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Le tourisme institutionnel violemment secoué par une crise de financement ! [ABO]

Val-de-Marne Tourisme, le symbole d'un secteur en pleine crise


Après la crise existentielle de l'ère covid, le tourisme institutionnel est plongé dans une nouvelle crise plus profonde qui pourrait avoir des répercussions en chaine dans l'industrie. En effet, depuis le projet de loi de finances 2025, les organismes de gestion de destinations (OGD) qu'elles soient locales, départements ou régionales font face à des coupes budgétaires parfois mortifères. La suppression à venir de Val-de-Marne Tourisme illustre bien ce big bang que n'avait pas vu venir les professionnels.


Rédigé par le Lundi 3 Novembre 2025

Val-de-Marne Tourisme, le symbole d'un tourisme institutionnel en pleine(s) crise(s) - Crédit photo : image générée par l'IA
Val-de-Marne Tourisme, le symbole d'un tourisme institutionnel en pleine(s) crise(s) - Crédit photo : image générée par l'IA
Le tourisme se porte bien en France. Les dépenses augmentent, les visiteurs étrangers affluent.

Selon Christian Mantei, "nous aurions signé, il y a deux ans pour un tel bilan, d'autant plus dans ce monde particulier."

Le dernier coup de com’ imaginé par le Louvre devrait encore doper la fréquentation du plus grand musée du monde et par ricochet celle de la capitale.

Tout semble aller pour le mieux. Même si le ministre en charge du secteur ne semble pas y accorder une attention démesurée, après tout, il suffit de se baisser pour récolter des milliards.

Sauf que derrière cette belle vitrine et les sourires de façade, le tourisme institutionnel est en grande souffrance.

À l’image du tourisme social, laminé par les coupes budgétaires qui effacent des décennies de progrès sociaux, les comités départementaux et régionaux du tourisme sont en grande difficulté.

Leurs financements fondent à vue d’œil, quand ils ne disparaissent pas tout simplement.


Le dernier exemple en date, pour illustrer la situation de cette branche, n'est autre que la fermeture imminente de Val-de-Marne Tourisme, qui sera officiellement annoncée le 17 novembre prochain.

"Le bureau a été informé le jeudi 16 octobre dernier par sa présidente, Mme Mélanie Nowak (conseillère départementale), que le Département cesserait toute subvention en 2026 et engagerait un processus de dissolution," nous confie Olivier Meyer, directeur de Seine-Saint-Denis Tourisme.

Une information que le Département, nous a confirmé.

Plus qu’un simple exemple, la disparition de Val-de-Marne Tourisme est un symbole, celui d’un secteur institutionnel au bord de la rupture.



Val-de-Marne : sans CDT et avec un seul office de tourisme… l’attractivité condamnée

En effet, par la voix de sa responsable de communication, le Conseil départemental du 94 confirme que la décision a été actée, faute de finances suffisantes.

"Cela s’inscrit dans un contexte financier particulièrement contraint pour le Département, puisque son épargne nette est aujourd’hui nulle.

Ses dépenses sociales continuent de croître et les efforts complémentaires demandés aux collectivités locales dans le cadre du Projet de loi de finances 2026 ne sont pas encore connus, mais représenteront inévitablement une charge supplémentaire.


Parallèlement, le CDT a atteint depuis près de deux ans les limites de son seuil de viabilité, notamment avec le retrait de partenaires financeurs majeurs comme la Région et la Métropole du Grand Paris (MGP) sur ses opérations de promotion,
" nous explique-t-elle.

En 2024, la subvention départementale était déjà passée sous la barre du million d’euros, pour atteindre seulement 900 000 euros.

Une économie bien modeste, pour une entité qui faisait pourtant rayonner les acteurs locaux dans l’ombre de la destination-monde qu’est Paris.

Cette fermeture a été accueillie avec stupeur, et amertume, par les salariés, même s’ils bénéficieront d’un "reclassement du personnel", ainsi que par les hôteliers du département.

"C’est un territoire de la banlieue parisienne, et nous subissons le poids de Paris, un attracteur très fort aussi bien pour les touristes que pour les acteurs privés.

Le CDT est un outil indispensable pour valoriser ce genre de territoire, et aussi pour limiter le surtourisme dans la capitale.

L’attractivité du département va forcément en prendre un coup, d’autant qu’il n’y a pratiquement pas d’offices de tourisme,
si ce n’est celui intercommunal des Boucles de la Marne,
" souligne, désabusée, Hélène Sallet-Lavorel, l’ancienne directrice de Val-de-Marne Tourisme.

