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Entre citrouilles et chrysanthèmes, le business touristique de la mort [ABO]

Le décryptage de Josette Sicsic (Futuroscopie)


Toutes les fêtes religieuses ont un impact sur les déplacements touristiques. La fête des morts n’échappe pas à la règle. Mais, comme bien d’autres, elle se transforme en fonction des évolutions de nos sociétés, à la recherche d’autres façons de célébrer l’étape ultime de nos existences.


Rédigé par le Mardi 28 Octobre 2025

Halloween, très célébré dans les pays anglo-saxons, est d’autant plus incontournable qu’il est l’occasion d’organiser une grande variété de moments festifs - DepositPhotos.com, rfphoto
Halloween, très célébré dans les pays anglo-saxons, est d’autant plus incontournable qu’il est l’occasion d’organiser une grande variété de moments festifs - DepositPhotos.com, rfphoto
En ces derniers jours d’octobre, nul ne peut échapper au déploiement de citrouilles, fantômes, squelettes, sorcières, monstres et masques divers… tentant de séduire en priorité jeunes adultes et enfants qui, majoritairement, ne connaissent pas la signification de cette fête païenne venue du fond des îles britanniques.

Une fête dont la principale attraction réside dans le « trick or treat » proposé par les enfants en porte à porte, le soir du 31 octobre, histoire de récolter argent et bonbons.

Imposée depuis une bonne vingtaine d’années par un marketing particulièrement offensif, Halloween très célébré dans les pays anglo-saxons est d’autant plus incontournable qu’il est l’occasion d’organiser une grande variété de moments festifs proposés tant par des musées que des salles de concerts, des hôtels que des soirées privées au cours desquelles le déguisement (donc la dépense) est obligatoire !

Quelques agents de voyages se risquent aussi à mettre en marché des séjours Halloween plus ou moins originaux durant lesquels le monde des morts vient rejoindre celui des vivants. C’est le cas, par exemple, de ce séjour à New York proposé par Bons Plans Voyages intitulé « L’esprit d’Halloween ».

Des rencontres de plus en plus prisées par une société fascinée par l’au-delà et ses mystères, notamment par ses défunts, dont certains croient dur comme fer qu’ils sont encore en vie. Selon une enquête Ifop datant de 2024, 31% des Français sont dans ce cas. Et ce fut bien pire à certaines époques. Souvenez-vous l’engouement de Victor Hugo pour le spiritisme, les tables tournantes etc.

Plus précisément, les croyances davantage « ésotériques », comme celle en la réincarnation, grandissent. Elles atteignent 32%, soit 10 points de plus depuis 2004.

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Les chrysanthèmes : une symbolique éprouvée

En Europe, et notamment en France, le chrysanthème est principalement associée à la mort et au deuil - DepositPhotos.com, KatarinaGondova
En Europe, et notamment en France, le chrysanthème est principalement associée à la mort et au deuil - DepositPhotos.com, KatarinaGondova
De leur côté, au même moment, les étalages des fleuristes et autres supermarchés sont couverts de pots de toutes tailles offrant un flamboiement de chrysanthèmes.

Des fleurs originaires de Chine et du Japon qui ont attendu le dix-neuvième siècle pour se répandre en Europe, avec une symbolique particulière.

En Europe, et notamment en France, cette plante est principalement associée à la mort et au deuil. Dans le langage des fleurs, les chrysanthèmes symbolisent le souvenir éternel et la fidélité envers un être cher disparu. D’où sa présence massive dans les cimetières, où leur robustesse leur permet de rester longtemps fleuris.

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Des significations diverses pour les chrysanthèmes

En Asie, et notamment en Chine et au Japon, le chrysanthème est un symbole de joie, de paix, et de prospérité. Il est également associé à la sagesse et à l'immortalité.

En Chine, il est souvent utilisé dans les célébrations de la mi-automne, une fête qui marque la récolte et les réunions familiales.

Au Japon, elle est associée au jour du chrysanthème, ou Kiku no Sekku, une ancienne tradition qui célèbre la pureté et la longévité.

Mais attention, tous les pays ne fêtent pas la Toussaint.

De tradition purement catholique, la France comme la Belgique, l’Allemagne, le Portugal, l’Italie, l’Espagne fêtent les défunts le 1er novembre.

Mais la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, la Lituanie les fêtent de façon beaucoup plus solennelle qu’ailleurs.

La « fiesta de los muertos » au Mexique : un « must »

Tandis qu’au Mexique par exemple, les jours des morts (du 31 octobre au 2 novembre) sont classés au patrimoine immatériel de l’humanité.

Formidable occasion de rendre hommage aux morts, cette fête est joyeuse, conviviale, originale et constitue l’un des grands rendez-vous festifs de l’année pour une population syncrétiste qui ne craint pas la mort.

