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Voyageur contre touriste : le nouveau snobisme ? [ABO]

L'humeur de Jean Pinard


"Vive les no-destinations !" s'exclame Jean Pinard dans cette nouvelle chronique ! Entre les listes pour "éviter les touristes" et autres index du sur-tourisme, le Président de Futourism dénonce une forme de snobisme médiatique. Y aurait-il le bon, et le mauvais touriste ?


Rédigé par le Mercredi 28 Mai 2025

Voyageur contre touriste : le nouveau snobisme ? Depositphotos.com Auteur kues
Voyageur contre touriste : le nouveau snobisme ? Depositphotos.com Auteur kues
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C’est le sujet à la mode dans les médias : noircir du papier pour proposer des destinations plus intimistes. Et évidemment, c’est une très bonne idée de mettre en avant des destinations dont la réputation touristique est bien plus faible que celle des grandes stations.

Pour avoir piloté le Comité Régional du Tourisme d’Auvergne, j’étais super content quand les grands médias nationaux s’intéressaient à nos destinations et parlaient de l’Aubrac comme LE spot national de la randonnée, en mettant en valeur l’offre du chemin de Compostelle.

Ce qui a changé ces dernières années dans la manière de parler de ces destinations, c’est de « les vendre » avec un argument pour le moins curieux si j’en crois le titre d’un papier d’un média belge : « Voici les 15 meilleurs pays pour éviter les touristes cet été » !!!

Ça en jette, ce titre, et ça en dit long sur le regard de plus en plus critique porté sur le statut de touriste ! Quel snobisme de montrer du doigt les touristes, afin de s’éloigner d’eux en faisant valoir son statut de voyageur.


On nous refait donc le sketch du bon et du mauvais chasseur

Le touriste, c’est un mouton, un canard sans tête, qui consomme le territoire, quand le voyageur, poussé par sa curiosité et sa soif d’aventure, découvre le territoire. On nous refait donc le sketch du bon et du mauvais chasseur, le talent des Inconnus en moins.

La question qui reste en suspens avec ce genre de titre et d’article, c’est de savoir comment on va nommer celui qui s’aventure dans des pays dans lesquels il n’y a pas de touristes ?

On pourrait sourire de cette tendance au dénigrement, considérant qu’elle est marginale, mais elle s’installe progressivement dans les esprits et dans les médias, et il y a quelque chose de vraiment malsain.

Je le réécris : le tourisme est une proie facile pour les populistes dont l’obsession est de rejeter l’autre, et il serait temps que la profession prenne position sur ce sujet. Une position unanime pour dénoncer ce mépris, cette boboïsation, et tous ces narratifs qui ne sont que la reproduction de la stratification et des inégalités sociales. Créer un entre-soi, c’est l’objectif, et il faut le dénoncer, s’y opposer aussi.

Là où l’affaire se corse, c’est quand des acteurs du tourisme remettent une pièce dans la machine dans l’idée de jouer les acteurs vertueux, qui prennent leur responsabilité et démontrent leur engagement pour un tourisme plus responsable.

Quel intérêt de créer un index si on applique les critères à l’échelle d’un pays ?

C’est sans doute dans ce sens que Fodor Travel propose une liste des « no destinations », nouveau concept qui consiste non plus à proposer des destinations moins fréquentées, mais carrément à montrer du doigt les lieux où il ne faut pas aller.

De la part d’une boîte qui écrit et vend des guides de voyages pour envoyer ses lecteurs à New York, en Thaïlande ou à Hawaï, ça interroge, surtout si dans la liste des "no destinations", tu trouves… l’Everest.

Alors, il semble qu’il faille faire la queue pour atteindre le toit du monde en enjambant les cadavres des malheureux touristes qui n’étaient pas préparés à cette expédition, mais franchement, quels sont les touristes qui vont renoncer à partir faire l’Everest après avoir lu les recommandations de Fodor ?

La même question s’impose à la lecture de l’index du surtourisme élaboré par un cabinet à la demande d’un voyagiste qui souhaite réorienter sa production. L’intention est plus que louable, mais quel intérêt de créer un index avec des critères objectivement pertinents, mais qui n’ont aucune résonance si on les applique à l’échelle d’un pays ?

La France qui se retrouve dans cet index parce qu’elle serait surfréquentée, c’est une vaste blague. Le taux d’occupation annuel moyen d’un hôtel en France dépasse à peine les 50 %, elle est où, la surfréquentation ? Faire un index par région et par saison, à la rigueur, mais là, par pays, ça ne rime à rien.

Après, je ne sais pas à qui est destiné cet index, mais pour rester en France : à quelle population s’adresse-t-on quand on déconseille d’aller à Aruba, à Maurice ou aux Bahamas ? C’est une blague, quand on connaît le budget moyen des familles françaises pour leurs vacances principales.

Même l'Etat y est allé de sa campagne de com

Alors on peut continuer tous les ans à faire des enquêtes de conjoncture, à dresser des no-list, à vouloir transformer le touriste inculte en voyageur averti, à sortir tous les ans des tendances qui vont révolutionner la pratique du loisir, on peut aussi hiérarchiser les destinations en fonction de leur taux de « touristicité », chercher à classifier les visiteurs – parce que même quand il s’agit de vacances, il faut classer les gens –, à la fin, il reste quoi de toutes ces agitations socio-médiatiques ?

Pendant qu’on s’agite à suggérer, à encourager des gens qui peinent à offrir à leurs enfants une semaine de vacances, à visiter le Bhoutan – qui fait partie des 15 pays où on ne croisera pas de touristes –, le marché mondial du divertissement digital explose tous ses records. Mais visiblement, les acteurs du tourisme s’en moquent.

Même l’État y est allé de sa campagne afin d’encourager les Français à passer leurs vacances au vert, parce que ça serait plus, je cite, responsable.

Donc l’État aménage des stations balnéaires pour éviter la diffusion spatiale du tourisme dans une stratégie de tourisme durable qui n’en portait pas le nom à l’époque, et le même État encourage les visiteurs à ne plus aller dans ces stations afin que l’empreinte de leurs vacances soit plus responsable.

Et si on foutait la paix aux gens qui n'ont pas le choix de la date de leurs vacances, pas le budget pour se demander s’ils iront aux Bahamas l'hiver ou l'été, mais qui ont juste envie d'offrir une glace à leurs enfants, et de la déguster sur la plage à l'heure où le soleil se couche 🌞

Je trouve ça très responsable, de manger des glaces sur la plage en famille au coucher du soleil !

Jean Pinard - Mini Bio

Jean Pinard - DR
Jean Pinard - DR
Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.

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Tags : jean pinard
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