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Transport aérien : du plomb dans l'aile !


À la suite du dépôt du rapport de la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur la sécurité du transport aérien, un colloque de synthèse (a) a réuni les plus hautes personnalités politiques, administratives et professionnelles (b) autour de trois tables rondes (c).


Rédigé par le Mercredi 3 Novembre 2004

  • Le point de vue de l’Administration de tutelle

    À la première question de savoir où en était le paysage du transport aérien en cet automne 2004, le Directeur Général de l’Aviation Civile (d) a confirmé qu’il s’agissait d’un secteur très dynamique, avec une croissance de 9% par an depuis des années - soit presque 2 fois plus que la croissance économique - permettant le transit de 1,6 milliards de passagers dans le monde. Les atouts de la France : Air France et KLM, première compagnie mondiale ; Airbus, premier fabricant ; Aéroports de Paris, numéro un des aéroports.

    Dans ce contexte où ce secteur reste très sensible à la sécurité et à l’environnement, quels sont les enjeux de la DGAC ? Réussir l’intégration technique européenne, entre-autres, en développant la puissance de l’AESA (e) ; faire respecter les réglementations des Etats ; faire avancer l’harmonisation internationale ; mieux jouer le rôle de régulateur.

    Il s’agit, nous l’avons bien compris, d’un vaste programme sur le long terme avec les difficultés inhérentes au nombre élevé de participants.
  • Le point de vue de la Commission Européenne

    Le Directeur des transports (f) a recommandé de ne pas oublier l’extraordinaire transformation du transport aérien dans les dernières années. Actuellement, le marché intérieur européen est le plus important au monde, après celui des Etats-Unis. Il reste à harmoniser les règles internationales. Il reconnaît que ce secteur doit se restructurer, tout en veillant à ce que les conditions de concurrences soient respectées.
  • Le point de vue d’Air France

    Mais qu’en est-il concrètement dans la réalité du quotidien ? Ce qui est certain, c’est que les congressistes conserveront en mémoire la pertinente analyse de son Président (g). Après avoir rappelé l’impact du TGV sur le trafic intérieur et estimé que les règles de concurrence n’étaient pas équitables pour l’heure, il a répondu à la question de savoir "quels modes de régulation pouvaient s’appliquer à nos métiers ?".

    Tout d’abord, il a dépeint la catastrophique situation dans laquelle se trouvent les compagnies aériennes, lesquelles, depuis que ce métier existe, ont toujours perdu de l’argent. Depuis quatre années, les pertes sont même considérables. C’est la première fois que le secteur perd de l’argent, alors que l’on se situe en haut de cycle économique. Un modèle disparaît, un nouveau prend place. Même les "Low-cost" sont affectées.

    Sa deuxième observation concerne ceux qui supportent les coûts. Ce qui est frappant, c’est que tout est payé par le consommateur et rien par le contribuable, ce qui n’est pas le cas pour d’autres modes de transport.

    Après avoir rappelé que les besoins d’investissement étaient colossaux et que la surcapacité de l’Offre conduisait à l’effondrement de la rentabilité, il a précisé que les alliances consistaient à se rassembler pour lutter contre cet émiettement, cette fragmentation excessive.

    Quant aux conséquences de la hausse du pétrole, le Président - qui a connu le baril à 9 dollars, alors qu’il est aujourd’hui 5 à 6 fois plus cher - a déclaré que c’était un choc monstrueux, le poste kérosène qui était à hauteur de 15%, allant passer à 20% !

    En conclusion, le Président a déclaré qu’il faut s’interdire d’écraser de charges le transport aérien et faire reprendre par l’Etat certaines charges de sécurité, par exemple. Le transport aérien est malade. La crise est non seulement conjoncturelle, mais également structurelle, car les règles actuelles maintiennent son mauvais état de santé.

    Ainsi, la branche du transport aérien est en état de sinistre absolu. En effet, même si Air France dégage une marge bénéficiaire, elle n’est que de 1 à 2%, ce qui est extrêmement faible eu égard à l’importance des investissements, et qui - de surcroît - est insuffisante pour assurer la pérennité de l’entreprise, qui exige une marge d’au moins 8%.

