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I. Après le Concordia : les leçons à tirer d'une catastrophe qui a marqué les esprits

la chronique de François Weill


Les conséquences de la catastrophe du Costa Concordia ne touchent pas qu'à l'organisation et la sécurité des navires : dans bien d'autres domaines, cet évènement dramatique a eu et aura des implications déterminantes dans le développement de l'industrie de la croisière. François Weil revient en 2 volets sur les bouleversements en cours et ceux à venir...


Rédigé par François Weill le Mercredi 6 Février 2013

Dans le cas du Concordia, on a rarement vu un catastrophe dans laquelle le comportement erratique d'au moins un officier supérieur était aussi impressionnant - Photo DR
Dans le cas du Concordia, on a rarement vu un catastrophe dans laquelle le comportement erratique d'au moins un officier supérieur était aussi impressionnant - Photo DR
Commençons par rappeler quelques faits : sur la mer comme dans les airs, un accident n'est pratiquement jamais le résultat d'une seule cause.

Différents facteurs s'additionnent pour aboutir à une catastrophe ou un accident, parmi lesquels on distingue deux grandes catégories.

Le facteur humain, d'abord : l'erreur humaine ou l'attitude inadéquate du personnel, l'insuffisance des qualification, l'état physique ou mental inadapté à la mission.

Et puis les facteurs industriels ou d'organisation : dégradation du matériel, usure de l'équipement, formation déficiente, méthodes et consignes inadaptées etc…

C'est la combinaison de plusieurs de ces causes, et il y en a bien d'autres, qui provoquent une catastrophe dont le caractère imprévu, voire inenvisageable, est toujours invoqué.

Pour ce qui est du Concordia, comme d'ailleurs pour toute tragédie, je n'irai certainement pas me joindre aux donneurs de leçons de tous poils, aux "y-a-qu'à-tistes" et autres procureurs de pacotille dont la prétention à tout savoir avant même que l'enquête soit close est proprement insupportable.

Une dizaine de langues différentes

Cela étant dit, et ça fait du bien, on peut toujours émettre une opinion, sachant que ce n'est qu'une opinion et rien de plus.

Il faut bien reconnaître que dans le cas du Concordia, on a rarement vu un catastrophe dans laquelle le comportement erratique d'au moins un officier supérieur était aussi impressionnant.

Mais on peut aussi se demander sur quelles bases et selon quels critères on choisit de confier le commandement d'un tel navire.

C'est une question qui se pose pour toutes les compagnies qui devraient bien commencer par évaluer leurs DRH. Entre autres.

On a aussi entendu pas mal de choses assez injustes sur l'équipage et le personnel hôtelier.

Car il semble bien que dans son immense majorité, les membres de l'équipage, tous confondus, se soient comportés remarquablement et très efficacement.

Au point même que l'équipage du Concordia a globalement été élu "Marin de l'année" lors de la remise annuelle des prix de la Lloyd List Global Awards qui indiquait que si l'on avait beaucoup parlé de l'attitude du commandant, on en avait oublié le rôle important de l'équipage qui "par son courage et son professionnalisme" avait permis qu'il n'y ait pas plus de victimes à déplorer.

Malgré tout, des problèmes structurels demeurent : les membres de l'équipage parlent souvent une dizaine de langues différentes, et, dans la croisière industrielle, leur langue maternelle est rarement celle des passagers.

Quant aux chaloupes, il faut voir ce qu'est la taille de ces engins, rien à voir avec les chaloupes des navires plus anciens, là il s'agit de véritables bateaux, qui ne se libèrent pas d'un coup de hache dans un filin. Un problème qui méritera certainement d'être étudié dans l'avenir.

Des ronds dans l'eau

Plus le temps passe, et plus les navires de croisière géants sont avant tout tournés vers eux mêmes plutôt que vers l'extérieur et les destinations.

Ils sont avant tout des "floating resorts", des centres de vacances et de loisirs, et, même si les compagnies concernées prétendent le contraire, il me semble bien que la destination, les escales, ne sont que des "distractions" ou des "activités" parmi d'autres, et certainement pas le but essentiel de ce qui n'est parfois même plus un voyage mais un séjour sur mer.

