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Du territoire à la destination : l’enjeu de l’identité touristique [ABO]

L'humeur de Jean Pinard


Cette semaine, notre chroniqueur Jean Pinard, s'attaque à l'identité touristique des territoires et nous propose un petit tour de France des territoires et des destinations. Entre réformes et dénominations administratives, et stratégies marketing, certains territoires peinent à définir une identité touristique cohérente. Tour d'horizon des bonnes et mauvaises pratiques.


Rédigé par le Vendredi 6 Juin 2025

Du territoire à la destination : l’enjeu de l’identité touristique - Depositphotos.com Auteur Maugli
Du territoire à la destination : l’enjeu de l’identité touristique - Depositphotos.com Auteur Maugli
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On parle beaucoup des destinations touristiques, mais qu’est-ce qui fait qu’un territoire devient une destination ?

Cette confusion entre le territoire et la destination, elle affaiblit le tourisme parce que nous ne savons pas faire autrement que de calquer nos organisations sur des périmètres administratifs ; donc, par facilité ou par injonctions politiques, c’est le nom administratif du territoire qui s’impose.

À l’heure où les enjeux d’attractivité sont supplantés par les enjeux d’identité, comment définir ce « sentiment géographique » qui construit l’identité des lieux, pour en faire le point d’appui des stratégies marketing des destinations touristiques ?

Parce que le marketing, c’est avant tout une question de produit, et je rajouterais de produit identitaire, il est stratégique de repenser ce concept souvent malmené d’identité. Le surf participe à l’identité de la Côte basque, le ski nordique à l’identité du massif du Jura, les grands cols alpins, et donc le vélo, à celle des Alpes…

Ce n’est pas facile de comprendre ce qui construit l’identité régionale et, par là même, la notion de destination, de comprendre comment se crée ce sentiment d’appartenance par le territoire, par l’espace, par le paysage… mais aussi par la capacité d’accueillir les autres.


Petit tour de France des territoires et des destinations

La destination, c’est une référence à la fin du voyage, à l’aboutissement, au lieu qu’on a choisi pour descendre du train ou de l’avion. Et la question qui se pose quand on veut marketer sa destination, c’est d’être sûr que le nom de la destination retenu par le voyageur corresponde bien au nom usuel validé par les habitants pour nommer leur territoire - et là, c’est une autre histoire.

Qu’est-ce qui fait destination ? Qu’est-ce qui construit l’identité touristique des lieux ? Petit tour de France des territoires et des destinations.

Commençons ce tour de France par un retour en arrière de sept ans qui nous ramène à la fusion des régions françaises. Passer de 22 à 13 régions suppose de redessiner la carte des territoires, et, par voie de conséquence, celle des destinations.

Exit l’Alsace, place au Grand Est ; exit l’Auvergne, place à AURA ; exit le Limousin, place à la Nouvelle-Aquitaine. On a donc changé les noms, comme si on voulait effacer ceux des destinations qui faisaient référence depuis des années pour le visiteur/consommateur.

Personne ne ferait ça dans le monde de l’agroalimentaire, dont la stabilité des marques est un critère de performance, et quand bien même une marque serait rachetée un jour par Unilever, le lendemain par Nestlé ou Danone, on ne change pas le nom du produit. En tourisme, si. Et c’est quand même un sujet qui devrait faire débat. Mais non !

On peut créer un comité régional de tourisme à l’échelle de chaque région, mais pourquoi faire disparaître les marques ?

On peut créer un comité régional de tourisme à l’échelle de chaque région, parce que c’est la loi, mais pourquoi faire disparaître les marques ?

Les deux départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin l’ont bien compris, en renforçant leur collaboration dans Destination Alsace. Plus intéressant encore, le contre-pied pris par la région PACA, qui abandonne son acronyme pour capitaliser sur ses « marques monde » : Provence, Alpes et Côte d’Azur. Cet exemple est un cas d’école, car il fait imploser les périmètres administratifs au profit d’une stratégie de marketing qui s’appuie sur des… MARQUES !

