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Liaisons transatlantiques : les tarifs ne baisseront pas avant 2009

l’open sky renforcera les grandes compagnies


Selon Jacques Barrot (Commissaire européen aux Transports), l’ouverture du ciel générera 12 milliards de bénéfices supplémentaires sur 5 ans, 80.000 emplois et 25 millions de passagers en plus. Jean Belotti ne partage pas l’optimisme du Commissaire européen. Pour lui, il ne faut pas attendre de baisse des tarifs avant 2009.


Rédigé par Jean Belotti - jean.belotti@wanadoo.fr le Mercredi 16 Mai 2007

L'Open sky ou “ciel ouvert”, est le texte approuvé le 27 mars 200, à l'hunanimité, par les 27 ministres européens des transports, visant à libéraliser les vols transatlantiques entre l’Europe et les Etats-Unis (a). Cet accord, obtenu après quatre années de négociations, s’inscrit dans un mouvement dont les premiers prodromes sont apparus il y a bien longtemps.

Les Prodromes (b)

Il est évident que l’organisation des transports est, par essence, internationale et on en trouve les premières traces dans le droit romain, puis, dès la Renaissance, dans le droit international.

Pour le transport aérien, c’est la Conférence de Chicago de 1944 (c) (Convention, OACI, création d’un cadre d’exploitation : les 5 libertés de l’air) qui fut la première grande tentative de multilatéralisme. Malheureusement, cette tentative échoua faute d’accord sur la “cinquième liberté” (d) qui aurait conduit à une liberté totale du transport aérien dans la plus grande partie du monde.

C’est ainsi que l’accord de Chicago - qui ne portait que sur les long-courriers et se proposait de définir un code contractuel multilatéral, sans discrimination - est venu buter, dès l’origine, contre un obstacle qui est allé se précisant et s’affirma comme étant le fait régional.

En effet, le transport aérien s’organisa régionalement dans le cadre de négociations bilatérales, chacun affirmant que l’exploitation de ses services locaux constituait un droit fondamental et primordial.

Un événement faisant date dans l’histoire du transport aérien confirma cette tendance, en février 1946 : les États-Unis et la Grande-Bretagne - conscients de l’hégémonie aéronautique qu’ils exerçaient alors - concluaient entre eux l’accord dit “des Bermudes”, qui devait exercer par la suite une influence considérable sur le transport aérien mondial.

En effet, les accords bilatéraux furent la traduction de politiques nationales attachées, par-dessus tout, à la défense des intérêts nationaux dans un monde encore rebelle aux valeurs coopératives pleinement efficaces.

Il en résulta une pénalisation importante des compagnies aériennes, lesquelles furent tributaires d’un portefeuille de droits aériens qui ne leur appartenaient pas et dont elles n’avaient que l’exercice, droits qui étaient négociés par les États où elles étaient enregistrées.

L’accord de “ciel ouvert” et ses conséquences

L'accord devrait avoir deux principaux effets, d’une part une diminution des tarifs et d’autre part une augmentation des possibilités de desserte entre les deux continents.

==> Les tarifs

En se référant à la libéralisation du transport aérien après 1992 qui avait entraîné une importante baisse des tarifs des billets en Europe, il est déclaré que la multiplication de l'offre de compagnies aériennes qui pourraient s’implanter sur différents aéroports où il existe un important marché (Londres, Paris, Francfort,...), devrait entraîner une baisse des tarifs.

Effectivement, il est fort probable qu’il en résultera, pour certaines compagnies, une augmentation du coefficient remplissage et éventuellement de la fréquence des vols, ce qui devrait conduire à une réduction des coûts.

