
Ulysse Gosset (BFM) et Sylvie Bermann nous livrent leurs analyses sur la guerre entre Iran et Israël - Depositphotos @navsesto
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Depuis l’investiture de Donald Trump, le monde est entré dans une nouvelle ère, au bord de la schizophrénie. La mainmise de l’Occident et des États-Unis sur la géopolitique planétaire est fortement contestée.
Le 47ᵉ président des États-Unis tient à décrocher coûte que coûte son Prix Nobel en faisant la paix aux quatre coins du globe, mais il a simultanément déclenché une guerre commerciale contre de nombreux pays, voire des territoires... inhabités.
"Donald Trump est la négation même de la diplomatie : il privilégie la force.
Nous vivons dans un monde malade, où la diplomatie est en grande difficulté. Durant la guerre des Balkans, un historien américain avait titré son ouvrage "Give War a Chance" (Donner une chance à la guerre, ndlr) ; nous en sommes là, aussi bien en Ukraine qu’au Moyen-Orient.
La diplomatie aura évidemment voix au chapitre, même si pour l’instant, ce n’est pas le cas," nous partage, Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice de France en Chine, Royaume-Uni et en Russie.
Le multilatéralisme, historiquement promu par l’Organisation des Nations unies (ONU), s’effrite, nous entrons dans une ère multipolaire.
Ainsi, différents pôles de puissances politiques et économiques émergent et imposent leur propre vision du monde, souvent centrée sur des intérêts régionaux.
"L'ONU est en état de mort cérébrale."

"i[Il faut bien reconnaître que l'ONU est en état de mort cérébrale.]b Le Conseil de sécurité des Nations unies est au cœur du système, avec cinq membres permanents dont l’un (la Russie) a agressé un autre membre, et pendant ce temps les États-Unis s’opposent à toute discussion sur Israël.
Aujourd’hui, les membres permanents ne reflètent pas la réalité du monde actuel, mais celle de 1945. Pour être légitime, le Conseil de sécurité devrait intégrer les puissances du Sud. Si l’instance est élargie, la domination occidentale sera remise en cause.
Sans cet élargissement, je ne vois pas comment l’ONU pourrait continuer à exister, alors qu’il est plus que jamais indispensable de conserver un lieu de rencontre et de débat,]i" estime celle qui est depuis devenue consultante pour LCI.
Après quatre-vingts ans de paix entre les grandes puissances et d’équilibres fragiles ailleurs, ce chapitre unique dans l’histoire de l’humanité semble sur le point de se refermer.
La Russie a agressé l'Ukraine, elle fait aussi craindre le pire à l'Europe, alors que la Chine lorgne sur Taiwan, puis qu'Israël a attaqué bon nombre de ses voisins, certes pour imposer une paix future à ses citoyens, mais en recourant à la force.
Les tensions palpables sur tous les continents s'expliquent par le fait que plus aucun gendarme n’est en mesure de rétablir l’ordre mondial et la montée en puissance de voix dissonantes face à un Occident.
"À la chute de l’Union soviétique, tout le monde s’est félicité de la victoire du libéralisme et de la démocratie. Nous nous sommes complètement trompés dans notre analyse. Cela a été surtout la victoire des États‑Unis et de l’Occident. Tous deux en ont abusé.
Nous étions alors dans une période hégémonique que Hubert Védrine (ancien ministre des affaires étrangères ndlr) a appelée l’hyperpuissance, dans un monde unipolaire," poursuit-elle.
"La démocratie n’est plus un socle commun du monde"
S’en sont suivis des épisodes marquants des relations internationales.
Les pays de l’Occident, via l’OTAN, ont bombardé la Yougoslavie de Slobodan Milošević, puis lancé une guerre d’agression en Irak, suivie du scandale d'Abou Ghraib. Entre 2003 et 2004, des forces armées américaines ont été accusées de violations des droits de l’homme.
