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Comment Exotismes a mis l'IA au service de sa productivité [ABO]

Exotismes développe ses outils technologiques en interne


Exotismes mise sur la technologie et l'intelligence artificielle "maison" pour gagner en productivité depuis près de 20 ans. Cette stratégie, Julien Cisneros, Directeur général l'a partagé à l'occasion de la réunion des Présidents de région des Entreprises du Voyage qui se tenait à Saint-Cyr-sur-Mer dans le Var début juillet.


Rédigé par le Vendredi 11 Juillet 2025

Comment Exotismes a intégré l’IA pour booster sa productivité - Photo CE
Comment Exotismes a intégré l’IA pour booster sa productivité - Photo CE
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« Souvent, on revient sur les mêmes polémiques : est-ce que l’IA va remplacer l’être humain ? Est-ce que notre métier est menacé ? », a lancé Julien Cisneros, Directeur général d'Exotismes à l'occasion de la réunion des Présidents de région des Entreprises du voyage qui se tenait à Saint-Cyr-sur-Mer début juillet. « Moi, je préfère rester factuel et expliquer comment on a introduit l’IA chez Exotisme. »

L’histoire commence fin 2008, par une crise. À l'époque, les Antilles représentaient 60% du chiffre d'affaires du voyagiste. D'énormes grèves mettent à mal la destination... les ventes s'effondrent. « Pour remonter la pente, nous nous sommes tournés vers la technologie pour augmenter notre productivité. Cela devait passer par augmenter le nombre de distributeurs et le nombre de destinations proposées. » détaille le directeur général.

Exotismes se met en quête de créer, en interne, des outils et programmes informatiques qui lui permettront de vendre davantage avec les mêmes effectifs. Mais en 2008, il n'est pas encore question d'utiliser l'intelligence artificielle.

Cependant, le sujet intéresse Julien Cisneros qui pilote l'équipe informatique. Installé à Marseille près des Universités, et écoles d'ingénieurs, il prend rendez-vous avec un chercheur qui lui explique : « La donnée, finalement, c’est votre or. Il faut que vous la gardiez, parce qu’après vous allez pouvoir en faire des statistiques. Il m’avait ainsi décrit les possibilités de ce que serait ChatGPT, à l’époque. »



IA : Exotismes a fait le choix de stocker en interne toutes ses données

L'objectif est simple : faire émerger à partir de cette masse de données « une forme d'intelligence ». Concrètement il explique : « Nous avons stocké par exemple tous nos devis. Il y a des devis avec des personnes qui partent en famille, d’autres avec des personnes qui ne partent pas en famille. Avec l'IA nous pouvons demander : quels sont les hôtels les plus vendus à des familles. Là, il y a eu une émergence de connaissance, sans qu’on y ait forcément pensé au départ. »

La base de connaissance, la matière sur laquelle va s'appuyer l'IA est donc essentielle pour une entreprise. « Il faut donner la bonne information à l'IA pour faire ce que l'on souhaite faire. Il faut donc bien déterminer les besoins en amont : je veux réaliser davantage de devis, je veux tendre sur davantage de qualité... il faut parfois tâtonner pour arriver à une bonne application de l'IA ».

Julien Cisneros détaille : « L’IA va permettre de mimer notre façon de répondre au client. Et c’est vrai que si on arrive avec du brut, sans exemple précis, au final, on n’arrive pas à répondre au client. Mais si l'IA a les bonnes données, tout d’un coup, nous pouvons obtenir une réponse à la manière d'Exotismes, en tout cas, cela y ressemble, et de manière automatisée. »

Reste l'enjeu du stockage des données : « Nous avons absolument tout stocké chez nous, sur nos propres serveurs. On est à Marseille, on est complètement parano : on garde tout en interne, sous clé. » détaille t-il, non sans un brin de malice. Ce choix leur permet surtout de maîtriser les coûts de stockage. « En passant par un tiers, on reste tributaire des hausses de prix des clouds. Nous créons également en interne toute notre technologie ce qui nous permet une certaine souplesse. »

Reste que les serveurs IA sont très énergivores. Pour alléger la facture, Exotismes a installé des panneaux solaires, qui l'été, couvrent 80% des besoins en électricité.

Des investissements en R&D

L’entreprise rassemble aujourd’hui environ 70 collaborateurs, prestataires inclus, et réalise un chiffre d’affaires avoisinant les 180 millions d’euros. Dix personnes travaillent au service informatique dont 6 développeurs. 70 % des ventes sont effectuées de manière totalement automatisée, sans intervention humaine via les outils B2B mis en place, tandis que les 30 % restants passent par le centre d’appels.

Entre 400 000 et 500 000 euros (soit moins de 0,5% du CA) sont investis chaque année par Exotismes dans la Recherche & le Développement. Si cette somme peut paraître colossale pour certaines entreprises, le directeur général l'assure, « il est possible de débuter un projet IA en local avec de bons ordinateurs que l'on trouve dans le commerce. »

Pour développer leurs outils, les équipes du voyagiste se sont inspirés du modèle Amazon : « Nous avions l'ambition de proposer à nos distributeurs le bon produit le plus rapidement possible. Aujourd’hui, en fonction de tout ce qui a été fait côté distributeur - demandes, le nombre d’appels téléphoniques, etc. - on envoie des devis, des relances, des systèmes automatisés qui nous permettent de bien cibler, et de concrétiser encore davantage. Toujours dans l’objectif d’une meilleure productivité. » Pour ce faire, elles se sont appuyées sur la technologie Mistral AI.

