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Guerre en Iran : quelles obligations légales des agences et TO ?

l'interview d'Emmanuelle Llop, cabinet Equinoxe Avocats


Face aux conséquences de l’opération « Marteau de minuit » menée par les États-Unis en Iran, l’avocate Emmanuelle Llop, cabinet Equinoxe Avocats décrypte pour TourMaG, les impacts juridiques pour les professionnels du tourisme, entre annulations de vols, circonstances exceptionnelles et obligations des agences.


Rédigé par le Dimanche 22 Juin 2025

Guerre en Iran : quelles obligations légales des agences et TO ? - Depositphotos.com Auteur JanPietruszka
Guerre en Iran : quelles obligations légales des agences et TO ? - Depositphotos.com Auteur JanPietruszka
TourMaG - La situation de guerre aux Proche et Moyen-Orient – qui vient de connaître un tournant avec l’opération « Marteau de minuit » des USA en Iran ce week-end - a nécessairement des conséquences sur le tourisme : de quelle manière ?

Emmanuelle Llop : Effectivement, les professionnels du tourisme sont directement impactés, de deux manières immédiates à mon sens : d’une part les compagnies aériennes qui desservent les pays belligérants et la région alentour annulent, ou déroutent (donc allongent la durée) leurs vols de, via et vers le Moyen-Orient, en raison de la fermeture des espaces aériens, ce qui touche également les vols vers l’Extrême-Orient et l’Asie.

D’autre part, les voyages à forfait sont concernés, soit parce qu’ils étaient prévus dans une zone fermée ou à risque (par exemple la Jordanie, Dubaï, Oman, Bahreïn), soit parce qu’il va falloir rapatrier les voyageurs, sans compter que certaines ventes ne seront pour l’instant plus possibles, en raisons notamment des recommandations du Quai d’Orsay (Conseils aux voyageurs).


A lire aussi : Frappes US en Iran : les compagnies aériennes annulent leurs vols vers Dubaï, Doha...

Guerre, terrorisme : circonstance extraordinaire ou force majeure

TourMaG - A ce propos, que valent les avis du Quai d’Orsay ?

Emmanuelle Llop : Depuis longtemps, ces avis se sont invités dans les éléments d’information à disposition des professionnels ; je pense notamment à l’affaire des otages de Jolo, puis à la période de la crise du Covid.

En même temps que le travail des TO par exemple, qui disposent de contacts qualifiés sur place, ces avis sont à considérer très sérieusement, même si le Ministère lui-même rappelle qu’il n’est pas engagé par ses propres avis…

En tout état de cause, les juges en tiennent compte désormais, avec d’autres éléments d’information.


TourMaG - En cas de vol sec, que doivent faire les agences et quels sont les droits des passagers ?

Emmanuelle Llop :
Une situation de guerre et de terrorisme d’ailleurs, même si elle intervient ou empire dans un contexte déjà tendu et dans une région du monde où elle est malheureusement habituelle, constitue une circonstance extraordinaire ou un cas de force majeure, selon que l’on considère le droit européen (Règlement 261/2004) ou la Convention de Montréal du 28 mai 1999.

Les compagnies qui annulent leurs vols devront les rembourser sous 7 jours aux passagers (Règlement 261/2004), sans que des indemnités leur soient accordés. Pour les vols retours annulés, les transporteurs doivent également proposer aux passagers un vol de remplacement dans les meilleurs délais, compte tenu des circonstances, ce qui on s’en doute, n’est pas évident.

Dans ce cas, le billet ne sera pas remboursé. En outre, les compagnies européennes doivent proposer la prise en charge des passagers, selon le temps d’attente avant le vol de remplacement, c’est-à-dire leur restauration, des rafraichissements, la possibilité d’effectuer gratuitement deux communications, l’hébergement à l’hôtel si nécessaire, et les transferts hôtel-aéroport.

Les agences de voyages qui ont vendu des vols secs et ne sont donc que mandataires, renverront les clients vers les compagnies, ou bien, si elles sont IATA, leur reverseront les remboursements une fois reçus via le BSP, le cas échéant.

Sur le plan international, la force majeure a également pour conséquence, lorsqu’un vol est annulé (ce qui correspond à un retard très important), de générer le remboursement des billets mais la prise en charge des passagers n’y est pas prévue.

Je note que pour l’instant, aucun rapatriement diplomatique n’est prévu pour les ressortissants français en Israël par exemple.

Guerre Iran : quid des forfaits ?

TourMaG - Qu’en est-il des forfaits à venir ?

Emmanuelle Llop :
Selon le pays concerné, et si par exemple les vols sont interdits et qu’un avis défavorable est publié sur le site du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, on se trouve dans une situation de circonstances exceptionnelles et inévitables (CEI) bien entendu, qui justifient l’annulation du contrat par le professionnel ou le voyageur lui-même, avec remboursement sans frais sous 14 jours mais aucun dédommagement évidemment. Je rappelle que les CEI sont des situations échappant au contrôle des parties, qu’il n’est pas possible de pallier par des mesures raisonnables, et qui vont empêcher ou impacter de façon importante le forfait à destination.

Je pense cependant que l’on risque de rapidement faire face à des demandes concernant des pays voisins, comme l’Egypte par exemple, ce qui va peut-être donner lieu à des divergences d’appréciation.

La définition des CEI selon la Cour de justice européenne a été élargie suite à la crise Covid et la situation personnelle du voyageur pourrait être prise en compte.

Idéalement, et je suis certaine que les TO y pensent déjà, il faudrait favoriser les reports des voyages concernés et rendus impossibles à cause des CEI, avec l’accord du voyageur bien entendu.


TourMaG - Si des clients sont sur place, dans un pays placé à risque ou interdit de vol, les agences et les TO doivent-ils veiller à leur rapatriement ?

Emmanuelle Llop :
En théorie, les agences et les TO ont une obligation d’aide et de prise en charge des voyageurs dont le retour est impossible, pendant 3 nuitées (et sans limite pour les personnes vulnérables), obligation qui se télescope d’ailleurs avec celle des transporteurs européens, qui eux n’ont pas de limite dans le temps.

De la même manière, si des CEI surviennent pendant le séjour et rendent le contrat difficilement exécutable, le contrat est annulable et le rapatriement des voyageurs doit être organisé, selon les disponibilités.

N’oublions pas la possible intervention des autorités diplomatiques, ainsi que des assurances, éventuellement. Enfin, ces situations ne donnent pas le droit aux voyageurs à des dommages-intérêts.

TourMaG - quel conseil donneriez-vous aux professionnels ?

Emmanuelle Llop :
je leur recommanderais – comme toujours en cas de crise – de travailler ensemble, de se tenir informé en permanence (certains professionnels montent des cellules de crise, notamment les TO) et surtout, d’informer leurs clients dans le respect des obligations qui résultent, pour le B2C, du Code du Tourisme, sans oublier la réalité du terrain.

Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Emmanuelle Llop - Equinoxe Avocats
Avocat au Barreau de Paris, fondatrice du cabinet spécialisé EQUINOXE AVOCATS et spécialisée depuis plus de 35 ans dans les questions relatives aux droit du tourisme et aérien, intervient en conseil comme en contentieux au profit de tous les professionnels du secteur : agences, tour-opérateurs, réseaux, compagnies aériennes institutionnels, start-ups etc.

www.equinoxe-avocats.fr

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Tags : iran, llop
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