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Statut des aéroports : qu'est-ce qui va changer exactement ?

Interview de Jean Fleury, ancien Président d'Aéroports de Paris


Deux lois venant de modifier profondément le statut des aéroports (a), notre chroniqueur Jean Belotti a voulu présenter à nos lecteurs l'avis autorisé d’une personnalité de tout premier plan : Jean Fleury qui a été Président d'Aéroports de Paris (b) pendant 7 années et qui a bien voulu nous accorder une interview.


Rédigé par Propos recueillis par Jean Belotti le Vendredi 14 Octobre 2005

Statut des aéroports : qu'est-ce qui va changer exactement ?
J.B. - En France, il existe une grande variété d’aéroports civils selon que l’on considère l’importance de leur trafic. Quels sont leurs statuts ?

J.F.- "Au plan des statuts, au 1er janvier 2005, on pouvait les répartir comme suit :
- deux établissements publics spécialisés, Aéroports de Paris (ADP) et l’aéroport de Bâle-Mulhouse ;
- des aéroports implantés sur le domaine public et donnés en concession aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). C’est le cas de la plupart des aéroports et, à l’exception de la Polynésie, de toutes les plates-formes dont le trafic dépasse 200.000 passagers annuels ;
- des aéroports implantés sur le domaine public et donnés en concession à des syndicats mixtes ou des sociétés d’économie mixte regroupant essentiellement des collectivités locales ;
- quelques petits aérodromes privés."

J.B.- Que dit la Loi du 20 avril 2005 ?

J.F. : "La loi du 20 avril 2005 change le statut d’Aéroports de Paris (ADP) pour transformer l’établissement public en société anonyme, dotée de fonds propres. Ses activités restent de service public pour ce qui concerne l’accueil des passagers, des avions et du fret et font l’objet d’un cahier des charges défini par décret (c)."

J.B.- Quel sera l’impact de ce changement de statut sur l’accueil des passagers ?

J.F. : "À priori, aucun. Le respect du cahier des charges permettra de concilier les intérêts de toutes les parties en présence : passagers, transitaires, compagnies aériennes, employés, économies locales, riverains. Le choix des administrateurs sera également important pour faire respecter ces équilibres."

J.B.- Quid des terrains ?

J.F. : "Les terrains deviennent tous propriété de la société - la moitié d’Orly et la totalité de Roissy-CDG appartenaient déjà à ADP - qui, maître de son domaine, en assurera directement la gestion.
Ceci garantit à la France de ne pas voir les aéroports de sa capitale gérés par des intérêts étrangers, suite à un appel d’offre européen, bientôt obligatoire pour toute concession de service public. La région Ile de France, la ville de Paris et la CCI de Paris continueront à siéger à son conseil d’administration.
La société pourra gérer, exploiter et construire des aéroports à l’étranger."

J.B.- Et la navigation aérienne ?

J.F. :"Les services de la navigation aérienne (approche et atterrissage) ne seront plus rattachés à Aéroports de Paris, même si - bien sûr - ils auront à travailler ensemble, en particulier pour tout ce qui touche à l’environnement sonore des plates-formes."

J.B.- En résumé ?

J.F. : "Cette transformation de l’établissement public en société anonyme lui allégera les contraintes imposées par le Ministère des finances, préoccupé prioritairement par des considérations budgétaires annuelles extérieures au transport aérien, et lui permettra de mieux remplir les préoccupations à long terme de toute emprise commerciale de cette importance.

L’Etat conserve la totalité du capital, mais envisage d’ouvrir une partie minoritaire de celui-ci au public (ou à des investisseurs privés) au cours du premier semestre 2006.
L’aéroport de Bâle Mulhouse reste un établissement public binational franco-suisse et son statut ne change pas.

Je terminerai en disant que la même loi modifie le régime de concession des grands aéroports régionaux français (d). Ceux-ci restent propriété de l’Etat, mais au lieu d’être donnés en concession aux Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI), pour de courtes durées (5 ans en moyenne), ils pourront être concédés à des sociétés dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la CCI actuellement titulaire de la concession.

Les collectivités publiques intéressées (Régions, départements, agglomérations) pourront ainsi entrer dans le capital. La durée des concessions pourra atteindre 40 ans, ce qui est plus cohérent avec les durées d’amortissement des grands investissements qui est de 20 ans pour une aérogare et de 30 ans pour une piste."

J.B.- Et les collectivités locales ?


J.F. :"Cette loi permet ainsi l’arrivée des collectivités locales aux conseils d’administration des aéroports aux cotés des acteurs économiques afin de faciliter les compromis entre les problèmes environnementaux et les besoins de l’économie locale (emploi en particulier).

