
Sans boule de cristal, Jean Pinard nous livre le bilan de la saison été 2025 ! - Depositphotos.com Auteur LiliGraphie
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Bon je sais, j’anticipe un peu, mais je ne prends pas tellement de risques, considérant que chaque année, à cette question : « Alors cet été, les touristes, ils sont allés où ? », la réponse sera la même que les années précédentes : ben, ils sont allés là où on peut les accueillir !
Je dis que je ne prends pas de risque, mais pour être sincère, au fond de moi-même, la situation au Proche-Orient, en Inde ou en Ukraine n’est pas source d’insouciance, et renvoie à la vacuité de la question qui se pose chaque année, afin de savoir si les vacances des gens qui vivent dans des pays en paix se sont bien passées.
Show must go on, comme dirait Freddie Mercury, qui aurait pu réécrire sa chanson en l’adaptant au réchauffement climatique : chaud must go on, tant les plages du sud de la France restent la destination préférée des Français.
Les effets limités des prophéties auto-réalisatrices qui voudraient que tout change dans le tourisme.

Je fais le parallèle avec ce « désir de campagne » qui a fait les titres de bon nombre de médias à la sortie du premier confinement. Les villes devaient se vider de leurs habitants, qui allaient se ruer pour acheter dans les petits villages de la diagonale du vide, sauf que d’exode urbain, il n’y en a pas eu, ou si peu.
L’annonce d’une ruée vers les campagnes, très médiatisée et parfois entretenue par des opérations de communication de marketing territorial de la part d’agences d’attractivité, s’est heurtée à la réalité du temps incompressible pour changer de vie. S’il y a bien eu des investissements à la campagne, il n’y a pas eu pour autant d’installations directes, et c’est plutôt le littoral qui a bénéficié des effets du télétravail.
On est un peu dans la même situation dans le tourisme : on écrit beaucoup sur les enjeux de transition, sur l’adaptation des destinations touristiques – et c’est un sujet capital pour la destination France, en montagne comme sur le littoral – mais voilà, le changement, ce n’est pas encore pour maintenant.
A lire aussi : Du territoire à la destination : l’enjeu de l’identité touristique
Chaque année, on va faire des enquêtes de conjoncture et de tendances qui vont conclure que cette année, c’est sûr : les Français vont rechercher le frais, vont éviter la foule, vont partir hors saison… Et puis finalement, d’année en année, on se rend compte que ce qui fait le miel de tout plein de colloques, dans lesquels on nous assure que le changement radical dans la manière de passer ses vacances est déjà engagé, s’avère être de la confiture dégoulinante de certitudes d’amphis remplis de gens qui pensent que tout peut changer dans le tourisme, sauf… l’offre !
Il n’y a pas de tectonique des plaques touristiques
Et c’est ça qui est étonnant, parce que l’offre touristique, elle ne bouge pas, donc la fréquentation n’a que peu de chances de changer. Il n’y a pas de tectonique des plaques touristiques, parce que les plaques sont assez statiques.
Comment accueillir dans la « France fraîche » les millions de vacanciers qui, chaque été, vont dans les campings du bord de mer, parce qu’ils sont situés… en bord de mer, et pas ailleurs. L’héliotropisme et l’air marin restent les moteurs de l’économie touristique estivale.
Alors évidemment que ça changera, et la multiplication des canicules va accélérer ce changement, mais en l’état, aucune donnée ne vient confirmer que la géographie touristique est en mouvement.
Moi qui me suis formé à la prospective, j’aime rappeler que cette science – parce que c’en est une – s’appuie avant tout sur des modèles mathématiques de probabilités qu’une variable l’emporte sur une autre. Par exemple, une ouverture de ligne low-cost pendant les trois mois d’été (c’est une variable), aura-t-elle plus d’impact à remplir les lits touristiques dans une destination dont les taux d’occupation estivaux sont proches de 90 % ? La réponse est dans la formulation de la question 🙂 !
Donc il faut travailler l’offre si on veut faire bouger la fréquentation, et travailler l’offre, c’est aller un peu plus loin que de refourguer, dans toute prise de parole sur le tourisme, les trois mots magiques incontournables : « résilience, expérience, durable » !
Comment accueillir dans la « France fraîche » les millions de vacanciers qui, chaque été, vont dans les campings du bord de mer, parce qu’ils sont situés… en bord de mer, et pas ailleurs. L’héliotropisme et l’air marin restent les moteurs de l’économie touristique estivale.
Alors évidemment que ça changera, et la multiplication des canicules va accélérer ce changement, mais en l’état, aucune donnée ne vient confirmer que la géographie touristique est en mouvement.
Moi qui me suis formé à la prospective, j’aime rappeler que cette science – parce que c’en est une – s’appuie avant tout sur des modèles mathématiques de probabilités qu’une variable l’emporte sur une autre. Par exemple, une ouverture de ligne low-cost pendant les trois mois d’été (c’est une variable), aura-t-elle plus d’impact à remplir les lits touristiques dans une destination dont les taux d’occupation estivaux sont proches de 90 % ? La réponse est dans la formulation de la question 🙂 !
Donc il faut travailler l’offre si on veut faire bouger la fréquentation, et travailler l’offre, c’est aller un peu plus loin que de refourguer, dans toute prise de parole sur le tourisme, les trois mots magiques incontournables : « résilience, expérience, durable » !
