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Futuroscopie - Réseaux sociaux et tourisme : Hugo Clément en a-t-il trop fait ? 🔑

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Si quelques-uns n’étaient pas encore au courant des méfaits du tourisme sur la planète, ils pourraient compenser leurs lacunes en visionnant l’émission « Sur le front » d’Hugo Clément diffusée le lundi 13 mai sur France 5. Laquelle, avec un titre aussi accrocheur que « Les réseaux sociaux sont-ils en train de tuer le tourisme ? » ne trompait personne quant à son contenu et ne pouvait qu’avoir du succès auprès d’un grand public de mieux en mieux informé sur les « choses » du tourisme et se plaisant à en discuter avec passion dès lors qu’il peut afficher une ou plusieurs expériences. Négatives de préférence !


Rédigé par le Vendredi 17 Mai 2024

Réseaux sociaux et tourisme : cette manie d’immortaliser une destination est d’une part entretenue par la simplicité d’utilisation des réseaux, par leurs évolutions techniques régulières, mais aussi et surtout par le narcissisme des auteurs des posts - Depositphotos.com Auteur Maridav
Réseaux sociaux et tourisme : cette manie d’immortaliser une destination est d’une part entretenue par la simplicité d’utilisation des réseaux, par leurs évolutions techniques régulières, mais aussi et surtout par le narcissisme des auteurs des posts - Depositphotos.com Auteur Maridav
Pour en revenir à l’émission elle-même, convenons que le contenu était documenté, sérieusement enquêté en France et partout dans le monde et surtout parfaitement didactique dans sa deuxième partie consacrée aux ravages du littoral français entre autres, et aux solutions en train d’être mises en œuvre pour tenter de le « réparer » et de lui redonner sa physionomie d’antan.

Pour le plus grand plaisir des vacanciers qui, malheureusement, sont bel et bien montrés du doigt et désignés une fois de plus comme les responsables et seuls responsables de la catastrophe environnementale en cours.


Pourquoi tant de haine ?

Heureux, souriants, joyeux, tout au plaisir de leurs vacances au bout du monde, ces vacanciers ne sont pourtant pas tous des envahisseurs aux mauvaises manières, peu regardants pour les populations locales et leur cadre de vie.

Certes, ils sont très, très nombreux, de toutes nationalités, de toutes générations, et ne peuvent s’empêcher de diriger leurs pas vers les « standards » de la planète tourisme.

Mais, sont-ils tous des irresponsables un peu candides qui n’imaginaient pas pouvoir être, soit refoulés de certains sites, soit ébahis par la découverte des décharges au beau milieu d’une île indonésienne ?

Une monstruosité c’est vrai dont ils ne sont peut-être pas les uniques protagonistes.

Réseaux sociaux et tourisme : La faute à Tik Tok ou Instagram... oui mais pas seulement !

Quand on connaît la passion des jeunes (et moins jeunes) pour les réseaux sociaux et le tourisme, notamment Tik Tok et Instagram, il est clair que ceux-ci ont une part de responsabilité dans le déferlement de touristes sur certains sites, y compris ceux qui ont limité leur fréquentation.

Etudiée de près, cette manie d’immortaliser une destination est d’une part entretenue par la simplicité d’utilisation des réseaux, par leurs évolutions techniques régulières, mais aussi et surtout par le narcissisme des auteurs des posts, associé parfois à un brin de perversité vis-à-vis de leurs proches qu’ils veulent épater ou juste rendre jaloux.

Autre cause : l’irresponsabilité des acteurs du tourisme qui, comme à Mykonos, une île au bord de l’asphyxie, organise des « tours Instagram » pour encourager cette manie dont les jeunes sont les premières victimes !

La responsabilité des guides, magazines et autres donneurs de conseils

Pire, guides et reportages médias ( y compris sur des médias traditionnels comme Le Figaro, The Guardian, El Mundo…) les mêmes qui tiennent des rubriques alarmistes sur le dérèglement climatique et ses dégâts sur l’environnement, ont l’audace de recommander une visite d’ « Athènes cachée » ou des itinéraires supposés « hors des sentiers battus » en Espagne, au Portugal…

En France, le très militant Guardian invite même à la découverte de l’archipel de Molène et de ses si « tranquilles petites îles » ou dévoile son hit-parade des dix plus belles plages dans le monde !

Et cela, pendant que le Routard magazine préconise de visiter l’île d’Amorgos en Grèce, dont tout le monde sait qu’elle est déjà trop connue.

Ou en Provence : Aix, Arles, Avignon ! Tandis que El Mundo, le quotidien espagnol, dans sa rubrique « Viajes » en rajoute avec un article sur « Les hôtels les plus instagrammables du monde » dont le Soneva Yani des Maldives ou la Villa d’Este en Italie qui n’ont pourtant pas besoin de publicité supplémentaire !

