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Agences de voyages : silence, on bosse ! 🔑

L'édito d'Anaïs Borios


Ils ont le sourire derrière leur comptoir, parlent de destinations paradisiaques, connaissent les bons plans pour des voyages de rêve et sont les champions de la relation client. Les conseillers voyages sont admirables tant ils s'adaptent à tous les aléas qui viennent régulièrement les frapper de plein fouet, tout en s'inquiétant jour et nuit du sort de leurs clients partis à l'autre bout du monde. Leurs nerfs sont souvent mis à rude épreuve, mais ils tiennent bon. Cependant, s'ils se battent comme des lions pour que le voyage de leurs clients se déroule dans les meilleures conditions, qu'en est-il de leur propre condition ? Car, s'il leur arrive de se confier à demi-mot sur la pression qu'ils subissent, rares sont ceux qui en parlent ouvertement. Dans un milieu où tout le monde se connaît, l'omerta est de rigueur... mais à quel prix ?


Rédigé par le Lundi 5 Février 2024

A l'époque du #MeToo et de la RSE, je m'étonne de voir à quel point les conseillers voyages craignent de prendre la parole - DR : DepositPhotos.com, AndreyPopov
A l'époque du #MeToo et de la RSE, je m'étonne de voir à quel point les conseillers voyages craignent de prendre la parole - DR : DepositPhotos.com, AndreyPopov
En 13 ans de présence chez TourMaG, ma direction ne m'a jamais censurée, bien au contraire. Elle m'a toujours soutenue et conseillée.

Cette liberté de parole, d'expression et quelque part de créativité, tout le monde n'a pas la chance d'en bénéficier.

Combien de messages, d'appels et même parfois des lettres anonymes ai-je reçu de la part de salariés du tourisme ? Combien de témoignages accablants recueillis en "off" pour protéger mes sources ?

Dernier exemple en date, celui des salariés de NAP Tourisme, un autocariste basé en Provence, et qui vient de changer de main.

Ce n'est qu'une fois la liquidatrice judiciaire nommée et le gérant écarté que certains se sont décidés à me contacter pour évoquer le management par la terreur dont ils ont été la cible.

Des heures de discussions pour raconter la peur, le stress, les insultes, la violence, les provocations, les intimidations, et le manque de soutien de la part de la direction, des instances représentatives du personnel ou encore des salariés entre eux...


Le salaire, un sujet tabou ?

A chaque faillite, l'histoire se répète.

L'enfer des derniers jours au sein de l'entreprise, les décisions - parfois à la limite de la légalité - exigées par le patron, qui demandent à ce que soient encaissés à la hâte les acomptes et le solde des voyages à venir, alors qu'il sait pertinemment que l'agence ne passera pas le mois...

Alors bien sûr, tous les conseillers voyages ne sont pas bâillonnés par leurs dirigeants et tous les chefs d'entreprise ne sont pas des filous ! Loin de moi l'idée de faire de quelques cas une généralité.

Mais tout de même, à l'époque du #MeToo et des valeurs prônées par la RSE, je m'étonne de voir à quel point les conseillers voyages craignent de prendre la parole.

Il y a dix jours, lors des Forces de vente organisées par Selectour à Istanbul, les 200 conseillers voyages présents ont été invités, durant une vingtaine de minutes, à poser toutes leurs questions à Laurent Abitbol, le président du directoire de Selectour, et son comité de direction.

Timidement, quelques mains se dressèrent. Une seule professionnelle, plus déterminée, a osé évoquer la question du salaire et des augmentations, alors que Laurent Abitbol rappelait les quelque 6 milliards d'euros de volume d'affaires engrangés par le GIE ASHA en 2023...

Les grandes gueules, on les blackliste...

La rémunération, comme la peur du patron, on n'en parle pas publiquement, juste entre soi. "Tout le monde se connaît dans le milieu, les grandes gueules se retrouvent vite blacklistées", m'a-t-on expliqué durant ces Forces de vente.

"Si tu veux garder ton job ou réussir à en trouver un autre derrière, mieux vaut faire profil bas".

Notre chère Léa le rappelle souvent, agent de voyages n'est pas un métier facile. Mais les conseillers voyages doivent-ils pour autant renoncer à leur bien-être et/ou à leurs droits ?

D'ailleurs, sont-ils tous au fait de leurs droits ? Du contenu de leur convention collective ? De la définition des différentes catégories professionnelles et des attributions de chacune ? De la différence entre hausse de salaire et prime d'ancienneté, dernier avantage figurant dans la Convention collective ?

Quand je vois à quel point les dirigeants du tourisme sont fédérés autour de syndicats comme les EDV ou le SETO, je me demande pourquoi les agents de voyages n'en font pas de même ?

Alors bien sûr, ils se regroupent et échangent. On peut au passage saluer les initiatives, tels le Helpdesk Officiel des Pros du Tourisme ou encore le Collectif de Défense des Métiers du Voyage (CDMV).

Mais jamais on ne les a vus faire action commune. Descendre dans la rue, par exemple ?.

Et pourtant, ils auraient de quoi revendiquer : salaires minima en-dessous du niveau du SMIC, rétrécissement des écarts salariaux entre les différentes catégories de la convention collective, perte des avantages sociaux à chaque fois qu'ils sont rachetés, inflation, responsabilité de plein droit...

Un mental d'acier sinon rien

S'ils ont signé pour vendre du rêve, ces vendeurs, à la fois experts, psychologues et "soldats" en première ligne face à des clients de plus en plus exigeants et aux demandes "hors sol", ont intérêt à avoir le cœur bien accroché et un mental d'acier.

Parfois bien seuls au fond de leur point de vente, ils n'ont pas tous l'occasion de se confier sur la dureté de leur quotidien, sur les crises d'angoisse ou de larmes que peut déclencher une erreur sur un dossier, sur le mental encore éprouvé depuis le Covid, sur la façon dont ils ont été licenciés en 10 minutes par téléphone après des années de bons et loyaux services au sein de la même boite pour cause de pandémie mondiale.

Je parle de l'envers du décor, celui qu'on ne décrit pas dans les journaux. Celui où le client vient en agence prendre les informations avant réserver seul sur Internet, laissant à penser que le métier d'agent de voyages est has been.

Celui dans lequel la direction assomme de mails et de procédures chronophages ses collaborateurs, pour qu'ils accroissent encore leurs objectifs, les empêchant de faire ce qu'ils aiment réellement dans leur métier : vendre des voyages de rêve à leurs clients.

Celui dans lequel certains conseillers ont de quoi se sentir seuls...

Alors aujourd'hui, je jette (sûrement) un pavé dans la mare, mais seulement pour leur rappeler - notamment à ceux qui travaillent dans le loisir - que si la satisfaction du client est essentielle, leur bien-être professionnel est vital car l'un ne va pas sans l'autre !


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