Cela étant, il convient de prendre en compte plusieurs éléments restrictifs :
- avec le temps d’adaptation, qui ne pourra débuter qu’à partir de la fin mars 2008, la baisse prévue ne pourra intervenir qu’en 2009, après analyse des bilans de 2008 ;

- l’“effet de cliquet” montre que si, pour une raison quelconque, il est nécessaire d’augmenter les tarifs, la décision inverse de les réduire n’est pas forcement, ni automatique, ni immédiate, ni de la même ampleur ;

- des compagnies américaines, bien que continuant à exercer sous la protection de la loi sur la faillite (e), ou venant juste d’en sortir, seront plus tentées d’engranger des bénéfices pour se refaire une santé que de réduire leurs tarifs ;

- on ne peut écarter le fait que toute réduction de tarifs imposée par la concurrence est susceptible d’entraîner une baisse de la qualité des services.

==> Les dessertes

Cet accord devrait permettre d’augmenter le nombre de dessertes, notamment à partir des aéroports de province. La compagnie “low cost” Ryan Air a, elle-même, annoncé qu’elle entrerait dans le marché des vols transatlantiques dans les deux ans.

Dans un premier temps, il semble que seules les plus grandes compagnies seront intéressées par cette ouverture (f). Pour ce qui concerne plus directement la France, cet accord offrira de nouvelles opportunités au Groupe Air France/KLM.

Tout d’abord, le groupe aura accès au marché très lucratif des liaisons qualifiées de “Golden route”, entre Londres et les Etats-Unis. Ces deux compagnies pourront ainsi développer le réseau de l'alliance “SkyTeam” et de proposer à la clientèle de nouvelles lignes sur l'axe transatlantique.

"Cet accord étant de nature à renforcer la concurrence entre transporteurs américains et européens sur l'Atlantique Nord, les autorités européennes et américaines devraient être en mesure d'autoriser une plus grande intégration commerciale au sein des alliances aériennes. Cela devrait profiter aux grandes alliances comme SkyTeam, qui sera alors en mesure d'assurer à sa clientèle un service homogène dans le monde entier", ont expliqué les représentants des deux compagnies.

Selon Jacques Barrot (Commissaire européen aux Transports), l’ouverture du ciel générera 12 milliards de bénéfices supplémentaires sur 5 ans, 80.000 emplois et 25 millions de passagers en plus. On ne peut être plus optimiste !

Cela étant, un tel accord renforcera de facto les positions acquises des grandes compagnies, tout en contribuant à la consolidation du secteur européen des compagnies aériennes. On sait, par exemple, qu’Iberia cherche déjà un partenaire. L’issue de tels regroupements en sera la constitution de méga-groupes disposant alors de quasi-monopoles, au sujet desquels tout a déjà été dit. (g)

En route vers le multilatéralisme ?

Ce qualificatif de “ciel ouvert” signifie-t-il que l’option multilatéralisme soit devenue une réalité ? Pas tout à fait ! Cet accord permettra effectivement aux compagnies aériennes européennes et américaines d'effectuer des liaisons entre toutes les villes d'Europe et des Etats-Unis. Il met donc fin à la situation dans laquelle :

- jusqu'à présent, seulement huit accords bilatéraux "ciel ouvert" existaient entre des pays européens et les Etats-Unis, notamment avec la France, ce qui signifie que dans les 19 autres Etats de l'Union, les accords étaient très restrictifs en matière de transport entre l'Europe et les Etats-Unis ;

- le Royaume-Uni assurait, à lui seul, 37% des liaisons transatlantiques, à partir de son aéroport d'Heathrow (où seuls British Airways, Virgin Atlantic, United Airlines et American Airlines étaient autorisés à voler vers les Etats-Unis).

- Bien sûr, les anglais - perdant leur privilège - ont réagi et obtenu une concession, puisque l'accord de "ciel ouvert" ne s'appliquera qu'en 2008, au lieu du 28 octobre 2007, “afin de laisser à l'aéroport de Londres le temps d'une transition”.

Mais, deux autres importantes restrictions sont à enregistrer :

1.- La restriction faite aux compagnies européennes de s’introduire, à leur guise, dans le capital de compagnies américaines. La loi des Etats-Unis interdit, en effet, toute prise de participation étrangère supérieure à 25% des droits de vote dans une compagnie aérienne (h). Certes, il a été dit que les Etats-Unis auraient accepté de porter la participation à 50 %, mais avec des droits de vote toujours limités à 25%.

