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Coronavirus Réunion : "Les dégâts sur le secteur du tourisme sont colossaux...", estime Susan Soba (IRT)

Interview de Susan Soba, directrice générale de l'Île de La Réunion Tourisme


Susan Soba, 36 ans, est originaire de Saint-André de La Réunion. Diplômée de l’École supérieure de commerce de Lille en 2008, elle a évolué dans différentes postes au sein du secteur des métiers et de l’artisanat mais également du secteur de l’aérien. Avant de rejoindre l’IRT en août 2019, elle était directrice de la formation professionnelle pour le réseau des Chambres de Métiers et de l’Artisanat de Nouvelle-Aquitaine. Pour "Partez en Outre-Mer", elle fait le bilan et les perspectives de la crise sanitaire.


Rédigé par Vianney FURON à La Réunion le Dimanche 30 Mai 2021

Le coronavirus met à mal l'industrie touristique de l'Ile : 158 millions d’euros de recettes touristiques en 2020 contre environ 410 millions d’euros en 2019. /crédit VF
Le coronavirus met à mal l'industrie touristique de l'Ile : 158 millions d’euros de recettes touristiques en 2020 contre environ 410 millions d’euros en 2019. /crédit VF
TourMaG.com - Un an après le premier confinement, quel est l’état des lieux à La Réunion concernant le Covid-19 ? 

Susan Soba
: "Malheureusement la situation sanitaire reste le maître du temps pour le moment. À La Réunion, le virus circule dans des proportions plus faibles qu’en métropole mais nous restons très vigilants.

La Préfecture de La Réunion a restreint l’accès au territoire au seul motif impérieux. De même, une série de mesures préventives comme l’instauration d’un couvre-feu à 18h, la fermeture des bars et des restaurants ainsi que des grands centres commerciaux, permettent de contenir la circulation du COVID-19 sur notre île.

Nous espérons que les efforts consentis par la population porteront leurs fruits et que cela facilitera dès que possible la reprise des activités touristiques."

TourMaG.com - Pouvez-vous dire que La Réunion traverse la pire crise économique de son histoire récente ? 

Susan Soba
: "Dans son étude 2020, l’IEDOM fait état d’une résilience globale pour l’économie réunionnaise. En revanche, la filière touristique traverse effectivement l’un des moments les plus durs de son histoire récente.

En 2020, la destination est retombée à des niveaux de fréquentation que nous n’avions plus connus depuis 1990. L’impact sur les recettes touristiques et le chiffre d’affaires est de l’ordre de 60% en moyenne. Nous sommes inquiets pour les 13 500 emplois touristiques et 5 000 entreprises que compte la filière à la Réunion.

Les dégâts sur le secteur du tourisme sont colossaux."

Entre février et mars 2021, les réservations ont chuté de -60% à -70% 

TourMaG.com - Pouvez-vous nous donner des chiffres ? 

Susan Soba
: "Entre février et mars 2021, les réservations ont connu une chute très importante: de -60% à -70% !
En 2020, nous avons reçu 216 716 touristes extérieurs à La Réunion, soit une baisse de -59,4 % par rapport à 2019 !

La majorité de ces arrivées s’était concentrée sur les trois premiers mois de l’année. La baisse des fréquentations touristiques va de pair avec une perte importante de recettes pour notre destination : nous enregistrons, en 2020, 158 millions d’euros de recettes touristiques contre environ 410 millions d’euros en 2019. C’est un recul de 61,4%, ce qui est colossal pour la filière, un frein pour notre dynamisme économique."

TourMaG.com - Quels moyens sont mis en place pour limiter la casse ? 

Susan Soba
: "Les entreprises réunionnaises bénéficient des dispositifs de soutien économique mis en place à l’échelle nationale tels que le Fonds de solidarité Nationale (FSN) et le Prêt Garanti par l’État (PGE).

Localement, la Région Réunion permet aux entreprises de solliciter un Fonds de solidarité Régionale afin de limiter aux maximum les dégâts. Plusieurs dispositifs incitatifs à la consommation ont aussi été proposés à la population locale, afin de venir redonner un élan aux professionnels du tourisme réunionnais.

En parallèle nous les accompagnons en adaptant notre offre de services et maintenons virtuellement nos liens B2B sur notre marché prioritaire qu’est la métropole."

TourMaG.com - Comment se portent les professionnels du secteur ? Sont-ils abattus ou cherchent-ils des solutions ? 

Susan Soba
: "Les professionnels sont, évidemment, très fortement impactés par cette baisse d’activité conséquente et doivent faire face à des situations parfois très précaires. Beaucoup ont, d’ailleurs, fait le choix de stopper leur activité en attendant d’avoir davantage de visibilité sur une amélioration de la situation sanitaire et des conditions de voyage.