    Certes, après cet inquiétant bilan, d’autres personnalités ont lancé des messages plus optimistes : le taux de croissance continue de montrer ; le niveau de sécurité continue de s’améliorer. Cela étant, un tel avertissement émanant d’un homme dont l’efficacité à fait d’Air France ce qu’elle est de nos jours, ne peut - par la crédibilité qu’il convient de lui accorder - manquer d’interpeller tous les intervenants et tous les utilisateurs.
  • Le point de vue de l’aviation d’affaire en Europe

    Le Président de l’association européenne (h) a rappelé que cette aviation (21.000 appareils dans le monde) au service des entreprises, passait par l’exploitation des aéroports régionaux. Il constate et démontre que la réglementation nationale est très contraignante.
  • La sécurité du transport aérien

    Le Directeur du BEA (i) a rappelé que son rôle était d’être l’organe de compréhension de tous les dysfonctionnements afin d’améliorer la sécurité. En effet, c’est en exploitant les catastrophes passées de façon sereine et professionnelle qu’il est possible d’empêcher les catastrophes futures.

    Étant intervenu à la deuxième table ronde (j) avec d’autres personnalités (k), j’ai rappelé quels étaient les objectifs de l’enquête administrative et ceux de l’enquête judiciaire, en répondant brièvement à la question de savoir quelles étaient les causes des accidents.
  • L’environnement

    La troisième table ronde a été consacrée essentiellement aux problèmes d’environnement, en faisant le point sur les plates-formes aéroportuaires (l) ; les préventions des pollutions ; la prise en compte des demandes des riverains, dans une optique de développement durable.

    La gestion des couloirs aériens a également été abordée (m). Les contrôleurs aériens ont beaucoup à dire et j’y consacrerai une prochaine chronique.
  • Et maintenant ?

    Que retenir de cette studieuse journée ?

    Tout d’abord, constat du rapporteur selon lequel le rapport de la mission n’a pas eu l’écho attendu ! Il ne reste donc qu’à espérer que ce colloque - dont la clôture a été faite par le Secrétaire d’Etat aux transports et à la Mer - permettra de donner des ailes aux quarante propositions de la Mission.

    Ensuite et surtout, il convient de prendre en compte le message lancé par le Président d’Air France, selon lequel l’ensemble de l’industrie souffre non seulement de contraintes conjoncturelles, mais également structurelles, touchant toutes les compagnies.

    Dans ma précédente chronique, j’avais émis le souhait que les travaux de ladite Mission - indépendamment des décisions à court terme qui pourraient être prises - puissent déclencher une réaction en chaîne des différents intervenants, afin qu’ils innovent, de leur propre initiative, pour améliorer la sécurité du transport aérien. Or, il est évident que l’inquiétant diagnostic sur l’état de santé du transport aérien n’est pas propice à ce genre de manifestations spontanées.

    Ajoutons les annonces :

    - de l’Association internationale des compagnies aériennes, selon laquelle les 270 compagnies adhérentes allaient essuyer, cette année, une perte de 3 à 4 milliards de dollars ;

    - d’un nouveau plan drastique de licenciement des personnels d’Alitalia ;

    - d’Air Canada et United Air Line qui devraient sortir de la protection de la loi sur les faillites ;

    - de Delta Airlines (alliée à Air France dans Sky Team) menacée de faillite ;

    qui traduisent l’existence d’un contexte peu propice à l’émergence de dispositions plus favorables à la sécurité que celles imposées par les textes actuellement en vigueur.

    Bien au contraire - et malheureusement - il ne peut en résulter qu’une pression aux impasses dans tous les domaines, imposée par la recherche de performances économiques, au détriment des performances sociales et humaines.

    Une nouvelle fois, ce sont les hommes - pourtant chevilles ouvrières du système - qui en subiront, les premiers, les conséquences, soit par des surcharges de travail, soit par des licenciements ou des mises au chômage. Comment les personnels au sol, les personnels navigants, les contrôleurs aériens peuvent-ils, dans ce contexte de tension permanente croire et adhérer aux actions engagées ?
  • En guise de conclusion

    Finalement, retenons que le transport aérien est un système de relations extrêmement complexes, en permanente évolution, dans lequel des efforts d'organisation, d'harmonisation ont, certes, été constatés, mais dont la multiplicité des problèmes à aborder, l'importance du nombre de participants, les nombreuses contraintes de tous ordres, font que toute conjecture ne peut être qu'approximative.

    Cette fragilité du transport aérien découle de l’existence de multiples contraintes exogènes bien localisées. Sa vulnérabilité conduit à la plus grande prudence quant à la pérennité des participants, les exemples de disparition des plus grands ayant été constatés.

    Cela étant, le défi est à la taille de la France, à la taille de l'Europe de "l'égalité des chances". Il ne pourra être relevé que si une coopération sincère s'instaure entre tous les participants après une prise de conscience de l'urgence de certaines décisions.

