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Emploi des seniors : état des lieux et pistes d’action 🔑

la chronique de Marie-Sophie Zambeaux, responsable recrutement - Editorialiste RH


Alors que la nouvelle réforme des retraites provoque moults remous et contestations dans tout le pays, la question de l’emploi des seniors n’a jamais été autant sous les feux des projecteurs et au cœur des débats et c’est une bonne nouvelle ! Marie-Sophie Zambeaux, responsable recrutement et éditorialiste RH fait le point sur la question.


Rédigé par le Lundi 6 Mars 2023

Le taux d’emploi des seniors français demeure inférieur à la moyenne européenne qui s’élève à 59 % avec de fortes disparités selon les pays : taux de 76,9 % en Suède, 71,8  % en Allemagne mais 48,3 % en Grèce et 43,8 % en Roumanie. - Depositphotos.com  Auteur Goodluz
Le taux d’emploi des seniors français demeure inférieur à la moyenne européenne qui s’élève à 59 % avec de fortes disparités selon les pays : taux de 76,9 % en Suède, 71,8 % en Allemagne mais 48,3 % en Grèce et 43,8 % en Roumanie. - Depositphotos.com Auteur Goodluz
Aujourd’hui, le taux d’emploi des travailleurs dits seniors en France – à savoir des salariés âgés de 55 à 64 ans – s’élève à 56 % et demeure bien inférieur à la moyenne européenne de 59 %.

Au moment de liquider ses droits à la retraite, seul un salarié sur trois est encore en activité en France. La France fait ainsi figure de mauvaise élève.

Cette situation n’est clairement plus tenable et d’autant plus au regard des pénuries de compétences et de la tension actuelle du marché du travail ! Il est totalement aberrant d’exclure, par principe, de l’emploi toute une partie de la population active.

La période que nous vivons est donc une véritable aubaine pour les seniors et la société toute entière dans le sens où elle nous permet de prendre enfin le temps de nous concentrer sur l’emploi des seniors que ce soit leur recrutement/ intégration ou leur maintien dans le monde du travail.


Etat des lieux de l’emploi des seniors

Contrairement à ce que l'on peut penser, le taux d’emploi des travailleurs seniors en France n’a cessé de progresser depuis vingt ans : il est ainsi passé de 32 % au début des années 2000 à plus de 56 % en 2021. Il s’agit d’une amélioration notable mais il faut dire que nous partions de loin !

Pour autant, ce taux d’emploi des seniors français demeure inférieur à la moyenne européenne qui s’élève à 59 % avec de fortes disparités selon les pays : taux de 76,9 % en Suède, 71,8 % en Allemagne mais 48,3 % en Grèce et 43,8 % en Roumanie.

Il existe également de fortes disparités selon le sexe : le taux d’emploi des femmes seniors est ainsi inférieur à celui des hommes seniors avec un écart de plus de 6 points sur la tranche d’âge 55 à 59 ans avec 76,6 % des hommes en activité versus 70,2 % des femmes « seulement ». Les femmes seniors semblent subir une double peine en premier lieu parce que senior puis parce que femme.

Autre point marquant, il y a un pic de sorties de l’emploi par licenciement et rupture conventionnelle environ trois ans avant l'âge légal de départ à la retraite à savoir vers 59/60 ans. Il s’agit bien souvent d’un accord tacite entre employeur et employé reposant sur la possibilité de percevoir jusqu'à 36 mois d'indemnisation chômage (27 depuis le 1er février 2023) dans le cadre d’une « préretraite Unédic » qui ne dit pas son nom et permet aux salariés d'être couverts jusqu'à l'âge légal actuel.

Cela traduit le fait que depuis une trentaine d'années, la tendance des entreprises est à l'éviction des salariés de plus de 50 ans ou à leur placardisation. Ce manque d’engagement et de motivation pour maintenir les seniors dans l’emploi se manifeste également par des chiffres édifiants sur les dispositifs de formation.

Ainsi entre 45 ans et 62 ans, seul un salarié sur dix a suivi une formation, en 2021, via son compte personnel de formation (CPF) ou via le Droit Individuel à la Formation (DIF) et 16% sans, selon l'Ifop et le Club Landoy. [1]

A CV « équivalent », 1 recruteur sur 4 déclare privilégier le candidat le plus jeune

Côté recrutement, les choses ne sont guère reluisantes comme en attestent les chiffres ci-dessous tirées d’une étude d’Indeed fin 2022 [2] et d’une enquête pour A Compétence égale [3] :

  • A CV « équivalent », 1 recruteur sur 4 déclare privilégier le candidat le plus jeune ;

  • 63% des recruteurs déclarent qu'il existe des freins réels à la présentation ou à la sélection de candidats seniors ;

  • Et ce chiffre grimpe même à 80% auprès des recruteurs évoluant au sein d'un cabinet de recrutement ;

  • 4 chefs d’entreprise sur 10 ne prévoient pas de recruter une personne de plus de 45 ans dans un proche avenir ;

  • 18% des chefs d’entreprise n’ont jamais recruté une personne de plus de 45 ans !

Bref, nous baignons dans une culture du jeunisme forcené ! La faute en incombe aux nombreux préjugés et stéréotypes entourant les seniors : ils seraient plus souvent absents, auraient des difficultés présumées d’intégration au sein des équipes et d’adaptation aux nouvelles technologies, seraient plus difficiles à manager…

Propositions d’action à mettre en place

Je n’ai pas de recette miracle à vous proposer pour régler d’un coup de baguette magique l’épineuse question de l’emploi des seniors en France. Il y a cependant des pistes à mettre en œuvre qui vont dans le bon sens et sont susceptibles de permettre une meilleure cohabitation.

