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Futuroscopie - Le Signal de Soulac-sur-Mer peut-il en cacher un autre ? 🔑

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Depuis lundi, les bulldozers se déchaßnent pour démolir le tristement célÚbre immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer. Les travaux dureront au moins quatre mois et devraient devancer un programme de reconstruction pour fin 2023.
DĂ©cidĂ©ment, l’érosion littorale n’est pas qu’une vue d’esprits chagrins. La montĂ©e des eaux fournit tous les jours son verdict accablant et dĂ©voile les images irrĂ©futables des dangers qu’elle fait courir aux populations littorales. Mais, savait-on il y a cinquante ans ce que l’on sait aujourd’hui ? Le dĂ©bat reste vif alors qu’il devrait nous Ă©clairer sur les annĂ©es Ă  venir et les travaux inconsĂ©quents que nous poursuivons dans certaines rĂ©gions touristiques du monde



Rédigé par le Jeudi 9 Février 2023

Chaque annĂ©e, le trait de cĂŽte recule de 2,50 mĂštres en Gironde, 1,70 mĂštres dans les Landes et que d’ici Ă  2050, l'ocĂ©an devrait avancer de 50 mĂštres ! - Depositphotos.com  Auteur OceanProd
Chaque annĂ©e, le trait de cĂŽte recule de 2,50 mĂštres en Gironde, 1,70 mĂštres dans les Landes et que d’ici Ă  2050, l'ocĂ©an devrait avancer de 50 mĂštres ! - Depositphotos.com Auteur OceanProd
Parmi les multiples images qui, quotidiennement, envahissent nos Ă©crans : la destruction du Signal me semble mĂ©riter un dĂ©bat. EmblĂšme de la frĂ©nĂ©sie de construction des annĂ©es soixante, Le Signal, cet immeuble de 78 appartements n’avait qu’un tort : celui d’ĂȘtre situĂ© trop prĂšs de l’ocĂ©an donc trop prĂšs des menaces d’érosion.

ÉdifiĂ© en 1967, Ă©vacuĂ© en 2014, il incarnait une Ă©poque euphorique au cours de laquelle le littoral s’équipait de nombreux hĂ©bergements destinĂ©s Ă  accueillir les nouveaux vacanciers libĂ©rĂ©s quelques semaines d’étĂ© par les usines des Trente Glorieuses.

Attraction principale, la plage voyait sa frĂ©quentation exploser. Tout allait bien puisqu’à la mĂȘme Ă©poque Ă©taient lancĂ©s les grands projets d’amĂ©nagement de la cĂŽte Aquitaine par la Miaca et ceux de la cĂŽte Languedoc-Roussillon par la mission Racine.

Comme l’Espagne, la France avait un rĂŽle Ă  jouer dans la course aux vacances que le vingtiĂšme siĂšcle promettait sĂ»r, prospĂšre, glorieux. Pourtant malgrĂ© l’insouciance des annĂ©es d’aprĂšs-guerre, les experts savaient que la cĂŽte aquitaine Ă©tait vulnĂ©rable. « Le trait de cĂŽte Ă©voluait, explique l’un d’eux, chahutĂ© en hiver par les grandes marĂ©es et la dilatation thermique des ocĂ©ans engendrant une Ă©lĂ©vation de leur niveau accentuĂ©e par la fonte des glaces polaires et continentales » 

Et, ces experts savent aussi aujourd’hui que ce n’est pas fini puisqu’en moyenne, chaque annĂ©e, le trait de cĂŽte recule de 2,50 mĂštres en Gironde, 1,70 mĂštres dans les Landes et que d’ici Ă  2050, l'ocĂ©an devrait avancer de 50 mĂštres !

Dans une autre rĂ©gion par exemple, Ă  Wissant dans les Hauts de France, on n’a pas encore abattu d’habitations. Mais, une habitante explique qu’il y a dix ans, la mer Ă©tait Ă  200 mĂštres de chez elle alors qu’aujourd’hui, elle n’est qu’à 60 mĂštres, et que seulement une petite dune sĂ©pare dĂ©sormais sa maison de la plage, puis de la mer.