Alors, la première question qui vient à l’esprit est de savoir pourquoi les européens n’ont pas imposé la réciprocité, à savoir la même restriction aux compagnies américaines ?

2.- Une seconde restriction majeure faite aux compagnies européennes consiste à réserver la desserte intérieure des Etats-Unis uniquement aux compagnies américaines. Les compagnies européenne n’auront donc toujours pas le droit de faire du cabotage aux Etats-Unis, c’est-à-dire de desservir plusieurs destinations lors d’un même vol. Ainsi, une compagnie européenne effectuant un vol Paris-Chicago, ne pourra assurer la suite, à savoir Chicago-Seattle, par exemple.

À l'inverse, les compagnies américaines pourront desservir, lors d’un même vol, plusieurs destinations européennes en prenant de nouveaux passagers en route. Nombreux sont ceux qui estiment que cette restriction est inadmissible.

Malgré cela, la plupart des ministres européens des transports s’accordent à considérer qu’il s’agit d’un bon accord. Avis pouvant être partagé, car cet accord peut être qualifié d’historique, en ce sens qu’il ouvre incontestablement une ère nouvelle dans les relations aériennes transatlantiques.

En revanche, il reste incomplet et son titre “ciel ouvert” n’est pas représentatif de la réalité, puisque seuls le ciel européen et le ciel de l’océan Atlantique sont concernés. Finalement, force est de constater que la libération n’est pas totale et que l’accord n’est qu’une étape, certes importante, mais reste un “compromis” qui nécessitera la poursuite de nouvelles négociations, déjà programmées, à la mi 2008.

— *** ---
En conclusion, bien que l’accord soit considéré comme plus favorable aux Etats-Unis qu’à l’Europe, il convient de se féliciter d’avoir atteint ce palier après de longues tractations entre tous les intervenants, tout en espérant que de nouvelles négociations aboutiront, pour les compagnies européennes à l’autorisation du cabotage aux Etats-Unis, ainsi qu’à l’autorisation de s’introduire dans le capital des compagnies outre-Atlantique.

(*) Celui-ci profite aussi parfois au pouvoir en place.

