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Sécurité : les passagers se rebiffent !

Chronique de Jean Belotti


La peur de l'avion se serait-elle installée chez les passagers, avec les quelques graves évènements survenus sur une courte période. Certes le risque zéro n’existe pas, mais ce qui importe, ce n’est pas l’observation instantanée (d’une série d’accidents), mais c’est la tendance : est-ce que la situation s’améliore ou se dégrade ?


Rédigé par Jean Belotti - jean_belotti@yahoo.fr le Mercredi 7 Décembre 2005

La peur s’est-elle installée !

Je viens de terminer un périple de 14 étapes dans quatre pays différents. Après l’atterrissage d’un vol d’une ligne habituellement fréquentée par des passagers très habitués au voyage aérien, leur principale préoccupation est de se lever, prendre leurs bagages à main et sortir de la cabine le plus vite possible pour se rendre à leur lieu de destination.

Or, ce jour là, après l’atterrissage, tout le monde a applaudi, comme pour marquer sa satisfaction d’être arrivé à bon port. Il est vrai qu’il y avait eu quelques turbulences en approche finale.

Sur plusieurs autres destinations la plupart des passagers se sont signés avant le décollage, avant l’atterrissage et après l’atterrissage. C’est impressionnant de voir plusieurs personnes, très concentrées, la tête baissée, les yeux fermés, faire le signe de croix !
Ayant eu l’occasion de bavarder avec quelques-uns d’entre eux, ils déclarent tous ne pas avoir l’intention d’annuler ou de reporter leurs prochains vols, mais la pression médiatique à la suite des accidents fait qu “ils en parlent” et qu “ils y pensent”.

La faute à qui ?

Lors d’une panne survenu en vol de montée vers l’altitude de croisière , le commandant de bord - connu pour être compétent et sérieux - tous éléments pris en compte, décide de se reposer afin de faire procéder à la réparation ou au remplacement du système défectueux. Conséquence : il est licencié !

Cet autre pilote refuse de décoller, un instrument vital étant en panne. Conséquence : il est licencié. D’autres cas similaires sont connus.

Pressions sur les équipages pour décoller en “impasse”, anomalies dans la maintenance du matériel, ne sont malheureusement connues ou découvertes qu’après la survenance d’un grave incident ou d’un accident.

Ces comportements concernent essentiellement des compagnies aériennes qui ont reçu l’appellation de compagnies “champignons”, en ce sens qu’elles disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues. La dangerosité d’une telle façon de procéder est évidente, mais, de plus, elle porte préjudice au centaines d’autres compagnies qui respectent rigoureusement les règles encadrant la profession.

D’où vient le mal

L’origine se trouve dans la deregulation Carter de 1978 (a). En effet, elle avait pour postulat de permettre, grâce à la concurrence, l’arrivée de nouveaux entrants et de réduire les tarifs. Il n’en fut rien ! Des centaines de compagnies disparurent et l’hémorragie gagna aussi notre “vieille Europe”. Pas de nouveaux entrants, car impossibilité de franchir les barrières à l’entrée, placées par les méga-compagnies, en situation de quasi-monopole (b). Quant aux tarifs, à l’exception des vols en promotion, ils n’ont cessé d’augmenter.

De plus, la mauvaise traduction de “deregulation” par “déréglementation”, a pu faire croire que dans ce marché, désormais libre, il n’y aurait pas ou plus de règlements. Quelle erreur ! Les faits sont là ! Dans cette voie de “laisser-faire”, il faudra de plus en plus de règlements et également et surtout de plus en plus d’organismes chargés de les faire respecter.

En effet, trop de compagnies éphémères prennent place sur le marché, non pas pour transporter des passagers, assurer un service public, contribuer à une bonne irrigation du territoire européen, mais pour “faire du fric” à court-terme. Résultats : des conditions de travail que l’on peut, sans hésiter, qualifier d’accidentogènes ; des dépôts de bilan qui mettent au chômage des centaines d’employés.

