérienne pourrait néanmoins être considérée comme "transporteur aérien effectif" dans le cadre de ce règlement, c'est-à-dire « un transporteur aérien qui réalise un vol au nom d'une autre personne, morale ou physique, qui a conclu un contrat avec le passager . ».

De plus, le règlement s'applique à la compagnie aérienne (si celle-ci devait être considérée comme transporteur aérien effectif) car le vol était au départ d'un aéroport situé dans l'Union Européenne.

Recours contre possible contre l'agence

Dans ces conditions, en cas de retard (vol le lendemain), les passagers ont droit à (Article 6) : à la prise en charge (coup de fil, rafraîchissements, hôtels) (Article 9) ; le choixentre le remboursement du ticket dans les 7 jours (Article 8§1(a)) pour la partie du voyage non effectuée ou pour la partie effectuée mais devenue inutile ou un vol de retour vers le point de départ.

Dans le cas concerné tous les passagers semblent avoir effectué leur voyage de sorte que seulement la prise en charge s’applique.

A noter cependant que si les passagers n’ont pas droit à une indemnisation supplémentaire , prévue en cas de retard à payer par le transporteur aérien effectif , le passager peut quand même demander une indemnisation à sa partie contractante (à l'organisateur de voyages, par exemple) (Article 12 §1) : celui –ci peut éventuellement être tenu à indemnisation sur base du contrat avec le passager – il ne le sera pas cependant en cas de force majeure (comme prévu par la loi belge du 16 février 1994 sur les voyages à forfait).

Bien vérifier les contrats

En effet, l'application du règlement ne porte pas atteinte aux droits des passagers établis par la directive voyages à forfait (N°90/314) - transposée en Belgique par la loi belge du 16 février 1994- et donc aux obligations des tours opérateurs vis-à-vis des passagers (Article 3 §6)

Le transporteur aérien effectif lui- même, lorsqu’ il s'est acquitté de ses obligations vis-à-vis des passagers sur base du règlement 261/2004, il peut demander réparation des dommages subis à un tiers (conformément au droit national applicable), comme par exemple à un organisateur de voyages ou à un autre avec lequel il a conclu un contrat (Article 13).

Le même droit est reconnu pour les organisateurs de voyages vis-à-vis du transporteur aérien effectif conformément aux lois pertinentes applicables. De nouveau : il faut vérifier ce qu’il a été convenu dans les contrats concernés.

Loi Belge du 16 février 1994 sur les voyages à forfaits

De façon générale, l'organisateur de voyages est responsable de tout dommage subi par le voyageur en raison du non-respect de tout ou partie de ses obligations. L'organisateur est l'interlocuteur privilégié pour le passager en cas de problème.

Cela indépendamment du fait que ces obligations doivent être remplies par lui-même ou d'autres prestataires de services (ex: compagnie aérienne) (Articles 17 et 18§1). Cependant, l'organisateur de voyages a la possibilité de poursuivre les autres prestataires de services en responsabilité (Article 17).

Selon l'article 18: § 2, l'organisateur de voyages n'est pas responsable e.a. au cas où :
« 3° les manquements sont imputables à un cas de force majeure ("circonstances anormales et imprévisibles, indépendantes de la volonté de celui qui les invoque et dont les conséquences n'auraient pas pu être évitées malgré toute la diligence déployée, Art.14§2 (b)) »

« 4° les manquement sont imputables à un événement que l'organisateur de voyages ne pouvait ni prévoir ni éviter même en faisant preuve de la plus grande prudence, en ce non compris les surréservations. »

Tout mettre en oeuvre pour remplacer

Dans ces circonstances quand même, l'organisateur de voyages est tenu, durant l'exécution du contrat, de faire diligence pour venir en aide et prêter assistance au voyageur en difficulté. Mais, l'organisateur de voyages peut mettre alors, le cas échéant, les coûts exposés à la charge du voyageur (Article 18 §3).

En outre, l’article 15 prévoit, s’il apparaît au cours du voyage qu’une part importante des services faisant l’objet du contrat ne pourra être exécutée , que l’organisateur de voyages devra prendre toutes les mesures nécessaires pour offrir au voyageur des substituts appropriés et gratuits en vue de la poursuite du voyage.