Mais, elle n’est pas la seule dans ce cas : 200 autres habitations sont menacĂ©es et selon la DREAL (Direction rĂ©gionale de l'environnement, de l'amĂ©nagement et du logement), prĂšs de 400 000 personnes vivent sous le niveau de la mer dans la rĂ©gion.

A la pelle, les exemples de montĂ©e du niveau des eaux font trembler les populations cĂŽtiĂšres qui voient leur eldorado et le rĂȘve de toute une vie parfois se lĂ©zarder.


Le conservatoire du littoral voit le jour en 1975 seulement !

Construire un immeuble à 200 mÚtres de la cÎte dans les années soixante était donc parfois une aberration.

D’autant que les scientifiques prĂ©venaient que l’on pourrait protĂ©ger temporairement mais pas indĂ©finiment. Ce fut d’ailleurs l’une des raisons de la crĂ©ation du Conservatoire du littoral en 1975 dont la mission Ă©tait de protĂ©ger les zones cĂŽtiĂšres des dĂ©gĂąts provoquĂ©s non pas par le changement climatique mais par l’urbanisation excessive des littoraux. Le vĂ©ritable problĂšme de l’époque.

Exceptionnel en Europe, le Conservatoire acquiert des sites, les gÚre et les anime grùce à un millier de « gardes du littoral » à qui incombe aussi la mission de guider une clientÚle de visiteurs estimée à 40 millions !

Aujourd’hui, 750 sites sont dĂ©tenus par le Conservatoire soit plus de 200 000 hectares, ce qui prĂ©serve 13 % du linĂ©aire cĂŽtier

Quant Ă  la Loi littoral, autre preuve de la prise de conscience environnementale, elle a dĂ» attendre une dizaine d’annĂ©es pour exercer son pouvoir. EntrĂ©e en vigueur en janvier 1986, elle Ă©tait destinĂ©e Ă  limiter les espaces constructibles au sein des communes littorales en distinguant les zones urbanisĂ©es (agglomĂ©rations et villages) des zones peu ou pas urbanisĂ©es. (A noter que la Loi Elan l’a modifiĂ©e pour intĂ©grer une nouvelle catĂ©gorie d’espaces constructibles entre agglomĂ©rations, villages et zones d’urbanisation diffuse).

L’euphorie des annĂ©es soixante : le tout tourisme !

Si les annĂ©es soixante-dix ont donc commencĂ© Ă  rĂ©aliser l’ampleur des menaces posĂ©es par le littoral, on ne peut en dire autant de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente. Certes, on Ă©tait conscient d’une menace, mais le responsable de la mission Racine qui a vu Ă©clore toutes les stations du Languedoc-Roussillon dĂšs la fin des annĂ©es cinquante Ă©voquait un autre problĂšme, celui de la transformation d’une zone habitĂ©e par des locaux en une zone touristique.

Dans ses mĂ©moires, Jean Racine s’est bel et bien interrogĂ© : « Fallait-il transformer ce paysage Ă©trange, si beau dans sa solitude et son dĂ©nuement presque sauvage ? » Pourtant, ajoutait-il : « le littoral Ă©tait dĂ©jĂ  gravement menacĂ© au sud » 

Et, il regrettait Ă©galement que tous ces moyens aient Ă©tĂ© mis uniquement sur le dĂ©veloppement touristique, faisant passer la rĂ©gion du « tout viticole » au « tout tourisme » ! Ou presque ! MĂȘme le rĂ©seau routier « interplages » empruntant les fragiles lidos qui sĂ©parent les Ă©tangs de la MĂ©diterranĂ©e n’avait pas Ă©tĂ© rĂ©flĂ©chi en termes environnementaux !

