Magic Pass : la stratégie gagnante des "Magic Suisses" ! [ABO]

C’est peut-être parce que je suis né pas très loin de la frontière suisse que je voue une admiration sans faille à la stratégie touristique des Suisses depuis des années.

Les Suisses m’ont toujours inspiré professionnellement, et cela a commencé quand un jour où, je suis tombé sur leurs matrices d’enjeux de croissance qui croisaient, d’un côté la performance en volume de nuitées touristiques et, de l’autre, la performance en augmentation de nuitées par marché.

Les Suisses démontraient qu’il était préférable d’investir sur le marché national dont la croissance moyenne annuelle était de 3%, car ce marché domestique pesait 60% du total, et bien c’était plus efficace que d’investir sur le marché espagnol qui certes avait bondi de 40% en 10 ans mais qui ne pesait que 2% du total des nuitées.

Je pourrais parler des géniales campagnes de communication avec Federer en Guest star, ou de la stratégie de mobilité qui a pour principe directeur de faire en sorte que toutes les localités du pays de plus de 100 habitants doivent être desservies par les transports en commun, mais je vais vous parler du Magic Pass.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le Magic Pass, c’est au départ en 2017, un abonnement de ski qui donne accès à un grand nombre de stations de ski dans le Valais (et quelques-unes en France) pour un prix forfaitaire annuel.

C’est une formule qui a séduit immédiatement les amateurs de sports d’hiver, car elle permet de skier de manière illimitée dans une trentaine de stations, sans avoir à acheter un forfait journalier à chaque fois.

Et l’actualité du Magic Pass qui est passée inaperçue en France, le pays qui a tout inventé dans le tourisme, c'est : l’ouverture des ventes du Magic Pass pour la saison 2025/2026.

Chaque année en fin de saison d’hiver, la nouvelle version du Magic Pass est mise en vente, enrichie de nouvelles offres, mais c’est une vente un peu particulière puisque le prix du Pass va progressivement augmenter de semaine en semaine.

Donc on est dans une stratégie d’early booking à la Suisse, mais comme c’est du Made in Switzerland, et ben ça cartonne. Pour cette période d’ouverture des ventes qui se déroulait du 11 mars au 8 avril 2025, soit la période de vente au prix le plus bas, 277 000 abonnements ont été écoulés, soit une hausse de 64% par rapport aux 168 500 ventes réalisées sur la même période l'an passé, alors que son prix a pourtant augmenté.

Si on traduit ces ventes en chiffre d’affaires, le Magic Pass c’est 108 millions de francs suisses en 3 semaines de ventes, soit 115M€ ! La coopérative qui est à l’initiative du Magic Pass table sur 130M€ de chiffre d’affaires pour cette nouvelle saison, mais ce n’est pas cette performance incroyable et unique que je souhaite commenter, c'est l’objet même du Pass.

Les Suisses ont compris depuis des années que le marketing ne se limitait pas à produire des contenus ou à référencer ses sites, mais à construire des produits, et dans le cas présent un Pass.

« Amener ses produits sur le marché, » c’est la meilleure définition qui soit pour qualifier une stratégie marketing, donc oui ça commence par réfléchir à la mise en production de son offre. Dans le cas du Magic Pass, ce qui est remarquable, c’est de constater que acteurs des activités de loisirs (domaines skiables, espaces de bien être, gestionnaires d’activités de pleine nature…) se sont dit qu’il devenait ridicule et contre-productif de se concurrencer entre eux, et qu’il était beaucoup plus pertinent de se regrouper dans l’objectif de proposer un produit simple qui encourage les gens à consommer sans limite leurs produits.

Le Magic Pass, c’est le produit qui arrache les gens du canapé, et qui les fait sortir de chez eux bien plus souvent, parce qu’ils ont acheté un produit qui leur permet de consommer sans limite. Le Magic Pass c’est le pendant de l’abonnement Netflix dans le divertissement digital, sauf que cet abonnement il fait gonfler la consommation touristique.

Avec un chiffre d'affaires direct de 130M€, on peut estimer que les consommations hors Pass, dont les hébergements ou les restaurants, vont gonfler l’activité économique qui fonde la création du Magic Pass.

On a donc d’un côté moins de dépenses de communication de chacune des stations, et de l’autre une stratégie marketing ambitieuse, une « stratégie produit », qui dope la consommation des activités touristiques. Qui dit mieux ?

Ce qui est vertueux dans le projet du Magic Pass, c’est cette vision coopérative qui fait travailler les acteurs ensemble, avec ce constat frappé au coin du bon sens : plus on se concurrence, moins on se donne les moyens d’œuvrer à développer notre activité.

Proposer un produit simple comme un Pass prépayé, c’est une stratégie qui encourage un usage du temps libre beaucoup plus tourné vers la consommation de loisirs et de tourisme, grâce à une culture coopérative qui engage les acteurs à travailler ensemble. C'est ça qui est génial avec le Magic Pass.

Si on rajoute à ça, qu’une base de données de 300 000 clients, ça aide un peu quand on veut faire une VRAIE stratégie CRM, alors on validera que le Magic Pass c’est bien plus qu’une stratégie marketing telle qu’on en parle dans les formations et les colloques.

Il y a peu j’avais fait un post sur l’inutilité des campagnes de communication des destinations dans le métro parisien, j’invoque à nouveau cette stratégie, en l’opposant à la stratégie de nos voisins Suisses.

Imaginons que toutes ces pubs qui égayent les stations de métro en mettant en concurrence des destinations d’une même région, soient remplacées par une communication visant à opposer aux tarifs bradés de je ne sais quelle compagnie Low cost qui te propose d’aller passer le week-end à Prague à 17€ l’aller simple, par un Pass pour visiter la France en train pendant tout l’été à 49€ !

A ben zut ça s’appelait le Pass rail… et ça a disparu sans aucune explication !

Président de la société de conseils Futourism :

Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.