Lorsque de tels arrangements sont impossibles ou que le voyageur n’accepte pas ces substituts pour des raisons valables, l’organisateur de voyages doit lui fournir un moyen de transport équivalent qui le ramène au lieu de départ et est tenu , le cas échéant, de dédommager le voyageur. (Voir aussi l’article 19 § 4 : l’organisateur de voyages est tenu, en cas de non-respect d’une de ses obligations, à un dédommagement équitable de la perte de la jouissance du voyage.)

Les conditions de voyages émises par le tour-opérateur

Souvent des tour-opérateurs (NDLR : dans ce cas-ci Thomas Cook) mettent des clauses d’exonération explicites dans les contrats avec les passagers : par exemple des clauses qui prévoient que le TO ne peut être tenu pour responsable d'événements tels que défaillances techniques, accidents, grèves, épidémies,...Les frais de transport et de séjour supplémentaires qui en résultent sont souvent mis à la charge du voyageur.

De plus, les tour-opérateurs prévoient souvent dans leurs conditions de voyages que l'horaire de vols ne peut faire l'objet d'une indemnité.

Quelle indemnisation verser ?

Donc dans le cas d'espèce , s’il s’agit d’une défaillance technique qui pourrait être assimilée à un cas de force majeure, le tour-opérateur pourrait être exonéré de sa responsabilité vis-à-vis du voyageur.

Les coûts qui découleraient de la prise en charge supplémentaire du passager par le TO pourraient alors éventuellement être réclamés par lui au passager. Le passager pourrait alors néanmoins réclamer le remboursement des coups de fil, rafraîchissements, hôtel, au transporteur effectif.

Cependant, puisque sur base de l'article 15 de la loi Belge du 16 févier 1994, , l'organisateur de voyages devra aussi dans ce cas, si des services ne peuvent être exécutés, prendre toutes les mesures nécessaires pour offrir au voyageur des substituts appropriés et gratuits en vue de la poursuite du voyage, il devra prendre toutes mesure utile pour limiter le dommage pour le passager : p. ex. si les passagers à cause du retard n’arrivent pas à temps pour une excursion commandée, le TO devra veiller à leur trouver une excursion alternative.

des pistes de réflexions

Puisque le vol du week-end des 3 et 4 avril faisait partie d'un voyage à forfait organisé par un tour-opérateur, celui-ci restait pour les passagers leur interlocuteur privilégié et il est donc normal que ces derniers aient demandé d'abord des comptes à ce tour-opérateur plutôt qu'à la compagnie aérienne .

Ainsi, même si ce tour-opérateur pouvait valablement estimer que la compagnie aérienne, dans la mesure où elle était le « transporteur effectif » devait prendre en charge les passagers, il reste normal que le voyagiste diligent organise dans l'urgence la bonne prise en charge des passagers sachant qu'ultérieurement, il pourrait demander un remboursement, ou même – le cas échéant - un dédommagement à la compagnie aérienne.

Un dédommagement sur base de la Convention de Varsovie apparaît exclu dans la mesure où on peut valablement penser que la compagnie aérienne a pris toutes les mesures pour éviter le retard du vol. (lNDLR : la Tunisie n’ayant pas encore ratifié la Convention de Montréal, c’est l’ancienne Convention qui reste de vigueur dans ce cas),

Au final

Que dire de tout cet argumentaire juridique ? Sur la base de ce que ces deux experts exposent, il apparaît donc, comme nous le signalions en entrée de jeu, que les tribunaux auront du pain sur la planche pour déterminer laquelle des réglementations est d’application dans le cas de problème(s) avec un vol charter affrété par un TO.

L’internationale (les Conventions de Varsovie ou de Montréal) ?, Européenne (Règlements de février portant sur l’indemnisation des passagers) ? Nationales (lois régissant le métier d’organisateurs de voyages. ?

Comme en plus, nous sommes ici en face de problèmes juridiques transnationaux, il se pourrait très bien que les tribunaux de chacun des états de l’Union Européenne aient des interprétations différentes dans l’application de ces législations.


Sous-titre, NDLR et introduction Michel Ghesquière

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