Les pouvoirs publics proposent un panel de solutions afin de permettre à ces entreprises de limiter aux maximum leurs pertes mais la reprise de l’activité effective reste une priorité absolue pour les professionnels locaux.

La clientèle métropolitaine représente plus de 85% des flux touristiques

TourMaG.com - Comment pouvez-vous appuyer leurs démarches ? 

Susan Soba
: "L’objectif prioritaire est de préserver au maximum l’offre touristique. Les annonces se succèdent et il faut apporter un maximum de lisibilité et de clarté. L’année 2020 nous a permis de travailler ensemble sur des protocoles sanitaires stricts sur toute la chaine et auprès de toutes les filières.

La prochaine étape est de préparer un retour progressif de l’activité et de la fréquentation touristique de l’île avec un calendrier préfectoral très attendu des professionnels. Le retour de l’activité reste entièrement soumis aux décisions prises par les autorités.

L’évolution de la situation sanitaire sur l’île mais aussi en métropole conditionnera une éventuelle reprise touristique."

TourMaG.com - Quelle est votre analyse sur l'évolution de la situation pour les mois à venir ? 

Susan Soba
: "La France métropolitaine est, historiquement, le bassin émetteur principal de clientèle pour la destination avec plus de 85% de nos flux touristiques. Nous travaillons au quotidien à garder le contact avec les voyageurs en espérant pouvoir les accueillir à La Réunion le plus tôt possible et dans des conditions sanitaires optimales.

Les prochaines semaines seront décisives car elles nous donneront une tendance concernant les conditions d’accueil et de voyages pour la saison juillet-août. Nous misons également beaucoup sur le dernier trimestre 2021, qui représente la haute saison touristique sur l’île, afin d’espérer un bilan en progression par rapport à l’année dernière.

TourMaG.com - Le milieu du tourisme sera-t-il à jamais différent après cette crise ?  Pensez-vous que de nouveaux moyens de penser la consommation touristique vont émerger ? 

Susan Soba
: "La crise a été un catalyseur de transformations et d’adaptation partout et à tous les niveaux, surtout dans l’industrie touristique. Cette parenthèse forcée dans un monde où tout s’accélère a réorienté les attentes des voyageurs. Le tourisme de demain et la façon de vivre le voyage seront inéluctablement plus durables, plus éthiques et responsables, mais surtout plus respectueux de l’environnement.

Il est important pour les destinations, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, de répondre à ces attentes en proposant une nouvelle façon d’appréhender le territoire. Il ne s’agit pas là de tout réinventer mais de se concentrer sur l’essentiel et sur l’expérience de vie que peut proposer une destination.

TourMaG.com - Le tourisme local est-il une des clés d’un éventuel rebondissement ? 

Susan Soba
: "Le tourisme local a surtout été décisif tout au long de cette crise et a permis à de nombreux professionnels du secteur de se maintenir à flot, malgré l’absence de la clientèle extérieure.
Plusieurs mesures incitatives à la consommation ont été mises en place par nos services et ceux de la Région Réunion et du Département, afin d’inciter au maximum les Réunionnais à redécouvrir leur île et les prestataires touristiques locaux.

Il est aujourd’hui évident que le tourisme local est l’un des piliers de ce secteur d’activité, tout à fait complémentaire à la clientèle extérieure de la destination. Le tourisme « péï » ne suffit malheureusement pas à relancer tout le secteur, les guides de haute montagne, par exemple, les agences de voyage ou encore les loueurs de véhicules ont peu de capacité de repli sur le marché local.

TourMaG.com - Combien de temps faudrait-il avant de retrouver un climat serein pour le tourisme dans l’Océan Indien ?

Susan Soba
: "Il est difficile de se projeter au regard de la situation actuelle. Les pays de la zone ont mis en place des stratégies de gestion de la crise sanitaire qui leur sont propres. En tant que destination française au cœur de l’Océan Indien, nous espérons jouer un rôle de valeur refuge pour la clientèle française puis européenne au plus tôt.

Cela est essentiel pour l’attractivité de la zone et le rebond de notre économie. Nous avons confiance dans l’ensemble de la chaîne touristique qui a prouvé sa capacité à réunir un ensemble de conditions et à s’organiser pour sécuriser le parcours voyageur.

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Commentaires

1.Posté par Yves Brossard le 31/05/2021 13:30 | Alerter
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30 années perdues : heureusement que la mémoire des baleines de l’île de la Réunion est là, car l’avenir des 30 prochaines années est en jeu !

Susan Soba, directrice du Comité régional de tourisme, émanation du Conseil régional, dénommé « Île de La Réunion Tourisme » précise « qu’en 2020, la destination est retombée à des niveaux de fréquentation que nous n’avions plus connus depuis 1990 ». « Nous sommes inquiets pour les 13 500 emplois touristiques et 5 000 entreprises que compte la filière à la Réunion. »

Elle a raison Susan Soba de se fixer un cap : « L’objectif prioritaire est de préserver au maximum l’offre touristique ».