A lire : "Israël ira-t-il jusqu'au conflit armé avec l'Iran ?"
Les prisonniers y étaient soumis à des violences physiques et sexuelles de la part des militaires américains.
"Suite à cela, les pays du Sud global nous disent : 'quand il y a une guerre en Europe, vous appelez ça une guerre mondiale, mais quand c’est une guerre chez nous, cela ne vous intéresse pas.' Il y a une indignation et un ressentiment liés à ce double standard.
Cela couvait depuis un moment, mais nous n’avons pas voulu le voir. Lors de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, nous avons compté les pays qui soutenaient l’agresseur, mais il aurait fallu observer ceux qui se sont abstenus. S’abstenir est aussi un acte politique.
Nous ne représentons plus la majorité du monde, et la démocratie n’est plus un socle commun.
Le Sud global est une liste de pays hétérogènes, bien sûr, mais ils se retrouvent dans l'hostilité face à l’Occident" estime Sylvie Bermann.
Et cette situation pourrait déclencher des réactions imprévues dans les jours ou semaines à venir, au regard des développements en cours.
Les pays de l’Occident, via l’OTAN, ont bombardé la Yougoslavie de Slobodan Milošević, puis lancé une guerre d’agression en Irak, suivie du scandale d'Abou Ghraib. Entre 2003 et 2004, des forces armées américaines ont été accusées de violations des droits de l’homme.
A lire : "Israël ira-t-il jusqu'au conflit armé avec l'Iran ?"
Les prisonniers y étaient soumis à des violences physiques et sexuelles de la part des militaires américains.
"Suite à cela, les pays du Sud global nous disent : 'quand il y a une guerre en Europe, vous appelez ça une guerre mondiale, mais quand c’est une guerre chez nous, cela ne vous intéresse pas.' Il y a une indignation et un ressentiment liés à ce double standard.
Cela couvait depuis un moment, mais nous n’avons pas voulu le voir. Lors de l’agression de la Russie contre l’Ukraine, nous avons compté les pays qui soutenaient l’agresseur, mais il aurait fallu observer ceux qui se sont abstenus. S’abstenir est aussi un acte politique.
Nous ne représentons plus la majorité du monde, et la démocratie n’est plus un socle commun.
Le Sud global est une liste de pays hétérogènes, bien sûr, mais ils se retrouvent dans l'hostilité face à l’Occident" estime Sylvie Bermann.
Et cette situation pourrait déclencher des réactions imprévues dans les jours ou semaines à venir, au regard des développements en cours.
Iran : "L'intention du programme nucléaire était bien militaire"
Élu sur la promesse de ne déclencher aucune nouvelle guerre et de rapatrier tous les GI américains, Donald Trump a rompu cet engagement ce week-end. Face à un Occident vacillant, l'insoumission croissante des pays du Sud annonce peut-être l'avènement d'une ère marquée par des conflits multiples et des périls imprévisibles.
"Les Israéliens ont affirmé que l’Iran avait la capacité de fabriquer d’ici peu neuf bombes nucléaires.
L’AIEA et la directrice nationale du renseignement américain ont clairement indiqué que l’Iran n’était pas sur le point de produire la bombe. La menace n’était pas imminente ; Netanyahou a forcé la main de Trump.
C’est un peu comme lorsque Colin Powell exhibait ces fameuses fioles aux Nations unies, prétendant que l’Irak possédait des armes chimiques" compare Ulysse Gosset, l'éditorialiste de BFMTV.
Après une semaine d'attaque contre les installations nucléaires, l'Etat major de l'armée iranienne, l’État hébreu n’était pas en mesure d'arriver à ses fins.
Pour neutraliser directement les capacités nucléaires iraniennes, et face à l’échec de l’État hébreu à atteindre ses objectifs, il lui fallait l’intervention de son allié historique : les États‑Unis.