Malheureusement, la loi n’a pas prévu le transfert de la propriété des terrains à ces nouvelles sociétés gestionnaires d’un service public. La probabilité de voir ces concessions de service public soumises à un appel d’offre européen laisse ainsi pendant le risque de voir des opérateurs étrangers aux intérêts locaux gérer nos aérodromes régionaux."

J.B.- Quelque chose à rajouter ?


J.F. : "Oui, la loi du 20 avril 2005 crée une commission consultative aéroportuaire de 7 membres placée auprès de ministre en charge des transports. Cette commission, qui comprendra au moins trois experts du transport aérien et des problèmes de gestion afférents, pourra conseiller utilement le ministre, dans la mesure où ces experts auront préalablement acquis, par eux-mêmes, une expérience réelle des problèmes aéroportuaires."

J.B.- Passons à la Loi du 13 août 2005 ?

J.F. : " La loi du 13 août 2004 traite cette fois, non pas des concessions de gestion des aéroports, mais de leur propriété. Les aérodromes d’intérêt national ou international - en fait les grands aéroports régionaux objet de la loi du 20 avril 2005- sont exclus du champ d’application de cette loi."

J.B.- Qu’énonce cette loi ?

J.F. : "Cette loi stipule que la propriété, l’aménagement l’entretien et la gestion des aérodromes civils appartenant à l’Etat sont transférées au plus tard au 1er janvier 2007 aux collectivités territoriales ou à leur groupement dans le ressort géographique desquels sont situées ces infrastructures, avec priorité aux régions si elles sont intéressées.

Toutefois, si une collectivité ou un groupement gère déjà une plate-forme, cette collectivité ou ce groupement est prioritaire, qui est le cas des syndicats mixtes évoqués plus haut."

J.B.- Ce qui signifie donc que c’est la collectivité territoriale qui, devenue propriétaire des installations, concédera la gestion de la plate-forme à un opérateur de son choix et qui en assurera la tutelle ?

J.F. : "Oui. Ainsi, par exemple, en Bretagne, la Région envisage de se faire attribuer la propriété de Brest, Rennes, Lorient, Quimper et Dinard. La propriété de Lannion et de Saint Brieuc déjà gérés par des syndicats mixtes leur serait conférée. Morlaix pourrait aller au département du Finistère qui a déjà le port de Roscoff et Vannes à la ville.

Cette réforme impliquera les collectivités dans le fonctionnement de leurs aérodromes. Les concessions de gestion seront faites selon un cahier des charges qui, on l’espère, permettra des durées beaucoup plus longues que celles acceptées actuellement par l’Etat. Il est cependant regrettable, que comme pour les grands aéroports régionaux, la propriété du patrimoine ne puisse être donnée à un gestionnaire regroupant autorité politique et pouvoir économique."

J.B.- Que retenir de ces deux lois ?

J.F. : "Ces deux lois modifient profondément le visage des aéroports français en leur donnant plus d’autonomie et en les rapprochant des intérêts locaux. C’est un progrès mais insuffisant, car ne dégageant pas complètement l’horizon de risques d’arrivée d’opérateurs extérieurs aux préoccupations de la collectivité concernée. Les autres grands pays européens ont su préserver leurs intérêts nationaux en anticipant sur l’évolution des concepts (et des directives européennes qui en découleront) dans un sens favorable à leurs vues."

J.B.- Pour terminer, pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet des questions souvent posées par de nombreux lecteurs, en débutant par les contrôles de sûreté, leur évolution, leur efficacité ?

J.F. :"La sûreté restera la première des préoccupations des aéroports : l’attitude de « British Airports Authority » depuis sa privatisation en 1986 le démontre. La mise en service de matériels performants - passeports informatisés avec données biométriques, détecteurs d’explosifs - devrait grandement simplifier les contrôles tout en accroissant leur efficacité de manière significative."

J.B. : "J’ai lu qu’Air France recevrait ses premiers A380 avec six mois de retard. Malgré ce délai supplémentaire, les aéroports seront-ils prêts à recevoir plusieurs A380, en ce qui concerne non seulement le renforcement des pistes et le dégagement des côtés, étant donné la largeur des ailes, mais également le traitement des passagers étant donné, par exemple des passerelles sur deux étages ?"

J.F. :"Oui, pour la plupart des grands aéroports internationaux. En 1996, la direction de l’association mondiale des aéroports - dont j’étais un membre actif - a défini une taille maximale - 80 mètres sur 80 - que les avions de transport ne doivent pas dépasser, sous peine d’entraîner des modifications des infrastructures trop compliquées et trop coûteuses.