Regardez les itinéraires des plus gros navires, ce ne sont souvent que des ronds dans l'eau avec quelques rares escales car ces géants ne peuvent bien sûr pas accoster partout – loin de là.

Mais pourquoi pas ? C'est bien ce type de loisir qui correspond à la demande la plus importante et qui permet une optimisation des coûts. Si l'on aime les vacances en club, la croisière de ce type offre absolument ce qu'il y a de mieux, tous opérateurs confondus.

Et comme les chaînes d'hôtel ont laissé une place non négligeable aux hôtels de charme et autres "boutique hotels", la croisière industrielle permet à ceux qui offrent de vrais voyages sur des navires plus "marins" ou plus "côtiers" de mettre en valeur leur différence, pour une clientèle plus exigeante en matière de culture, de nature, d'expérience et d'authenticité.

Sans parler de la croisière fluviale dont on commence enfin à s'apercevoir qu'elle offre une découverte inégalée de nombreux pays. Eh oui, la vie s'est développée le long des fleuves et des océans.

Effet "turbo" sur l'évolution en matière de sécurité

Là où ça ne va plus, c'est quand on veut jouer sur tous les tableaux et qu'on prétend offrir tout à la fois la proximité culturelle avec les destinations et le séjour sur des navires-centres de loisir géants.

C'est tout simplement impossible, le passager est dans le monde construit par la compagnie, les escales sont formatées et laissent juste le temps aux passagers de collecter quelques photos et autres clips video. Ce qui très souvent d'ailleurs leur semble amplement suffisant.

Lorsque, comme un gadget de plus, on se propose de raser les côtes, alors là, c'est vraiment n'importe quoi.

Car ces "mega et giga ships" ne sont pas du tout conçus pour ce genre de fantaisie, leur manœuvrabilité est différente de celle d'un navire de plus petites dimensions. Si l'on veut longer les côtes, il faut choisir un navire côtier, pas un mastodonte.

C'est l'un ou l'autre et, comme me l'a dit il y a longtemps un vrai capitaine de navire, on ne peut pas avoir à la fois la barrique pleine et la femme saoule !

Sur les très grands bateaux, l'itinéraire de navigation est établi informatiquement, et prendre le risque de s'en détourner en "reprenant la main" sur l'itinéraire prévu sans raison impérieuse est particulièrement hasardeux.

Dans le cas du Concordia comme dans d'autres (car ce genre de fantaisie n'est – ou n'était – pas rare sur bien d'autres navires et bien d'autres compagnies et dans toutes les régions du monde), reste à savoir si le commandant est toujours et absolument "seul maître à bord" et s'il est seul à prendre ce genre de décision. L'enquête et le procès le diront sans doute.

Beaucoup de choses sont en train de changer dans le monde de la croisière et le dramatique accident du Concordia a eu un effet "turbo" sur l'évolution en matière de sécurité, de réglementations et d'organisation actuellement en cours.

Mais ce n'est pas tout. Le marketing et la communication des compagnies sont en plein chambardement. Là aussi, vous êtes concernés.

François Weill - Photo DR
François Weill - Photo DR
François Weill a effectué la plus grande partie de sa carrière dans le tour operating et la croisière. Une carrière qu'il a débutée, après des études de philosophie, en 1974 chez American Express puis aux Croisières Paquet, avant de faire de sa propre entreprise, Scanditours, le 1er voyagiste français spécialiste des destinations nordiques.

A la fin des années 90, il vend Scanditours à Kuoni et, après une parenthèse de quelques années comme consultant, journaliste, et enseignant à l'université de Marne-la-Vallée, il crée la filiale française de Hurtigruten dont il assure la présidence et la direction jusqu'en 2010 avec le succès que l'on sait.

En 2008, le Roi Harald V lui a décerné le titre d'Officier de l'Ordre Royal du Mérite de Norvège, pour les services rendus au développement de cette destination sur le marché français.

Président de l'AFCC durant plusieurs années, François Weill a repris ses activités de consultant.

Contact : fw@francoisweill.fr

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Commentaires

1.Posté par Phil2mars le 07/02/2013 09:27 | Alerter
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Lu et approuvé.
Le bon temps du Dalmacija ...

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