Les vieux avions

Il m’a également été rapporté des craintes portant sur l’ancienneté des avions. Qu'en est-il exactement ?

Si l'on écarte les accidents dont les causes ont été clairement expliquées, l'analyse des accidents imputés à l’âge de l'avion montre qu'à l'exception d'un seul cas - d'ailleurs non déterminant - aucun d'entre-eux n'est intervenu sur des avions à jour de leur entretien.
Quel que soit son âge, si un avion est correctement entretenu, il satisfait aux impératifs de conformité et de sécurité. En fait, il est toujours neuf. (c)

Cette fixation sur le vieillissement des avions, conduit - sous prétexte de libre concurrence - l'utilisation d'arguments publicitaires fallacieux, tels que ceux parus dans un grand quotidien :

“Des avions de moins de 2 ans ? Si j'avais su, je n'aurais pas pris de tranquillisants”.
En effet, le message :

- sous-entend que toutes les autres compagnies qui exploitent des avions de plus de deux ans font prendre sciemment des risques à leurs passagers et que leurs équipages acceptent de voler sur des avions dangereux, ce qui, de toute évidence, est faux ;
- sous-entend que la compagnie qui a fait paraître cette publicité a donc envisagé de remplacer régulièrement sa flotte afin de ne jamais posséder d'avions de plus de deux ans, ce qui, de toute évidence, est impossible ;
- contribue à entretenir, auprès du grand public, la croyance selon laquelle les avions âgés sont dangereux, ce qui, de toute évidence n'a pas été démontré.

En conclusion, les programmes de surveillance spéciaux, les nouvelles normes d'entretien, les résultats des nombreux essais, les études en cours aboutissent à la conclusion que les avions âgés devraient pouvoir continuer à voler dans les mêmes conditions de sécurité que les autres avions, sans être l'objet de critiques, ni provoquer la crainte des passagers.

Les passagers se rebiffent

Il reste que la peur s’étant installée, des passagers ont refusé d’embarquer. Peut-on ignorer ces réactions ? Non, car elles traduisent une inquiétude évidente quant au sérieux de certaines compagnies. Néanmoins, si ce type de comportement s’explique, il n’est cependant pas fondé. En effet, les passagers n’ont pas les informations nécessaires et suffisantes permettant de savoir si un avion est, ou n’est pas, en état de voler.

Certes, une compagnie sérieuse fera en sorte que son avion soit extérieurement et intérieurement bien tenu... et bien entretenu. Cela étant, l’aspect extérieur de l’avion ou l’état de la cabine passagers sont insuffisants pour porter un avis valable quant à son état de navigabilité. À la limite, deux cas extrêmes : un avion visuellement “sale” peut-être en parfait état et, inversement, un avion visuellement “propre” peut être en mauvais état.
De plus, les passagers n’ont aucune connaissance des conditions dans lesquelles le vol va être entrepris. Y a- t-il une impasse ? Des systèmes sont-ils en panne ? Quelles sont les conditions de travail des équipages ? Etc...

Retenons que ce comportement est révélateur de l’existence d’une psychose, dont il convient, bien évidemment, de tenir compte.

Reprendre confiance

Certes, “les statistiques ne consolent pas”, mais comment ne pas reconnaître que le risque zéro n’existe pas ! Quelques graves événements survenus dans une courte période ne peuvent refléter un niveau de sécurité. Ce qui importe, ce n’est pas l’observation instantanée (d’une série d’accidents), mais c’est la tendance : est-ce que la situation s’améliore ou se dégrade ? La réponse est là, encourageante et rassurante.

Alors que le trafic aérien est en constante croissance, le niveau de sécurité s’améliore globalement. Cela résulte des efforts faits dans la prévention des accidents par toutes les parties prenantes : Administration de tutelle ; BEA ; constructeurs ; compagnies aériennes ; aéroports ; services de la navigation aérienne ; organismes représentatifs des personnels. Notre compagnie nationale avait - il y a déjà bien longtemps - pris l’initiative de créer un “Service d’analyse des vols”, idée qui, ultérieurement, a été reprise par plusieurs autres sociétés.