Cette norme a été respectée pour l’A 380. Elle ne l’était pas par le projet initial de Boeing d’un 747 allongé, ce qui a été une des causes de son abandon en 1997. Le projet remis en chantier cette année par le constructeur américain respecte cette norme."

J.B.- Un mot pour conclure ?


J.F. :"Depuis le début de l’année 2004, le trafic aérien a repris sa croissance au taux de 8% pour les passagers et de 5,5% pour le fret mais, en Europe, cette progression bute sur les capacités insuffisantes des grands aéroports.

Ces deux nouvelles lois, bien qu’encore insuffisantes pour couvrir le très long terme, vont permettre aux plates-formes françaises de poursuivre leur développement dans de meilleures conditions et leur permettront ainsi de mieux répondre aux besoins de croissance de l’économie nationale."

(a).- La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports.
(b).- Après une carrière complète dans l'Armée de l'air, le Général Jean Fleury a été Président d'Aéroports de Paris pendant 7 années. Il a été élu, par ses pairs, en 1998 et 1999, Président du Conseil International des Aéroports (association professionnelle qui regroupe 85% des aéroports du monde entier). Il totalise 5.400 heures de vol effectuées sur plus de 100 types d'avions différents, allant du Mirage 2000 au B 52, en passant par le F16 et l'A 320. Il a publié deux livres aux Editions Jean Picollec : "Faire face - Mémoires d'un chef d'Etat-major" en 1996 et "Le général qui pensait comme un civil" en 2005.
(c).- Décret du 20 juillet 2005
(d). - La plupart des plates-formes dont le trafic dépasse ou approche le million de passagers annuel.


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Tags : belotti
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Commentaires

1.Posté par TATARD François le 26/05/2007 18:17 | Alerter
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On ne peut pas opposer à l'naliénabilité constitutionnelle du domaine public une mesure administrative de déclassement. L'article L 52 du code des domaine ne supporte et ne mentionne aucune dérogation.
Manifestement, ni les commission des lois, ni le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d'Etat n'ont fait leur travail autrement qu'avec une grande désinvolture. Il faudra revoir la copie.

2.Posté par TATARD François le 13/09/2007 16:59 | Alerter
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sur le "déclassement" su domaine public inventé par le roi Louis Philippe :

Metrci de me communiquer une adrsse couriel pour vous copier les documents

3.Posté par François TATARD le 15/10/2007 17:50 | Alerter
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CONSEIL D’ETAT ET DOMANIALITE PUBLIQUE



D’après la lettre du Conseil d’Etat jointe au dossier des enquêtes publiques relatives au « déclassements » du domaine public, les Biens du DP sont inaliénables sauf quand ils sont aliénables. Ainsi sont faites deux ou trois lois aux dérives sémantiques douteuses qui disent d’abord une chose puis son contraire, sans que nos agrégés de droit public y trouvent à redire. Ils reconnaissent, cependant, que le Conseil Constitutionnel n’accepterait l’aliénation qu’à la condition que les besoins publics aient une sorte de droit de préemption.
Ainsi, ces biens ne seraient inaliénables que s’ils restent publics. Pour changer l’adjectif et les rendre aliénables, la décision appartient à un Maire avec ses « godillots » ou à un gestionnaire comme la SNCF ou RFF.
Ces gens-là auraient un pouvoir de « déclassement » octroyé par des lois douteuses remontant à 1831 et 1842. Dans ce cas-là, il faut supprimer l’article L 52 du code des domaines qui n’a plus aucune signification puisque l’on admet la possibilité de contournement.
Supprimez, par une entourloupette, l’adjectif public et tout devient possible comme l’annonce un slogan à la mode.
Lorsque Monsieur xxxxxx, agrégé de droit public Conseiller d’Etat Président de la Section de la domanialité publique, perturbé par un ténia tenace, a consulté un des ses amis savant médecin, spécialiste des voies digestives, ce fut une révélation. Enfin l’étincelle « aliénante » jaillissait.

« Mon cher ami, vous allez avaler d’un trait cette mixture qui aura raison de votre ver solitaire »

La mixture était blafarde, mobile et grasse, pas appétissante du tout. Il était inquiet notre Conseiller d’Etat :

« Mais que mîtes-vous dans cette affreuse mixture ? »
« Simplement un autre ténia »
« ????? »
« Oui ! Réfléchissez un peu. Si vous absorbez un autre ver solitaire, la solitude des vers disparaît, car, alors, ils ne sont plus solitaires »
« Vous voyez ! C’est simple comme un déclassement, et vous êtes guéri »

C’est sur ce raisonnement que furent rédigés les codes des voiries routières et ferroviaires, puis les lois de privatisation d’ADP, de France Télécom et de TF1.



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