Quand on parle désaisonnalisation, il faut parler de produit
Franchement, les discours politiques sur le tourisme ne sont pas à la hauteur des enjeux. Si on veut parler d’offre, de désaisonnalisation, d’aménagement du territoire, alors il faudra bien un jour parler de produit, et si possible de produits identitaires qui vont renforcer l’offre des territoires.
J’aime bien rappeler cet exemple dans le massif du Sancy, qui, depuis 10 ans, organise un évènement de land art qui attire 200 000 visiteurs. C’est ça, une offre ! C’est parce qu’il y a du land art que des visiteurs choisissent cette destination.
Et puis l’offre, c’est aussi du « hard », et je sais que cette vision n’est pas partagée, mais j’aime aussi citer cet exemple du Center Parcs des Trois Forêts en Moselle. Alors oui, 5 000 lits, pour certains, ce n’est pas ça, le tourisme durable, et ce n’est pas ça, le modèle à suivre. Sauf que ce Center Parcs, c’est 1,2 million de nuitées, et cela représente 26 % des nuitées du département de la Moselle.
On a donc coupé des arbres pour y installer cet équipement, exactement comme on a coupé des arbres dans la forêt landaise pour aménager des campings à Lacanau, Biscarrosse, Mimizan ou Arcachon. On a concentré des équipements pour éviter d’étaler l’aménagement touristique. Cela génère – on l’a dit – 1,2 million de nuitées touristiques, et en quoi ces nuitées seraient-elles moins durables que celles d’un village vacances dans le Morvan ?
On veut déconcentrer l’offre des littoraux et des villes, donc il faut aménager des lits touristiques dans des destinations comme la Moselle. C’est aussi basique que cela, ou alors on arrête les discours sur la nécessité d’étaler la fréquentation dans l’espace et dans le temps.
J’aime bien rappeler cet exemple dans le massif du Sancy, qui, depuis 10 ans, organise un évènement de land art qui attire 200 000 visiteurs. C’est ça, une offre ! C’est parce qu’il y a du land art que des visiteurs choisissent cette destination.
Et puis l’offre, c’est aussi du « hard », et je sais que cette vision n’est pas partagée, mais j’aime aussi citer cet exemple du Center Parcs des Trois Forêts en Moselle. Alors oui, 5 000 lits, pour certains, ce n’est pas ça, le tourisme durable, et ce n’est pas ça, le modèle à suivre. Sauf que ce Center Parcs, c’est 1,2 million de nuitées, et cela représente 26 % des nuitées du département de la Moselle.
On a donc coupé des arbres pour y installer cet équipement, exactement comme on a coupé des arbres dans la forêt landaise pour aménager des campings à Lacanau, Biscarrosse, Mimizan ou Arcachon. On a concentré des équipements pour éviter d’étaler l’aménagement touristique. Cela génère – on l’a dit – 1,2 million de nuitées touristiques, et en quoi ces nuitées seraient-elles moins durables que celles d’un village vacances dans le Morvan ?
On veut déconcentrer l’offre des littoraux et des villes, donc il faut aménager des lits touristiques dans des destinations comme la Moselle. C’est aussi basique que cela, ou alors on arrête les discours sur la nécessité d’étaler la fréquentation dans l’espace et dans le temps.
Le bilan de l'été 2025 en avant-première
Donc, aux journalistes qui liront ce billet d’humeur, je vous partage quand même quelques infos pour vous donner, en cette mi-juin, le bilan de la saison estivale dans l’Hexagone.
Les stations se rempliront le week-end du 14 juillet, qui marquera le lancement officiel de la saison. Les campings littoraux accueilleront principalement la clientèle française, alors que les hôtels urbains accueilleront beaucoup de clientèles internationales.
Le pic de la saison estivale sera atteint la première semaine d’août, les Allemands seront les visiteurs étrangers les plus présents, les trois régions du Sud de la France concentreront autour de 45 % des nuitées touristiques de la France, et quand le bilan définitif de la saison sera présenté par l’Insee à la Toussaint – parce qu’il faut un peu de temps pour produire de la statistique – ça n’intéressera plus personne, parce qu’un bilan de saison estivale, ça meuble les infos du mois d’août, et là aussi, il n’y a aucune raison que ça change !
Bonnes vacances
Les stations se rempliront le week-end du 14 juillet, qui marquera le lancement officiel de la saison. Les campings littoraux accueilleront principalement la clientèle française, alors que les hôtels urbains accueilleront beaucoup de clientèles internationales.
Le pic de la saison estivale sera atteint la première semaine d’août, les Allemands seront les visiteurs étrangers les plus présents, les trois régions du Sud de la France concentreront autour de 45 % des nuitées touristiques de la France, et quand le bilan définitif de la saison sera présenté par l’Insee à la Toussaint – parce qu’il faut un peu de temps pour produire de la statistique – ça n’intéressera plus personne, parce qu’un bilan de saison estivale, ça meuble les infos du mois d’août, et là aussi, il n’y a aucune raison que ça change !
Bonnes vacances
Jean Pinard - Mini Bio
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Président de la société de conseils Futourism :
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.
Forestier et géographe de formation, Jean Pinard a toujours travaillé dans le secteur des sports et du tourisme.
Moniteur de kayak, chauffeur de bus, guide, gestionnaire de sites touristiques, directeur de CDT et de CRT (Auvergne et Occitanie), Jean Pinard est redevenu consultant, son premier métier à la SCET, à la fin de ses études.