Les résultats sont là : de 300 devis par semaine en 2008, l’entreprise en génère désormais 40 000 par jour, via ses systèmes automatisés.

Cependant, il modère « Par contre, ce n’est pas en faisant beaucoup plus qu’on gagne beaucoup plus. Sur les 20 dernières années, on a peut-être triplé en taille, mais le nombre de devis a été multiplié par 400 ou 500. »

Renforcer l'expertise des collaborateurs

Cette automatisation des devis dits "simples" n'est pas sans impact pour les équipes du call center. Ces dernières se consacrent désormais aux demandes plus complexes ce qui peut générer du stress ou une impression de baisse d’efficacité.

« En automatisant tout ce qui était simple, il ne reste plus que les cas les plus complexes. Et quand on en parle avec le call center, ils nous disent que les demandes sont de plus en plus compliquées mais ce sont des demandes que nous ne traitions pas auparavant. Tout projet informatique, y compris l’IA, ne peut se faire qu’avec les équipes.

Ce qu’on leur a expliqué, c’est que cela leur permettrait d’évoluer : de simples vendeurs en prise de commande, la version la plus basique du métier, vers de véritables conseillers, capables d’apporter une vraie valeur ajoutée. Au fur et à mesure nous avons introduit de la technologie, mis en place de nouveaux outils pour leur permettre d'être de plus en plus experts, et surtout, qu'ils acceptent cette technologie. Parce qu’en réalité, elle donne du sens à leur travail. Et c’est l’exact opposé de ce qu’on entend souvent dans les discours sur le sujet aujourd’hui. »
développe Julien Cisineros qui précise que les solutions dopées à l'intelligence artificielle doivent être fiables à 100% ou dédiées à des tâches d'automatisation.

Sans cela, le ressenti des collaborateurs peut être déceptif. Il illustre : « Nous avions mis en place un système d'aide à la rédaction d'email. Les équipes nous répondaient que cela ne marchait qu’une fois sur deux. Elles préfèreraient les traiter manuellement. Ce à quoi nous répondions : oui, mais une fois sur deux, cela vous fait gagner du temps.

Un élément que nous n’avions pas anticipé, c’est le stress que cela peut générer chez les équipes, notamment dans les situations de contact direct avec un client, ou au téléphone. Devoir utiliser un outil dont la fiabilité est perçue comme aléatoire peut s’avérer frustrant, voire contre-productif.»

"Intégrer l'IA dans une entreprise c'est comme intégrer un nouveau salarié"

Pour arriver à un résultat satisfaisant, il faut toutefois s'armer de patience. « Nous avons automatisé la création de devis en fonction de mots clés lus dans un mail. Pour arriver à un bon résultat nous avons dû nourrir l'outil de nombreux mails. Le premier mail, il ne comprend pas, le second non plus, le 99e non plus et tout d'un coup le 198e il comprend ! »

Reste la question du retour sur investissement ? « Toute la partie automatisation de relance d'emails, de devis est difficile à quantifier, mais à l'arrivée à la fin de l'année j'ai gagné en productivité. » constate Julien Cisneros qui ajoute que chez Exotismes la masse salariale ne baisse pas, et augmente.

« Plus nous mettons de technologie, plus nous avons besoin de collaborateurs. Mais la productivité, c'est-à-dire le ratio chiffre d'affaires par rapport au nombre de salariés est meilleure. Là où il n'y a pas de technologie, nous devons mettre peut-être 3 personnes, là où il y a de la technologie, nous devons en mettre qu'une seule. »

Intégrer l'IA dans une entreprise c'est comme intégrer un nouveau salarié, explique t-il et cela doit être fait et accompagné par la direction.

A lire aussi : Réservations, carnet de voyage, assistant virtuel : où en sont les projets IA des EDV ?

Exotismes bientôt une entreprise tech ?

Exotismes demain, pourrait-elle se diversifier et devenir aussi une entreprise de technologie au service des opérateurs de voyages et de séjours ?

Le directeur général ne cache pas y avoir pensé. Il note cependant, deux freins principaux « D'abord, une méfiance persiste : rapidement, les futurs partenaires viennent en se disant qu'à un moment donné, nous pourrions essayer de les piéger. Ensuite, comme la technologie a été développée en interne, nous n'avons pas la capacité à garantir un service après-vente ou une formation continue aux entreprises extérieures. Elles doivent embaucher pour maintenir le système. Cela bloque aussi le processus. »

Exotismes semble bien décidé à rester sur son créneau de spécialiste des destinations et des îles exotiques tout en alliant la force de l'humain à celle du développement de la technologie en interne. Un pari audacieux mais un pari qui semble bel et bien gagnant.

Céline Eymery Publié par Céline Eymery Rédactrice en Chef - TourMaG.com
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Tags : exotismes, ia
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