Quant Ă  la Miaca ( créée en 1967) elle accouchait sur la cĂŽte Aquitaine de stations destinĂ©es Ă  des classes populaires de vacanciers dont la conception Ă©tait elle aussi innovante pour l’époque : Seignosse, Cap Breton... Sauf qu’on ne s’est pas souciĂ© non plus de les construire loin de l’eau mais les pieds dans l’eau, avant d’ajouter de secondes et troisiĂšmes rangĂ©es d’habitations.

Et puis, le changement climatique s’est manifestĂ©

Il aura donc fallu attendre les premiĂšres catastrophes climatiques comme la tempĂȘte Xynthia pour mesurer l’ampleur des erreurs rĂ©alisĂ©es Ă  une Ă©poque insouciante et se rĂ©soudre Ă  l’évidence concernant la corrĂ©lation entre changement climatique et montĂ©e des eaux.

Si bien que les Ă©lus, pris au dĂ©pourvu pour certains, n’ont plus qu’à chercher des solutions capables de protĂ©ger les populations locales et touristiques, aidĂ©s par des cohortes de scientifiques dont les experts du GIP Aquitaine qui Ă©tudient sans relĂąche les Ă©volutions du trait de cĂŽte et esquissent des projets de toutes sortes : protection des plages, rĂ©amĂ©nagement des stations, prĂ©servation des abords des lacs
 (Lire le projet intitulĂ© « Littoral 2030 »).

La délocalisation est-elle une solution ?

Mais, les solutions sont loin d’ĂȘtre Ă©videntes. D’abord, elles sont souvent dĂ©risoires comme le montrent les amoncellements de sacs de sable censĂ©s jouer le rĂŽle de digues. De plus et surtout, l’idĂ©e de dĂ©localiser les populations cĂŽtiĂšres est non seulement longue sur le plan juridique et catastrophique sur le plan humain.

Dix ans de procĂ©dure pour Le Signal. C’est beaucoup et quasiment infaisable. Comment dĂ©monter des stations entiĂšres et les remonter Ă  l’intĂ©rieur des terres ? Lesquelles pourraient venir Ă  leur tour Ă  ĂȘtre inondĂ©es !

Sur la CĂŽte d’Opale d’ailleurs, le chef de service commun de dĂ©fense contre la mer du PĂŽle mĂ©tropolitain de la CĂŽte d'Opale (PMCO) explique : « S'il y a un risque dans les zones inondables, on devra revoir les choses, mais on ne va pas non plus dĂ©placer Dunkerque Ă  l'intĂ©rieur des terres » !

Une inversion immobiliÚre inédite


 En tout cas, pour le moment, certains agents immobiliers continuent Ă  vendre des biens pourtant menacĂ©s. « Les clients veulent acheter une carte postale », expliquent-ils. Alors pourquoi les contrarier ?

Pourtant, si l’on saute de l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique en Floride, la situation comparable fournit une vision du futur. D’une part, on attend une montĂ©e des eaux d’ici 2050 d’encore 150 cm et on estime qu’environ 5 millions de la population vit dĂ©jĂ  Ă  plus d’un mĂštre au-dessous du niveau de l’eau.

Un phĂ©nomĂšne qui pousse les populations les plus nanties Ă  quitter les bords de mer pour s’installer dans les hauteurs des villes, lĂ  oĂč elles seront le mieux protĂ©gĂ©es. Ce n’est donc plus en bord de mer que les prix de l’immobilier flambent. Une rĂ©volution !

.. Mais, une rĂ©volution qui, lĂ  comme ailleurs, doit ĂȘtre prise trĂšs au sĂ©rieux car elle ne touchera pas que la Floride. Les 250 millions de rĂ©fugiĂ©s climatiques que l’on prĂ©voit dĂ©ferleront alors partout oĂč ils peuvent. Et certains parleront peut-ĂȘtre le français !

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, confĂ©renciĂšre, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les consĂ©quences sur le secteur du tourisme.

AprĂšs avoir dĂ©veloppĂ© pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualitĂ© oĂč elle dĂ©code le prĂ©sent pour prĂ©voir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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