D’ailleurs, sa suppression devrait aussi entraîner la chute de l’un de ses projets phares : la plateforme Explore Paris. Celle-ci proposait des visites guidées et des balades-passerelles pour désengorger la capitale.

Le site accueille 75 000 visiteurs et recense plus de 8 000 offres chaque année, pour un résultat "exceptionnel, qui fonctionne vraiment bien. Toute cette ribambelle d’acteurs va se retrouver en difficulté et être invisibilisée dans l’ombre de Paris," déplore l’ancienne responsable.

Face à la baisse des financements, la subvention 2024 ne permettait déjà plus de couvrir les charges fixes de l’association sans compromettre sa viabilité. Et le Val-de-Marne n’est pas un cas isolé, car d’autres structures ont subi le même sort ces derniers mois.

Pays de la Loire supprime le CRT… le tourisme globalement boudé par les politiques

Un spécialiste du marketing touristique me confiait récemment avoir changé de cible, préférant se détourner de ce pan du secteur… faute de budgets.

"J’habite dans le Puy-de-Dôme, où il n’y a plus de CDT depuis maintenant douze ans. Il y a aussi des CDT qui fusionnent, ou encore des CRT (comités régionaux du tourisme) qui sont absorbés par les agences d’attractivité, comme c’est le cas en Occitanie.

Dans les Pays de la Loire, ils vont tout simplement supprimer la structure de promotion du tourisme
rattachée à Solutions&Co, l’agence de développement économique de la région,
" nous confie Jean Pinard, l’ancien directeur du CRT Occitanie, devenu depuis consultant pour Futourisme.

D’après Olivier Meyer, en se basant sur un article de Ouest-France, seules les missions d’attractivité économique de Solutions&Co seront internalisées par la Région, tandis que celles liées au tourisme seront tout bonnement abandonnées.

Ce n’est pas tout. Lors de l’absorption des CRT par les agences d’attractivité, les budgets alloués au tourisme subissent souvent une cure d’austérité.

"L’idée même qu’une action politique soit nécessaire dans le domaine du tourisme s’est émoussée chez les élus, qui perçoivent mal le rôle de nos agences dans la valorisation du tourisme au plus près des territoires et de leurs acteurs.

Au niveau des agences départementales, le gros des turbulences se concentrait surtout sur les budgets 2025. Le pire semble derrière nous.

Pour les Régions, paradoxalement, c’est pire. Les CRT se font petit à petit avaler par les agences d’attractivité et dans le cadre de ces fusions-absorptions, la part dévolue au tourisme est rabotée de 30 % en Île-de-France,
" poursuit Olivier Meyer, directeur de Seine-Saint-Denis Tourisme.

Cette crise du financement frappe tout le tourisme institutionnel, sans réelle distinction, même si certains territoires s’en sortent un peu mieux grâce à leur notoriété.

D’après plusieurs acteurs interrogés, les baisses budgétaires oscillent entre 10 et 20 %, et ce sans même connaître encore les contours définitifs du PLF 2026.

Aux Rencontres e-tourisme de Pau, l’ambiance était d’ailleurs plutôt fébrile dans les couloirs du Palais Beaumont.

"Toutes les subventions des acteurs publics sont en baisse quand ce n'est pas en chute libre. Cela impacte aussi bien les structures de soutien, de structuration ou d’animation du tourisme que les événements, concours ou projets.

L’événementiel, lui, est frontalement touché. Contrairement à des baisses de financement sur des structures, qui entraînent des suppressions d’emplois, les décideurs publics pensent que les événements trouveront bien une solution pour survivre,
" analyse Laurent-Pierre Gilliard, directeur de la prospective d’UNITEC et organisateur des Rencontres e-tourisme.

Congrès d’ADN Tourisme : “une angoisse collective” et une ambiance morose

Cette année déjà, l’événement a dû composer sans le financement du Département, et l’an prochain, ce sera au tour de la Région de se retirer.

La question de la pérennité du rendez-vous à moyen terme se pose, même si des solutions sont à l’étude pour faire vivre cet événement majeur, et ô combien qualitatif, du tourisme institutionnel.

Mais comment en est-on arrivé à ce bain de sang budgétaire ?

Il suffit d’éplucher les précédents projets de loi de finances pour comprendre la crise profonde qui frappe cette branche du secteur.