Pour Le Figaro, c’est aussi Santorin qui est cité ou Paros et encore Mykonos… En France, heureusement, les conseils du quotidien sont plus sélectifs. Enfin, parmi d’autres innombrables articles touristiques, Le Nouvel Obs propose le quartier de Cannaregio à Venise, à peu près aussi encombré que le reste de la ville, place San Marco et Rialto mis à part !

La Vallée du Douro déjà surpeuplée a droit également à un article élogieux alors qu’un repaire du surf mondial : Taghazout dans le sud marocain, déjà trop connu des amateurs, se voit longuement décrit pour son caractère sauvage (qui, on le sait, ne le préservera pas car, dans leur sillage, les « surfers » drainent des « non surfers » soucieux simplement de découvrir un « spot » unique ou de vivre une expérience !)

Citons encore dans un autre genre : cet article d’un média marocain : Medias24.com qui, pour vanter la réussite de Marrakech se plaint du fait que la ville n’accueille que 410 vols hebdos contre les 490 espérés, mais se satisfait d’un avenir plus radieux grâce à une prévision de 900 vols hebdomadaires en 2026 !

Trop, beaucoup trop pour la ville rose, déjà assaillie et invivable d’autant que l’eau vient à y manquer !

Et pour rester dans le chapitre des médias, que dire de ces sites fabriqués par l’Intelligence artificielle qui mettent en page et en scène de superbes destinations avec images et commentaires élogieux mais évidemment trompeurs !

Ah, la fameuse « expérience » !

Jamais une terminologie n’a connu une telle popularité ! De l’hôtel de luxe en Sardaigne jusqu’aux sentiers de grande randonnée à Ténériffe, il n’est guère d’invitations au voyage dépourvues de la promesse d’un supplément d’émotion baptisé uniformément : expérience.

Un terme fourretout défini par le dictionnaire comme « un enchaînement d'événements dont on peut tirer une leçon » !

Soit un terme flou, approximatif, mis à toutes les sauces qui, depuis une bonne décennie, est devenu à tort le sésame d’un voyage réussi donc d’un voyage original, loin des foules, quasi exclusif !

… En fait, les carences de l’information sont partout dans la « fausse » et la « vraie » presse et l’avenir ne devrait pas améliorer la situation.

Malheureusement, on pourrait ajouter à la liste des articles et reportages préconisant des destinations supposées « responsables », les conseils très approximatifs de certains agents de voyage qui, soit par manque de connaissances, soit par négligence, n’hésitent pas à envoyer leurs clients vers des destinations saturées. : « oui, oui Lisbonne, en avril, c’est très bien ! »

Partager les responsabilités

Pour en revenir à l’émission d’Hugo Clément, un peu trop caricaturale à notre goût, pour sa première partie, il convient cependant d’admettre qu’elle a fait l’effort de consacrer aussi plusieurs enquêtes aux démarches entreprises par les acteurs du littoral pour lutter contre les nuisances climatico-touristiques.

Après avoir zoomé sur les Maldives et leurs projets démesurés d’îles artificielles destinées à accueillir des touristes, ou sur les gigantesques travaux nécessités par des plages comme celle de Nice pour les réensabler et répondre à la demande des vacanciers, elle a bel et bien présenté quelques démarches positives.

Notamment la nouvelle version de la plage de Soulac-sur-Mer, après la destruction de l’immeuble du Signal ; la construction de digues et la replantation d’arbres ; la limitation des visiteurs comme à Cassis, Porquerolles… et surtout la mobilisation de tous ces bénévoles pour lutter contre le fléau qu’est le plastique dans l’océan et sur les plages du monde entier.

Irresponsables, citoyens, élus et acteurs du tourisme sont donc aussi parfois responsables. Une bonne nouvelle qui devrait inciter les médias à doser et modérer leurs informations et ne pas désigner le tourisme comme un fléau et rien qu’un fléau.

Elle devrait aussi tout particulièrement inciter les médias touristiques à ne pas se laisser aller à la facilité, la complaisance et l’incohérence en flattant les destinations proposées par les équipes de promotion des opérateurs touristiques.

En fait, non, je ne pardonne pas au Guardian de suggérer de visiter Ravenne et Volterra au printemps, même en train et d’inviter ses lecteurs à lui signaler l’existence d’un jardin remarquable pour ensuite le signaler au grand public !

Mais, je pardonne plus à Hugo Clément de consacrer une émission sérieuse tentant de répondre à un dilemme capital et urgent pour l’avenir du tourisme.

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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