On peut faire du marketing sans marque, et dans le cas présent, il s’agit de faire la promotion de ses produits ou services sans les associer directement à son nom de marque ou à son identité.

C’est ce que fait très bien France Montagnes, par exemple, en œuvrant pour la promotion du tourisme en montagne. Mais sinon, faire du marketing sans marque, c’est un concept assez difficile. Dans le cas de PACA, pas facile pour les représentants du Var, premier département touristique français, de savoir ce que pèse la marque Var face aux marques Provence et Côte d’Azur.

Ce qui fait la puissance d’une destination, c’est son identité

On le sait, certaines marques de destinations incarnent un imaginaire touristique fort, et du coup beaucoup de territoires — et donc d’organismes de gestion de destination — s’y raccrochent. Je l’ai déjà écrit, et c’est là où le bât blesse : si l’Aubrac, les Cévennes ou les Écrins font vendre, il faut arrêter de se concurrencer et donc se regrouper à l’échelle du périmètre de ces destinations. Cette concurrence dans le référencement des destinations, le fameux SEO, ça a coûté une blinde ces 20 dernières années, et il est temps d’y mettre un terme.

Il faut le marteler : ce qui fait la puissance d’une destination, c’est son identité. Et de ce point de vue, les parcs naturels sont de vraies marques de destination, parce qu’ils portent en eux une identité géographique collective. Parmi les bonnes pratiques, la création d’une agence des Pyrénées est un exemple à suivre.

Cette agence a été créée afin de faire émerger et partager des valeurs identitaires, dans l’objectif de mieux vendre cette destination en faisant valoir ses différences de territoire de montagne.

Et puis il y a le cas des territoires qui portent en leur sein une destination à très forte identité ajoutée, mais qu’il faut cacher, parce que cette identité masquerait le reste de l’offre du territoire.

Le succès du tourisme est étroitement associé au mot destination

Deux exemples qui interpellent quand il s’agit de parler de marketing des destinations touristiques : la station de Luchon, jadis appelée la Reine des Pyrénées, se cache dans un office de tourisme qui s’appelle Pyrénées 31 ! Alors, la référence au 31, c’est celle qui rappelle que Luchon se situe dans le département de la Haute-Garonne, ce qui me fait dire que les touristes ont intérêt à réviser leur connaissance des plaques minéralogiques !

Dans la même veine, l’office de tourisme de Giverny, lui, se cache dans l’appellation d’un office de tourisme qui se nomme Nouvelle Normandie !

On imagine les visiteurs étrangers qui veulent visiter les jardins de Monet chercher leur info sur le site de l’office de la Nouvelle Normandie…

Que dire des noms de destinations qui épousent les noms des communautés de communes, parce qu’il est impossible de s’en émanciper ? Dans ce cas, la question suivante se pose : à qui le nom est-il destiné ? Aux touristes ou aux locaux ? Les offices de tourisme des Trois Rivières ou des Deux Lacs offrent des noms évocateurs ; il faut juste savoir où on ira passer ses vacances.

On pourrait continuer ce tour de France en évoquant les vacanciers qui vont faire du ski de fond dans le Doubs, mais qui font référence au Jura ; ceux qui vont à Lacanau dans le département de la Gironde, mais qui vont sur la Côte des Landes… La liste est trop longue pour tous les citer.

Le succès du tourisme est étroitement associé au mot destination, qui évoque tout à la fois un lieu à voir, l’objet d’un désir ou d’un rêve, et une organisation capable d’accompagner ce rêve.

Le marketing des destinations, c’est ce qui doit permettre d’accompagner ce rêve — en tout cas de le rendre plus accessible — et, de ce point de vue, il y a vraiment besoin de faire bouger les lignes pour être plus efficace et surtout plus rationnel.

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.

Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.

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Tags : jean pinard
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