Dans la nuit de samedi à dimanche, des B‑2, avions furtifs américains, ont largué les bombes GBU‑57, capables de frapper une cible à 60 m sous terre.
Malgré la destruction totale du programme, un déluge de feu s’est abattu sur Téhéran, ce lundi 23 juin. La survie même du régime de la République islamique s’en trouve légitimement questionnée.
"Les États‑Unis n’ont aucun intérêt à provoquer sa chute. Ils se souviennent encore des interventions en Irak et des renversements de Kadhafi et de Saddam Hussein, qui se sont retournés contre eux et contre le monde occidental.
J’ai étudié l’histoire à une époque où seuls les grands mouvements comptaient, pas les individus. Pourtant, les événements que nous vivons montrent le contraire. La guerre en Ukraine est l’œuvre d’un homme : Poutine. Les guerres au Moyen‑Orient sont orchestrées par Netanyahou. Et les décisions imprévisibles de Trump émanent uniquement de lui," résume la diplomate, dans une démonstration qui entretient le flou sur l'avenir.
"Les Israéliens ont affirmé que l’Iran avait la capacité de fabriquer d’ici peu neuf bombes nucléaires.
L’AIEA et la directrice nationale du renseignement américain ont clairement indiqué que l’Iran n’était pas sur le point de produire la bombe. La menace n’était pas imminente ; Netanyahou a forcé la main de Trump.
C’est un peu comme lorsque Colin Powell exhibait ces fameuses fioles aux Nations unies, prétendant que l’Irak possédait des armes chimiques" compare Ulysse Gosset, l'éditorialiste de BFMTV.
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Pour neutraliser directement les capacités nucléaires iraniennes, et face à l’échec de l’État hébreu à atteindre ses objectifs, il lui fallait l’intervention de son allié historique : les États‑Unis.
Dans la nuit de samedi à dimanche, des B‑2, avions furtifs américains, ont largué les bombes GBU‑57, capables de frapper une cible à 60 m sous terre.
Malgré la destruction totale du programme, un déluge de feu s’est abattu sur Téhéran, ce lundi 23 juin. La survie même du régime de la République islamique s’en trouve légitimement questionnée.
"Les États‑Unis n’ont aucun intérêt à provoquer sa chute. Ils se souviennent encore des interventions en Irak et des renversements de Kadhafi et de Saddam Hussein, qui se sont retournés contre eux et contre le monde occidental.
J’ai étudié l’histoire à une époque où seuls les grands mouvements comptaient, pas les individus. Pourtant, les événements que nous vivons montrent le contraire. La guerre en Ukraine est l’œuvre d’un homme : Poutine. Les guerres au Moyen‑Orient sont orchestrées par Netanyahou. Et les décisions imprévisibles de Trump émanent uniquement de lui," résume la diplomate, dans une démonstration qui entretient le flou sur l'avenir.
Iran : le risque de la guerre civile et de l'embrasement ?
"Nous entrons dans l’inconnu. L'objectif des Israéliens est de mettre un terme au programme nucléaire iranien et probablement de faire tomber le régime. Au-delà, ils visent à remodeler tout le Moyen-Orient. Cette ambition rejoint celle de Trump et des évangélistes américains," prédit Ulysse Gosset.
Pour décrypter l'actualité et les positions US, il ne faut pas oublier le poids de la religion aux Etats-Unis. De son côté, Sylvie Bermann ne sait pas si Netanyahou ira jusqu’à faire tomber le régime.
Elle reconnaît malgré tout que le moment est décisif : une fenêtre opportune pour le renverser vient de s’ouvrir.
A lire : Israël : quel avenir pour le Proche et le Moyen-Orient ?
Le président américain, sur son propre réseau social, a lui-même appelé cela de ses vœux.
Une chute de la République islamique plongerait cette région dans l’incertitude. Après des décennies d’oppression, les opposants ne sont ni organisés ni prêts à prendre le pouvoir, et le fils du shah ne jouit pas de la légitimité pour prendre la suite.