1. Former et sensibiliser à l’apport des seniors

La première action que je recommande est de former et sensibiliser tous les membres d’une organisation en commençant par les recruteurs et managers à l’apport des seniors afin de déconstruire, un par un, les clichés relevant de l’âgisme et de lutter contre les discriminations liées à l’âge.

Les stéréotypes étant très nombreux et ancrés, la tâche s’annonce rude et ardue et nécessitera beaucoup plus qu’une seule et unique session de formation mais une sensibilisation de tous les instants pour que cela infuse petit à petit.

Outre cette sensibilisation aux bienfaits de la séniorité, les managers devront être formés au management d’équipes diverses en termes d’âges et de profils. L’argument « j’ai peur de recruter quelqu’un de plus âgé car je ne saurais pas comment le manager au quotidien » doit rapidement ne plus être entendable ni soutenable.

2. Miser sur l’intergénérationnel

Il est important que les organisations misent véritablement sur l’intergénérationnel et s’attachent à mieux faire travailler ensemble les différentes générations afin de créer des synergies positives entre les plus jeunes et les seniors.

Cela peut se traduire aussi bien par la mise en place de programmes spécifiques de mentorat pour permettre aux seniors de transmettre leur savoir aux plus jeunes que par du reverse mentoring les plus jeunes aidant leurs aînés dans l’appropriation de nouvelles technologies ou manières de travailler.

3. Accompagner et former tout au long de leur carrière les seniors

Comme on l’a vu précédemment, passés un certain âge les collaborateurs ne sont plus vraiment formés au sein des organisations, les structures préférant miser sur les plus jeunes qu’ils jugent prioritaires en matière de formation. C’est un non-sens absolu qui nuit à l’employabilité des seniors et d’autant plus quand on sait que l'obsolescence des compétences n'en finit plus de s'accélérer.

Outre l’aspect formation, les 55-64 ans ne sont pas suffisamment accompagnés dans leur parcours professionnel. Il y a, en France, un défaut structurel d’anticipation des enjeux de compétence, d’adaptation et de changement d'emploi concernant les seniors, défaut auquel il est urgent de s’attaquer.

Il est indispensable que les organisations mettent en place une politique proactive de gestion de la carrière des seniors et de leur maintien dans l’emploi afin qu’elles traitent les seniors aussi bien que les autres populations.

4. Aménager le temps de travail ( durée de travail / travail à distance)

Une autre piste qui me semble intéressante est de proposer la possibilité aux seniors, en fin de carrière, de simplement « décélérer » en recourant à un aménagement de leur temps de travail à temps partiel et ce de manière choisie pour répondre au mieux à leurs contraintes et aspirations.

Le travail à distance peut également être une solution intéressante à mettre en avant pour les intégrer et les maintenir au mieux dans l’emploi en leur permettant de continuer à travailler tout en conservant une certaine flexibilité.

5. Encourager les entreprises à embaucher des seniors

Enfin, sur un plan plus politique, il me semble indispensable que les entreprises soient davantage « incitées » à embaucher des seniors et à les maintenir dans l’emploi que ce soit via :

- des dispositifs financiers comme la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de l’âge du salarié ;
- des nouvelles obligations légales pour les obliger à se concentrer sur les besoins spécifiques de cette population comme la création d’un index senior sur le modèle de l’index égalité homme-femme qui a été rejeté à l’Assemblée Nationale ;

- la fin progressive des « préretraites Unedic » à mesure que le taux d’emploi des seniors progressera.
D’autres mesures telles que la surtaxe des ruptures conventionnelles ou bien encore le déplafonnement du CPF pour les plus de 50 ans me semblent intéressantes à creuser… [4]

Conclusion

Les années passent mais le constat reste malheureusement le même : l’âgisme reste le premier facteur de discrimination sur le marché du travail. Cela fait plus de 40 ans que le constat d’un immense gâchis est posé. Ce sont des milliers de compétences dont les organisations et la société se privent au quotidien.

Il est grand temps de réfléchir à la place que nous souhaitons accorder aux seniors dans le monde de l’entreprise et plus largement au sein de notre société.

Et si, 2023, était l’heure de se retrousser les manches, de stopper les discriminations à l’embauche à l’encontre des seniors et d’engager une profonde transformation de la perception ainsi que de la « gestion » des séniors dans le monde du travail ?

L'entreprise éveillée de 2023 sera celle qui pensera la rétention de ses séniors en leur donnant les moyens de s'épanouir et d'évoluer vers de nouvelles missions.

Références

[1] Baromètre Landoy , édition 2021 | Présentation PowerPoint (clublandoy.com)

[2] Etude Indeed « Quelle place pour les seniors au travail » |Quelle place pour les seniors au travail ? (indeed.com)

[3] « Les Seniors et l'accès à l'emploi en 2022 »| Etude A Compétence Egale- IPSOS | Titre de la proposition (acompetenceegale.com)

[4] Etude « Emploi des seniors : agir sur tous les leviers » – Institut Montaigne |emploi-seniors-agir-sur-tous-les-leviers-rapport.pdf (institutmontaigne.org)

Marie-Sophie Poggi-Zambeaux
Marie-Sophie Poggi-Zambeaux
Passionnée par le recrutement qu’elle exerce depuis près de 20 ans, Marie-Sophie Poggi-Zambeaux est actuellement Responsable d’un Pôle Recrutement au sein d’une collectivité publique.

Elle s’exprime régulièrement sur le recrutement et de manière plus large sur les RH et le management que ce soit sur différents blogs, lors de conférences ou bien encore dans sa newsletter hebdomadaire sur LinkedIn.

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