J’ajouterai que pour encore “mieux faire” - et dans l’intérêt de tous et de la sécurité du transport aérien - il serait souhaitable que l’avis des pilotes soit pris en compte plus systématiquement et soit institutionnalisé officiellement.

Il est également intéressant de constater que les événements récents ont contribué à déclencher ou à accélérer la mise en place de mesures permettant de mettre fin aux effets pervers connus, et cela au niveau des compagnies, des Etats, des organismes européens et internationaux.

Au niveau européen, la Commission des transports du parlement européen a décidé d’identifier les compagnies interdites de vol sur tout le territoire de l’Union Européenne. Ainsi, toute compagnie interdite dans un État membre le sera automatiquement dans tous les autres. Cela évitera toute confusion et l’insécurité juridique des usagers et des opérateurs qui existe de nos jours. Jacques Barrot (d) s’est félicité de cette “approche européenne” (e).

En France, après la mission parlementaire de janvier 2004 (f), un colloque à l’Assemblée Nationale est programmé sur le thème “Sécurité aérienne : comment mieux faire ?”. Les haut niveau des personnalités conviées (g) démontrent une volonté manifeste de recueillir l’avis des plus hauts décideurs quant à ce que sera le transport aérien de demain.

------

a.- L'"Airline Deregulation Acte" de 1978. Cette loi autorisa les compagnies aériennes à réduire leurs tarifs jusqu'à 50% et à exploiter un certain nombre de lignes nouvelles par an, sans accord de l’Administration de tutelle (le CAB).

b.- Ce renforcement de position monopolistique a été obtenu grâce aux plans d'action de ces méga-compagnies, portant sur :
- la concentration de leurs vols sur les lignes les plus rentables et à fort trafic, avec la création de réseaux globaux "Hubs and spokes" ;
- le lancement de programmes de fidélisation (FFP: "Frequent Flyer Program"),
- la création de systèmes informatisés de réservation (GDS: "Global Distribution System") ;
- la mise au point du "Yield Management", (système permettant de maximiser la recette) ;
- la privatisation des infrastructures aéroportuaires,

c.- Voir ma chronique de juin 2000 : “Les vieux avions”.

d.- Jacques Barrot - Commissaire européen aux Transports.

e.- C’est une première et importante étape de franchie. Cela étant, restent les vols hors Europe, au sujet desquels l’Europe n’a aucun pouvoir d’intervention et qui, malheureusement, sont ceux les plus incriminés !

f.- Voir ma chronique d’octobre 2004 : “La sécurité aérienne : préoccupation nationale”.

g.- Le Président de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale ; le Vice-Président de la Commission Européenne. Commissaire européen aux Transports ; plusieurs ministres et députés ; le Directeur Général de l’Aviation Civile et plusieurs autres Directeurs ; Le Directeur du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses ; le Directeur Général d’Eurocontrol ; le Directeur exécutif de l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne ; plusieurs Présidents de grandes compagnies et de constructeurs.

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Tags : belotti
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Commentaires

1.Posté par Gilles Gompertz le 12/12/2005 19:05 | Alerter
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Je suis d'accord avec vous : on ne peut pas "simplifier" ou "génraliser" pour sortir une liste bleue de compagnies fréquentables ou une liste noire des compagnies à éviter.
De plus, il faut désormais considérer qu'informer et rassurer les clients et les passagers font désormais partie des rôles des profesionnels du voyage. Nous avons développé dans ce but un site destiné aux professionnels : www.SecuriteEnQuestions.org

2.Posté par Daniel le 20/12/2005 12:02 | Alerter
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Ce matin, 20 décembre 05, je lisais sur "aviation safety network" l'explication d'un accident d'avion de "silk airlines": avion neuf! Il semblerait que ce soit le CDB qui ait voulu se suicider!!! J'ai eu foi ds l'avaition jusqu'en 90; je montais en rigolant, j'adorais! Depuis que je connais mieux le monde de l'aviation, j'ai la trouille!