"Les Israéliens espèrent que le peuple iranien va se soulever.
Il existe beaucoup de mouvements hostiles au régime : les femmes, la jeunesse… En même temps, les Gardiens de la Révolution islamique, plus de 100 000 hommes, ne laisseront pas leur place.
Une société démocratique et laïque pourrait prendre le relais. D’ailleurs, l’assassinat de Nasrallah a permis au Liban, sans gouvernement ni président depuis des années, de retrouver un semblant de stabilité.
La situation va-t-elle dégénérer ? Allons-nous assister à une guerre civile ?" se questionne Sylvie Bermann.
Pour l’heure, personne ne peut répondre avec certitude. Nous nous en remettons aux analyses des experts. De nombreux observateurs remettent en question l’usage de la force pour instaurer une paix réelle, mais le consensus général est que nous sommes à un tournant de l’histoire contemporaine.
"Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons eu l’immense chance de vivre dans une Europe presque en paix.
Ici, on se dit que si la situation dégénère, cela nous touchera d’une manière ou d’une autre. Netanyahou, pour des intérêts politiques, est prêt à aller jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix. Il n’y a pas de limite.
Demain, qu’est-ce qui empêcherait l’Iran de bombarder les Émirats, l’Arabie saoudite ou le détroit d’Ormuz ?
Dans ce monde instable, la question est simple : cette situation critique peut-elle déraper ? Personne ne le sait. Et ces incertitudes, cette instabilité, nous font craindre que les générations futures vivront dans un monde plus difficile que le nôtre," conclut l'éditorialiste de politique étrangère sur BFMTV.
Pour décrypter l'actualité et les positions US, il ne faut pas oublier le poids de la religion aux Etats-Unis. De son côté, Sylvie Bermann ne sait pas si Netanyahou ira jusqu’à faire tomber le régime.
Elle reconnaît malgré tout que le moment est décisif : une fenêtre opportune pour le renverser vient de s’ouvrir.
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"Les Israéliens espèrent que le peuple iranien va se soulever.
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Une société démocratique et laïque pourrait prendre le relais. D’ailleurs, l’assassinat de Nasrallah a permis au Liban, sans gouvernement ni président depuis des années, de retrouver un semblant de stabilité.
La situation va-t-elle dégénérer ? Allons-nous assister à une guerre civile ?" se questionne Sylvie Bermann.
Pour l’heure, personne ne peut répondre avec certitude. Nous nous en remettons aux analyses des experts. De nombreux observateurs remettent en question l’usage de la force pour instaurer une paix réelle, mais le consensus général est que nous sommes à un tournant de l’histoire contemporaine.
"Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous avons eu l’immense chance de vivre dans une Europe presque en paix.
Ici, on se dit que si la situation dégénère, cela nous touchera d’une manière ou d’une autre. Netanyahou, pour des intérêts politiques, est prêt à aller jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix. Il n’y a pas de limite.
Demain, qu’est-ce qui empêcherait l’Iran de bombarder les Émirats, l’Arabie saoudite ou le détroit d’Ormuz ?
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Guerre en Iran : l'industrie touristique dans l'expectative
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Ces annulations ont engendré un lundi difficile pour les tour-opérateurs et agences de voyages, qui doivent désormais trouver des solutions pour leurs clients en partance vers les Émirats ou transitant par les hubs régionaux.
"Certains TO sont bien évidemment touchés, mais cette région n’est jamais majeure en été.
Quoi qu’il en soit, traverser une période de conflit entraîne toujours de l’hésitation : les indécis ne précipiteront pas leur décision. Pourtant, il reste encore des réservations à réaliser pour juillet, août, septembre et octobre," nous a partagé Patrice Caradec, le nouveau président du SETO.
Ce climat anxiogène ne favorise en rien les professionnels du tourisme, déjà englués dans un mois de juin particulièrement calme.
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