    Cette condition est connue depuis longtemps. En effet, je lis dans le numéro 572 des "Les Ailes", du 2 juin 1932 (n) : "Parce que les divers aspects du problème aérien sont, pour longtemps encore, étroitement liés, parce que les efforts doivent être coordonnés pour être productifs".

    La sécurité est l’affaire de tous et doit également être une création continue, laquelle doit s’appuyer sur un état d’esprit "safety oriented". Seule une véritable "culture de la sécurité" peut contribuer à résister aux pressions des performances économiques, tout en veillant aux performances sociales et humaines, donc à la sécurité.

    Alors que le Président de la République française fait remarquer qu’avec la signature de la Convention, signée par les 25 pays membre de l’Union Européenne, c’est la première fois qu’un tel document confirme que le progrès économique ne pourra se faire qu’avec le progrès social ; alors qu’on apprend que l’industrie est sur une pente glissante pouvant la conduire irréversiblement vers de fatales issues, avec toutes les désastreuses conséquences bien connues, puissent, les décideurs, aux plus hauts niveaux, conserver en mémoire la conviction de Jean Rodin, selon laquelle "Il n’y a de richesse que d’hommes".
    --------------------------------------------------------------------------------

    ia.- Les actes du colloque peuvent être demandés au Secrétariat Général : AGORA Europe - 3, rue des Caves 92310 Sèvres Tél : 01 41 14 99 00 Fax ; 01 41 14 99 01
[www.agoraeurope.com

b.- Colloque organisé - le 21 octobre 2004 - par François-Michel GONNOT (Président de la Mission d’information de l’Assemblée Nationale sur l’avenir du transport aérien ; sous le haut patronage de Jean-Louis DEBRÉ (Président de l’Assemblée Nationale) et de Gilles de ROBIEN (Ministre des Transports) ; en présence de François GOULARD, (Secrétaire d’Etat aux Transports et à la Mer).

c.- N̊1- "Un marché mondial, des réglementations nationales : quelles autorités ?" ; N̊2- "La sécurité aérienne : comment mieux faire ?" ; N̊3- "À quand un développement durable du transport aérien ?".

d.- Michel WACHENHEIM.

e.- AESA - "Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne".

f.- Daniel CALLEJA (Directeur Transport Aérien de la Commission Européenne).

g.- Jean-Cyril SPINETTA.

h.- Olivier de l’ESTOILE (Président d’EBAA- France - "European Business Aviation Association"). Voir son article "Valorisation de l’aviation d’Affaires en Europe" dans le numéro 43 du Magazine "Pilote de Ligne". Abonnement : Roissy pôle Le Dôme - 5, rue de La Haye - BP 19955 - Tremblay en France - 95733 Roissy CDG Cedex

i.- Paul-Louis ARSLANIAN (Directeur du BEA - Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile).

j.- C’est l’intérêt porté à mes écrits, par la Présidente de la mission (Odile SAUGUES) et par son rapporteur (François Michel GONNOT) qui est à l’origine de l’invitation qui m’a été faite de participer à ce colloque. Ne représentant aucun organisme ou institution - étant un simple observateur privé et indépendant - cette invitation à laquelle j’ai été très sensible est, en fait, la reconnaissance de la tâche que je me suis fixée depuis des années, de mieux faire connaître ce monde de l’aviation à travers mes conférences, articles, ouvrages et chroniques.

k.- Maxime COFFIN (Chef du SFACT - Service de la formation aéronautique et du contrôle technique) ; Patrick GOUDOU (Directeur exécutif de l’AESA) ; Daniel MALFROY (Directeur du secteur aéronautique de Véritas) ; Serge MARTINEZ (SNPL - Syndicat National des Pilotes de Ligne) ; Jean-Michel RICHARD - (SNCTA - Syndicat national des contrôleurs du trafic).

l.- Pierre GRAFF (Président d’Aéroports de Paris) ; Bernard CHAFFANGE (Directeur des Aéroports de Lyon).

m.- Jean-Robert BAUCHET (Directeur du CFMU - "Central Flow Management Unit- Eurocontrol") ; Jean-Yves DELHAYE (Directeur de la Navigation Aérienne - DGAC) ; ...

n.- Editorial du Rédacteur en chef Georges HOUARD - "Journal hebdomadaire de la locomotion aérienne" (N̊ 572) qui m’a été envoyé par un fidèle lecteur, Jean-Pierre JUMEZ.]i

Jean BELOTTI - jean.belotti@wanadoo.fr

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