3.Posté par Commandant Duchmol le 21/01/2006 11:55 | Alerter
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Bien vu, Belotti.
J'ai refusé de décoller le 16 juin 1990 de Calvi, une fonction informatique vitale étant en panne sur ce B737/300 glass cockpit.
Impossible d'obtenir une équipe de dépannage
Conséquence: j'ai moi aussi été licencié de cette compagnie française ayant toujours pignon sur rue.
Les pannes survenaient toujours en vol lors de la dernière étape.

4.Posté par j2c le 23/06/2006 23:48 | Alerter
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Ras le bol des commentaires nombrilistes des uns et des autres... Chacun cherche à se mettre en avant et pourtant dans le milieu "ils" ont des casseroles... ils sont juge et partie ou est l’indépendance? Le fait d'être un ex CDB ne donne pas automatiquement le droit de se prétendre expert en tout ! Pas plus que de diriger une société qui propose tout et se dit spécialiste en tout...La sécurité est une chose trop importante pour que l'on se contente de relever les erreurs ou les fautes, la sécurité nous concerne toutes et tous et ce n'est pas sur des sites Internet ou la bonne parole est soit disant énoncée que cela fera avancer le chimlblic. Qu'avez vous à proposer? Quels est votre véritable pouvoir pour faire avancer les choses.. (Autres que vos propres intérêts...?) Plutôt que de toujours critiquer... mettons nous autour d'une table et proposons du concret... Allez voir les familles des victimes aux fonds des yeux. Entendez leur douleur ...Prenez en compte la confiance qu’il avait mis en vous Messieurs les experts… et les conclusions douteuses de certains rapports … que pensent-ils vraiment de vous ou de nous ?
Alors il faut savoir s' arrêter de toujours donner des grandes leçons… quelle légitimité avez-vous exactement pour toujours vouloir apporter et donner votre avis… sur tout ?

Avec mes salutations supersoniques… ;-)))
J2C

5.Posté par AP le 29/08/2006 09:39 | Alerter
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PAR LA RADIO JE VIENS D APPRENDRE QUE 60 PERSONNES AVAIENT REFUSE D EMBARQUER DE TURQUIE VERS LA FRANCE CE WEEK END A QUANT UNE LISTE
EXACTE DES CIES POUBELLES SUR LE TERRITOIRE EUROPEEN ET MEDITERRANEEN..... NOUS L ATTENDONS ET LA MISE EN PLACE DUNE REGLEMENTATION DRASTIQUE???? TOUJOURS RIEN

6.Posté par Daniel le 30/08/2006 12:41 | Alerter
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Les passagers qui ont embarqué ds le CRJ de Comair étaient tranquilles: avion récent, grande compagnie (filiale de Delta, c'est l'équivalent de Brit'air et régional pr AF): ils sont tous morts de l'étourderie des deux pilotes et du contrôleur aérien! Dans les années 90 qui aurait pensé que les ailes suisses étaient dangereuses: Crossair (disparue ms devenue Swiss international): 3 graves accidents; quant à la disparue Swissair, on sait qu'un feu à bord a coûté la vie à 200 passgers; Il faut améliorer la sécurité aérienne en ayant présent à l'esprit que ceux dont on dit le plus grand bien ont eu des problèmes graves!

7.Posté par PETRAMAN le 16/02/2007 17:09 | Alerter
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L'avion reste tout de même le seul moyen de transport rapide pour gens pas pressés....

8.Posté par armitano le 02/07/2007 02:33 | Alerter
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je suis travailleur expatrier en Angola j'apprend que la TAAG compagnie Angolaise est sur liste noire en europe de plus quelque heure plus tard un crach de cette derniere compagnie L'Angola a donc interdit a tout avion europeen d'atterrir sur son sol nous voila cloué au sol pour des affaire politique qui ne nous regarde pas de plus aucune infos des compagnies qui nous transporte je trouve ça innadmissible de prendre des passagers en otages


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