Du temps du gouvernement de Michel Barnier, l’effort demandé aux collectivités était fixé à 5 milliards d’euros, puis il avait été ramené à 2,2 milliards par François Bayrou.

Le projet de loi de finances déposé par l’ancien Premier ministre prévoyait même une contribution des territoires pouvant grimper jusqu’à 8 milliards d’euros.

La situation est telle que 60 départements se retrouvent "en crise de trésorerie, incapables d’investir ou d’assurer l’aide sociale," alors que leurs financements ont chuté de 8,5 milliards d’euros en trois ans, selon nos confrères de La Tribune.

De l’aveu d’un observateur aguerri du secteur, "une angoisse collective émanait aussi bien des dirigeants que des salariés" lors du dernier congrès d’ADN Tourisme. La fédération regroupe Offices de Tourisme de France, Tourisme & Territoires et Destination Régions.

"C’est vrai que, lors de cet événement, on n’a parlé que des problématiques de financement. Tout le monde subit les coupes budgétaires.

Le tourisme n’y échappe pas. Les belles années où l’on bénéficiait de budgets confortables sont derrière nous, il faut en faire le deuil.

Il faut l’accepter, car si on ne tourne pas cette page, on restera bloqués dans un état d’esprit défaitiste, alors que la situation n’est pas si dramatique que ça,
" tempère Christophe Lavaut, qui vient de prendre la direction d’AinTourisme avec, en guise de cadeau de bienvenue, une baisse de budget de 10 %.

Comme le souligne l’ancien directeur de Val d’Isère Tourisme, il est temps de faire le deuil de l’âge d’or, non la profession ne va pas disparaître, elle doit s'adapter.Il parait que dans toute crise, il existe des opportunités.

Celle-ci est peut-être l’occasion d’enfin amorcer le grand "big bang" ou "reset" que Jean Pinard appelle de ses vœux depuis des années.

"Il ne faut pas que les OGD restent dans les mêmes modes de fonctionnement"

Selon un ancien haut cadre du secteur, il est indispensable d’accomplir ce travail de réflexion qui n’a jamais été fait.

"Bien sûr que les coupes budgétaires ont de grosses conséquences sur le travail des OGD, mais ce qui prédomine depuis des décennies, c’est plutôt l’excès de budget et l’esprit de rentier qui en a découlé.

Cela a conduit la plupart des organismes à ne jamais entreprendre les réformes nécessaires pour être efficaces, et donc à ne pas être préparés à ces baisses de budget pourtant parfaitement prévisibles...

Une vérité que ces structures refusent toujours d’entendre, ce qui mènera à des 'ajustements' très brutaux et mal vécus, alors qu’elles avaient toutes les cartes en main pour anticiper,
" nous confie cette source.

Un discours brutal, certes, dans une période plus que délicate, mais qui a le mérite de la sincérité et de l’absence totale de langue de bois.

Il est vrai que ce pan du tourisme français a longtemps profité de la position de la France au sommet du classement mondial, pour toucher des subventions confortables, pour se contenter par moment de quelques publicités dans le métro parisien, sur la ligne de son élu local.

Et surtout, malgré les mutations profondes de la société, les OGD ne se sont jamais vraiment remises en question.

"Il y a sans doute des interrogations des politiques sur l’efficacité réelle des investissements consentis à ces organismes, par rapport aux résultats attendus. Dans un contexte, où certains prônent de tailler la dépense publique à la tronçonneuse, c’est un élément qu’il ne faut pas négliger dans les territoires.

Il est tout de même regrettable que ces organismes s’affaiblissent au moment où les enjeux n’ont jamais été aussi grands. Mais il ne faut pas que les OGD restent figés dans leurs modes de fonctionnement actuels, alors que les baisses budgétaires sont constantes et vont se poursuivre, il faut que les choses changent.

Ce monde nouveau doit amener ses structures à reconsidérer leur métier et leur façon de travailler,
" explique Vincent Gollain, nous invitant à refermer cette page de la crise financière pour en ouvrir une nouvelle, (d'ici quelques jours sur TourMaG.com) tournée vers l’avenir du tourisme institutionnel.

Car selon le directeur d’études économiques et expert “Attractivité et marketing territorial”, le secteur n’est pas seulement confronté à une crise financière, mais aussi à une crise existentielle et technologique avec la déferlante de l’IA.

Nous n’avons jamais été aussi proches du grand reset.


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