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Qui pour croire encore à la démocratisation du tourisme ? [ABO]

L'humeur de Jean Pinard


Alors que le taux de départ des Français en vacances stagne depuis trente ans, le droit aux vacances reste un sujet consensuel... sauf quand il s’agit de voter les budgets. Entre beaux discours et arbitrages politiques, pour Jean Pinard, les non-partants restent les grands oubliés du tourisme.


Rédigé par le Vendredi 13 Juin 2025

Qui pour croire encore à la démocratisation du tourisme ?  - Depositphotos.com Author Kostia777
Qui pour croire encore à la démocratisation du tourisme ? - Depositphotos.com Author Kostia777
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Autant rentrer dans le sujet sans échauffement, le taux de départ des Français n’a pas bougé depuis 30 ans, et plus personne pour s’en émouvoir à part des associations engagées pour faire respecter le droit aux vacances.

Pourtant, pas une ouverture de colloque, pas un post, pas un discours, pas une interview d’élu, sans faire référence à ce qu’on appelle pudiquement « le tourisme social ».

Le droit aux vacances est une urgence sociale et politique, là-dessus rien à dire, mais le problème c’est que ce droit on en parle 364 jours par an, sauf étonnamment le seul jour où il le faudrait, je fais référence au jour du vote du budget tourisme de l’État et des collectivités.

Ce jour-là, ben il faut faire des choix, et selon la formule consacrée, faire des choix c’est renoncer, donc on laisse au vestiaire tous les discours qui ont égayé les prises de paroles des « journées tourisme », des colloques sur le tourisme de demain, qui sera durable, responsable et social, mais qui au final parce qu’il faut faire des choix, ne sera rien de tout cela, faute de courage et d’ambition.


On parle des vacances de celles et ceux qui partent, beaucoup moins souvent de celles des non-partants

C’est vrai qu’entre donner 500 000€ pour financer le marketing support de la nouvelle ligne de Ryanair vers Porto ou Fès, et financer l’accompagnement au départ en colonie pour des gosses dont les parents ne partent jamais, le bénéfice politique est vite calculé !

A lire aussi : Ryanair menace de partir ? Mais qu’elle(s) s'en aille(nt) !

C’est certainement sur ce genre de petits calculs du bénéfice politique, que le Pass rail est passé par perte et profit, le sujet n’ayant même pas fait l’objet de débat au parlement.

On parle des vacances de celles et ceux qui partent, beaucoup moins souvent de celles des non-partants, de celles et ceux qui restent chez eux, dans leur ville, leur quartier ou dans leur petit village.

Il y a l’usage visible du temps libre, celui des plages, des gares, des bouchons sur les autoroutes, et celui invisible des centres de loisirs, dans lesquels on regroupe tous les gamins qui ne partiront pas.

Le droit aux vacances c'est un droit à la "pleine vie"

Nous avons tous en tête les photos de joie des classes populaires qui se pressaient à la fenêtre du train avant que celui-ci ne parte vers les plages, pas forcément très loin, mais partir de chez soi, c’était déjà l’aventure, le grand voyage, celui qui fait rêver.

Le droit aux vacances, dans un pays comme la France, n’est pas seulement un droit aux congés payés ou aux vacances scolaires, au repos ou à l’oisiveté.

C’est un droit à « la vie pleine », pour reprendre le titre du récent rapport de la Fondation Jean-Jaurès, un droit à découvrir, à expérimenter, à rencontrer… soi, les autres, mais aussi l’ailleurs.

Un rapport qui tient en 15 propositions, qui ont toutes pour objet de favoriser ce droit à « la vie pleine », et j’en retiens deux que je considère très opportunes.

- La création d'une agence nationale des vacances incluant le secteur associatif, le secteur public et le secteur privé pour piloter et coordonner le développement du droit aux vacances en France. Alors on peut dire, encore une agence, mais l’idée de regrouper tous les acteurs qui œuvrent à l’accompagnement au départ en vacances est plus que pertinente.

- Simplifier les aides CAF et ANCV aux vacances en une bourse vacances unique pour favoriser l’effectivité du départ en vacances. Une proposition qui aurait pour objet de rationaliser l’intervention des acteurs en charge des aides aux vacances, mais surtout de favoriser la connaissance des dispositifs auprès de publics ciblés.

La démocratisation du tourisme ne peut pas se limiter à une question d’aides financières

Mais aborder le sujet de la démocratisation du tourisme, ne peut pas se limiter à une question d’aides financières même si ce levier reste prioritaire si on veut faire évoluer le taux de départ en vacances.

Il y aussi le débat « du trop » et celui de la remise en cause du bénéfice des vacances.

Le trop, c’est bien évidemment celui du nombre trop important de touristes, et de l’impact des flux touristiques sur l’environnement. Là-dessus, le constat est juste, mais reste à savoir comment on définit le « trop » qu’il ne faut pas confondre avec le « plein », mais surtout qui va contrôler le « trop ».

Dit autrement, le principe des quotas sera peut-être la mesure qui s’imposera, afin de trouver le bon équilibre entre fréquentation touristique et bien être des habitants dans les sites les plus visités, mais comment on gère des quotas ?

Les débats actuels sur les enjeux de la transition en montagne sont très symptomatiques de la manière dont certains aimeraient gérer l’accès aux touristes en montagne. « Il faut rendre plus difficile l’accès à la montagne, et à la jouissance facile. La montagne doit rester un lieu d’effort ».

Ne veut-on plus partager l'espace ?

Tout est dit, et c’est inquiétant - car au nom de la transition, en montagne, à la mer, ou à la campagne, - la stratégie est la même : il faut limiter, réduire, dans l’idée de sanctuariser l’espace dans lequel on vit, parce qu’on ne veut plus partager cet espace !

Il a dans cette approche, une volonté affichée de considérer que « le tourisme ça commence à bien faire » et donc d’en limiter, non plus le développement, mais son objet même, et ce dans des lieux qui ont pourtant été aménagés dans la seule vocation d’accueillir des vacanciers.

Dans ces conditions comment imaginer un seul instant que le sujet du droit aux vacances devienne une priorité, si on considère que les 60% de Français qui partent en vacances sont déjà de trop !

Du coup, ça devient assez facile de considérer que les vacances c’est un truc surfait si on veut ringardiser le tourisme, et de considérer que lire un peu plus, aller voir des bons films au cinéma d’art et d’essais si possible, ou de faire son jardin, serait quand même bien plus intelligent que d’encombrer les autoroutes tous les samedis de juillet aout.

C’est vrai qu’encourager les habitants de la Courneuve à faire leur jardin, pour assurer la tranquillité de ceux qui se sont acheté une résidence secondaire à la Grande Motte, fallait oser !

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.

Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.

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Tags : jean pinard
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