(a) - L’accord a été signé, à Washington, le 30 avril 2007, par le président américain George Bush, la présidente du Conseil européen Angela Merkel, et le président de la Commission européenne Jose Manuel Barroso.
(b) - Détails dans “l’Economie du transport aérien” (thèse de doctorat d’Etat) dans laquelle j’écrivais, en 1975 que l’objectif “multilatéralisme” serait forcément atteint dans l’avenir. Les deux éditions de cet ouvrage (1975 et 1976) sont épuisées, mais il est disponible sous la référence “52326 aaf” chez Harteveld Rare Books Ltd Fribourg Suisse. Retour
(c) - Cette conférence fut organisée par les États-Unis. Les 52 pays représentés signèrent un acte final et les quatre annexes qui le complètent, le 7 décembre 1944, c'est-à-dire trois ans, jour pour jour, après l'entrée en guerre des États-Unis. Retour
(d) - “Droit d’embarquer passagers, fret, poste, à destination du territoire de tout autre État et droit de débarquer des éléments de trafic en provenance du territoire de tout autre État”. Retour
(e) - Les compagnies américaines en difficulté peuvent être placées sous la protection du régime des faillites (article 11) qui permet la suspension automatique des paiements des créances (principal et intérêt). Cela correspond à une baisse importante de leurs coûts. Ces compagnies bénéficient donc d'un avantage certain par rapport aux compagnies européennes concurrentes. Retour
(f) - Parmi les 7 premières compagnies aériennes du monde (classées par le magazine américain “Fortune”), les 2 premières sont européennes.
- Air France-KLM. Chiffres 2006 (année se terminant au 31 mars 2006), le groupe a transporté 70 millions de passagers, soit 6% de plus que l’année précédente. Il est coté à la Bourse de Paris, Amsterdam (Pays-Bas) et à New York. Chiffre d'affaires : 21 milliards €. Bénéfice d'exploitation (lié à l'activité de transport aérien) : 936 millions € ; Flotte : 561 avions en exploitation.
- Lufthansa. Compagnie allemande, au 2ème rang mondial en 2006, avec 55 millions de voyageurs. Chiffre d’affaires 2006 : 20 milliards €, soit 10% de plus qu’en 2005. Bénéfice d'exploitation : 845 millions €, soit 45% de plus que l’année précédente. Flotte : 432 avions.
- American Airlines. Première compagnie américaine (qui regroupe American Airlines et American Eagle). Fortement affecté par la crise après les attentats du 11 septembre 2001, le groupe a réalisé en 2006 son premier bénéfice depuis plusieurs années. Chiffre d’affaires: 17 milliards €. Bénéfice d'exploitation: 830 millions €. Flotte : 970 appareils (dont 672 pour American Airlines et 298 pour American Eagle).
- Japan Airlines est à la quatrième place, mais sur les liaisons transatlantiques, les compagnies suivantes sont encore américaines et européennes.
- United Airlines. Cette compagnie n'est sortie que l'an dernier de la procédure sur les faillites. Chiffre d’affaires 2006 : 19 milliards US$. Flotte : 462 avions en exploitation. Premier bénéfice d’exploitation en 5 ans : 447 millions US$.
- Delta Airline. Flotte : 607 avions. Bénéfice d'exploitation 2006 : 58 millions US$.
- British Airways. Chiffre d’affaires 2006 en amélioration : 695 millions £. Flotte : 460 avions. Retour
(g) - Il paraît inutile de développer, ici, les raisons pour lesquelles le monopoleur, pour maximiser son profit, produit moins qu’il ne pourrait le faire et vend son produit à un prix supérieur à ce qu’il devrait être. Retour
(h) - La loi américaine requiert actuellement le contrôle des compagnies aériennes nationales par des citoyens américains. Il est stipulé que les citoyens américains doivent posséder et contrôler au moins 75% d’intérêt de vote des actionnaires et que le président et deux tiers des directeurs ainsi que des membres du bureau de gestion soient de nationalité américaine. Cette loi a empêché les européens et les autres investisseurs de revendiquer une part d’investissement dans les compagnies aériennes américaines, alors même que l'industrie aurait un besoin urgent de tels financements. Retour

(*) Celui-ci profite aussi parfois au pouvoir en place.

Ancien Commandant de bord, notre chroniqueur Jean Belotti est également expert auprès des tribunaux et écrivain. Voici une fiche bibliographique de ses ouvrages.

1.- “Les accidents aériens, pour mieux comprendre”
. Frédéric COUFFY Éditions - 1999.
12, rue de Nazareth 13100 Aix en Provence. Tél : 04 42 26 18 08. Fax : 04 42 26 63 26

2.- “Les Titanics du ciel”. FRANCE-EUROPE-EDITIONS - 2001
9, rue Boyer BP 4049 06301 Nice Cedex 4

3.- Chroniques aéronautiques. VARIO - 2003
1034, rue H.Poincaré 83340 Le Luc en Provence

4.- "Le Transport International de Marchandises". VUIBERT - 3ième édition en 2004.
www.vuibert.fr

6.- “Une passion du ciel”. NOUVELLES EDITIONS LATINES - 2005
1, rue de Palatine 75006 Paris

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Tags : amadeus, belotti
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Commentaires

1.Posté par Laurent Lassagne le 20/07/2007 09:15 | Alerter
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Décidemment en matière commerciale l'Oncle Sam sera toujours le plus malin ;-) Il est quand même formidable de considérer que c'est un bon accord pour l'Europe alors que c'est elle qui fait encore les plus importantes concessions...


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