Au contraire. La « fiesta de los muertos » est aussi l’une des cartes avancées par les services de promotion culturelle et touristique de la destination qui, non seulement proposent des séjours touristiques à cette occasion, mais contribuent à organiser à l’étranger des moments festifs.

Ainsi, le Jardin d’Acclimatation à Paris propose spectacles gratuits, concerts, marchés, ateliers… tout comme le Parc floral. Sans compter les multiples soirées privées.

Quant aux agences de voyages, elles ont aussi compris l’intérêt de programmer des circuits incluant une étape dans un cimetière. C’est le cas d’Evaneos, TUI, Mexique Découverte et tant d’autres qui profitent des défilés, cortèges, repas, déguisements, animations de toutes sortes imaginés par la population locale, pour attirer une clientèle en quête de folklore et d'authenticité.

Certes, ces temps et ces lieux pourraient rapidement devenir commerciaux s’ils ne prennent pas plus de précautions pour freiner les flux de visiteurs. Au Mexique comme ailleurs.

Les cimetières : une passion bien française en déclin

Mais, tout le monde ne va pas au Mexique ou aux Philippines fêter ses chers disparus.

Dans notre douce France, le premier jour de novembre reste le moment privilégié et quasiment incontournable pour laver et fleurir les tombes. Parfois seuls, souvent en famille.

Bien qu’il soit difficile d’évaluer le nombre de déplacements occasionnés par cette fête, il semblerait que 70% de nos compatriotes visitant les cimetières les visitent une fois seulement dans l’année. Et c’est à cette occasion. Mais un tiers ne met jamais les pieds parmi les tombes.

A ce sujet, il convient de préciser que religion et visites de cimetières sont étroitement liées. Toujours selon le Credoc, 62% des pratiquants se déplacent systématiquement à la Toussaint, contre 47% des non-pratiquants et 37% des non-croyants.

C’est-à-dire à quel point la déchristianisation de nos sociétés est en train d’affaiblir une tradition et un rituel millénaire.

De plus, les auteurs de l’étude du Credoc font aussi remarquer que « le cimetière apparaît de moins en moins comme le lieu unique du recueillement ». Les hommages aux défunts se célèbrent mais sous d’autres formes, dans d’autres lieux plus intimes, évoquant mieux la personne disparue.

Son domicile, son café favori, son spectacle préféré ou tout autre mise en scène leur sont consacrés, parfois organisés par des agences d’événementiel.

Enfin, dernier constat, les personnes qui fréquentent le plus les cimetières sont les personnes âgées. Ce sont surtout les 80 ans et plus et les 70-79 ans qui sont susceptibles d'avoir une proximité géographique et émotionnelle avec un défunt.

La crise des cimetières à l’horizon et l’augmentation de la taphophilie

Autres phénomènes en cours, et non des moindres : le déficit de places dans les cimetières. Trop petits face à l’essor démographique, ils sont également devenus trop chers pour certaines bourses qui ne peuvent renouveler les concessions.

Une situation qui entraine la progression quasiment mécanique des crémations. Aujourd’hui, on évalue en France à 42% le nombre des décès entrainant une crémation, contre 30%, une décennie plus tôt. Mais, au Royaume-Uni et en Inde, on est à plus de 70% !

Or, les crémations n’entraînent pas forcément un dépôt d’urnes dans les colombariums et des cérémonies. Elles n’encouragent donc pas les déplacements et fleurissements. Ces derniers étant pratiqués par 80% des Français.

Restent les passionnés de cimetières et autres lieux mortuaires. Leur passion se nomme la taphophilie. Reconnue comme une véritable manie, elle génère la création de clubs, associations, blogs, cercles divers au sein desquels on partage, on visite, on évoque cette passion commune pour les ultimes traces laissées sur terre par la mort.

Sans parler des cérémonies secrètes dont les dates et lieux circulent sur le « dark net ». Et sans parler de ceux qui vivent dans les cimetières. Comme en Égypte. Faute de pouvoir vivre ailleurs.

Vacances d’automne ou de la Toussaint ?

En matière de tourisme enfin, les 15 jours de vacances octroyés aux scolaires font bien évidemment tout pour susciter des départs et des voyages.

Mais, ne pavoisons pas : environ 20% seulement (sources Opinionway) des partants se déplacent hors de leur domicile pour cette occasion. Et encore, se logent-ils chez de la famille ou des proches tandis que beaucoup ne font que des excursions d’une journée.

Quant à ceux qui franchissent les frontières, le nombre de dossiers recule de 5% parmi les agences de voyages (données Orchestra pour les EDV). Et les budgets sont partout en baisse. Les durées également

Mais, nous y reviendrons une fois les vacances finies !

Josette Sicsic - DR
Josette Sicsic - DR
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité où elle décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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