Même si, elle omet de préciser les moyens (ou l’absence de moyens) affectés à cet objectif, par l’Etat comme par le Conseil régional de l’île de la Réunion.

Car l’histoire a démontré le contraire : l’offre touristique a sombré !

En 2008, le constat issu de la crise sanitaire du Chikungunya était accablant : le nombre de chambres d’hôtels de l’île de la Réunion avait diminué de 24,5 % !

Que nous disait l’IEDOM* (organe économique majeur dans les Outre-mer, voir l’* en bas du commentaire) en 2008 :

« Fin 2008, la Réunion comptait 56 établissements hôteliers avec une capacité d’accueil totale assez stable par rapport à 2007 : 2 251 chambres classées en 2008 contre 2 259 en 2007 (-0,4 %). Cette stabilité survient après une année 2007 qui a vu le nombre de chambres se réduire significativement de 24,5 % après la fermeture et la transformation de plusieurs hôtels pendant la crise sanitaire liée au chikungunya qui a affecté le secteur touristique en 2006. »
Source : https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2008_reunion.pdf
Page 141 du rapport de l’IEDOM

Perdre 350 000 nuitées en une année (exemple de la Réunion) et n’en regagner que 47 000 en 3 ans : voila la réalité à laquelle nous devons nous préparer dans les Outre-mer :
Evolution du nombre de nuitées à la Réunion ;
2005 : 1 112 116 nuitées ;
2006 : 760 765 nuitées ;
2007 : 798 948 nuitées ;
2008 : 807 718 nuitées.
Source : https://www.iedom.fr/IMG/pdf/ra2008_reunion.pdf
Page 143 du rapport de l’IEDOM

Un rapport du Sénat daté de 2015, constate 10 ans plus tard (par rapport à la crise sanitaire de 2005), que la situation n’a pas évolué, en raison, selon le rapport du sénat, « d’une nouvelle concurrence ou le vieillissement des installations » ; « le nombre de touristes de séjour stagne depuis les années 2000. Cette situation s’explique par des facteurs structurels tels que l’émergence d’une nouvelle concurrence ou le vieillissement des installations, mais aussi par des facteurs conjoncturels tels que la crise du chikungunya à La Réunion, les cyclones, les conflits sociaux aux Antilles ou la dégradation de la conjoncture en métropole. »
Rapport du Sénat en 2015
Source : https://www.senat.fr/rap/r15-001/r15-0011.pdf

Que faut-il en déduire ? Que de 2005 à 2020, en 15 ans, aucune politique n’a été mise en oeuvre, ou n’a été efficace, pour préserver les industries touristiques des Outre-mer.

En tirerons-nous des enseignements pour agir en 2021 et 2022 ?

Rien n’est moins sûr !

Quand Susan Soba évoque « l’expérience de vie » : « Il est important pour les destinations, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, de répondre à ces attentes en proposant une nouvelle façon d’appréhender le territoire. Il ne s’agit pas là de tout réinventer mais de se concentrer sur l’essentiel et sur l’expérience de vie que peut proposer une destination. », je partage, et même encourage son voeu, mais à condition qu’elle m’indique quels sont les investissements en équipements publics structurants que les pouvoirs publics mettent « sur la table » pour transformer ses « voeux pieux » en réalités physiques.

« Se concentrer sur l’essentiel » : c’est réaliser les investissements en équipements publics structurants.

Çar le « bon côté » des crises, c’est un peu comme dire au décédé que le « bon côté » des choses est qu’il n’aura plus à souffrir.

Et pour terminer mon trop long propos, je fais un clin d’oeil à TOURMAG, qui, bien que n’étant pas une baleine de l’île de la Réunion, ne manquait pas de rappeler, en 2006, il y a 15 ans déjà, « la situation demandait une remise à plat » :
Selon TOURMAG, en 2006 : « La crise aura son "bon côté" en permettant aux professionnels du tourisme de se remettre en question car la situation demandait une remise à plat et une véritable réflexion sur les produits proposés et les marchés émetteurs. »
Source : https://www.tourmag.com/La-Reunion-veut-croire-a-son-plan-de-relance-qui-ne-fait-pas-l-unanimite-_a14375.html

Nous n’avons pas besoin dans les Outre-mer d’une remise à plat, mais d’une remise « debout », et dans les starting-blocks.

Allons-nous courir seuls ? Allons-nous perdre 30 ans de plus ?

*IEDOM : institut d’émission des départements d’outre-mer exerce ses missions au sein de l’eurosystème, composé de la banque centrale européenne et des banques centrales nationales de la zone euro. L’IEDOM est chargé d’assurer la continuité territoriale en matière monétaire, par délégation de la Banque de France, dans les départements et collectivités d’outre-mer dont la monnaie est l’euro  : Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre et-Miquelon, et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

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