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Crash Rio Paris : ''Il n'y a aucune certitude sur l'exploitation des boîtes noires...''

L'interview de Jean Belotti, spécialiste de la sécurité aérienne


L'épave de l’A330 qui s'est abîmé en mer en juin 2009 au large du Brésil laisse entrevoir l'espoir de retrouver les boîtes noires. Mais pour Jean Belotti, expert aérien, rien ne garantit le résultat. Par ailleurs, dans l'hypothèse où celles-ci seraient récupérées, il n’y a aucune certitude sur l’exploitation qui pourra en être faite.


Rédigé par La Rédaction le Mardi 26 Avril 2011

Crash Rio Paris : ''Il n'y a aucune certitude sur l'exploitation des boîtes noires...''
TourMaG.com - Puisque des morceaux de la cabine de l’AF 447 ont été retrouvés, les boîtes noires, probablement, le seront donc également. Alors, livreront-elles les informations qu’elles contiennent ?

Jean Belotti :
Dès que l’annonce qu’une grande partie de l’épave de l’A330 a été localisée, j’ai été contacté par plusieurs médias souhaitant connaître les chances de récupérer les boîtes noires. À ce jour, personne n’est en mesure d’apporter une réponse.

En effet, dans l’hypothèse où les boîtes noires seraient récupérées (car ayant été repérées à proximité de l’épave), il n’y a aucune certitude sur l’exploitation qui pourra en être faite, après presque ,

Par ailleurs, il convient de savoir que les informations recueillies dans les enregistreurs de vol permettent aux experts de constater une succession ou aggravation d’anomalies en fonction du déroulement du temps, ainsi que les dialogues entre les pilotes.

C’est précisément parce que l’évolution des constats est enregistrée pendant un certain temps, qu’elle permet de découvrir la cause principale de l’accident, ainsi que les facteurs contributifs éventuels.

Or, dans cet accident, tout s’est passé très vite, dans un laps de temps extrêmement court, ce qui fait qu’on ne peut pas écarter le cas où :


- l’enregistrement sonore ne permettrait pas d’entendre une éventuelle analyse de la situation par les deux pilotes, mais simplement quelques mots brefs, insuffisants pour conclure ;

- l’enregistrement des paramètres de vol ne montrerait qu’une brutale dégradation, sans que pour autant on puisse en connaître la cause : foudroiement, givrage des sondes, “check-list” appropriée non effectuée, décrochage grande vitesse...

Laissons œuvrer les experts dans le calme, en formant le vœu qu’ils réussissent à trouver les causes et facteurs contributifs à la survenance de ce drame, ce qui permettra d’apporter des réponses aux interrogations que se posent les familles de victimes, Air France et l’ensemble de la communauté aérienne.

TourMaG.com : N’est-il pas surprenant qu’Air France ait été mis en examen pour homicide involontaire, alors que l’enquête n’est pas encore terminée ?

Jean Belotti :
Il est connu que la Justice, pour “dire le droit”, a besoin d'une certitude dans le lien de causalité entre un événement et ses conséquences. Sans cette certitude, les faits relevés sont inopérants.

Or, il serait intéressant de savoir sur quoi s’est fondée la Justice pour conclure à l’existence d’une défaillance justifiant la qualification de faute pénale ?

Peut-être a-t-elle eu connaissance du récent rapport de l’ISRT (“Independent Safety Review Team”), groupe indépendant d’experts, dans lequel certaines anomalies flagrantes à Air France auraient peut-être pu être mises en exergue dans le domaine de la sécurité ? Affaire à suivre.

Ajoutons que la mise en examen permet à la compagnie d’avoir communication de toutes les pièces de la procédure.

TourMaG.com : Sans nous dire pourquoi, l’épave n’a pas été retrouvée lors de la première campagne de recherche, les autorités ne nous mènent-elles pas en bateau ? Ce qui sera découvert ne sera-t-il pas occulté ?

Jean Belotti :
Seules les autorités sont en mesure de répondre à la première question. Quant à l’hypothèse que des éléments de preuve pourraient être dissimulés, falsifiés ou non exploités, elle est totalement non fondée.

Je le dirai et le redirai jusqu’à ce que cesse ce type de procès d’intention qui met en cause tous les intervenants.

Lors d’un accident, indépendamment des diverses expertises internes diligentées (par la compagnie, le constructeur, le motoriste, l’aéroport concerné,...), il existe deux principales enquêtes :

- L’enquête dite “technique” du “Bureau d'Enquêtes et d'Analyses” (BEA). Elle a pour seul objet de déterminer les circonstances et les causes possibles de l'accident ou de l'incident et, s'il y a lieu, d'établir des recommandations de sécurité, afin d’éviter le renouvellement du même type d’accident sur le même type d’avion.

Cela est systématiquement précisé au début de chacun de ses rapports :
“Conformément à l’Annexe 13 à la Convention relative à l’Aviation civile internationale et au Règlement européen n/ 996/2010, l’enquête n’a pas été conduite de façon à établir des fautes ou à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives.

Son seul objectif est de tirer de cet événement des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents. En conséquence, l’utilisation de ce rapport à d’autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées”.

- Celle de la Justice, dont l’objet est de rechercher la cause certaine et les facteurs contributifs de l’accident, afin de localiser les éventuelles responsabilités et de dire le droit.

Alors que pendant des années, ces deux enquêtes étaient menées indépendamment l’une de l’autre, une circulaire du Garde des Sceaux aux Procureurs Généraux (du 18 février 2005), a défini les nouveaux modes de coordination et coopération entre l’enquête technique et l’enquête judiciaire.

Ainsi, dans la période de recherche des éléments de preuves et des analyses, l’expérience a montré tout l’intérêt d’une telle coopération.

Or, participent simultanément à ces travaux les enquêteurs du BEA, la Gendarmerie du Transport aérien (GTA), les experts judiciaires et d’autres organismes.

Des centaines de photos sont prises ; tous les éléments de preuve recueillis sont systématiquement mis sous scellés ; des dizaines de compte-rendus sont rédigés ; des dizaines de PV d’auditions de témoins sont établis par la GTA ; les rapports des laboratoires sont analysés par tous les intervenants à l’enquête ; etc... Il en résulte que toute tentative individuelle de falsification serait vouée à l’échec.

Quant à l'éventualité d'une complicité collective, des instructions, exécutables instantanément, devraient alors être données, simultanément, à plusieurs organismes (Administration de tutelle, Constructeurs, Gendarmerie, Laboratoires, Justice,...), afin que la cohérence soit conservée entre tous les éléments de preuve.

De telles dispositions obligeraient de très nombreuses personnes impliquées dans l'opération, au respect du “secret”. Or, dans le contexte de l'organisation de l'aéronautique civile française, une telle opération est inimaginable, même en supposant qu'elle puisse être motivée par un souci de “protéger” des intérêts économiques ou politiques.

En effet, il n'y a pas de réponse à la question de savoir quelle serait la “personne” qui aurait, simultanément, non seulement l'autorité nécessaire pour imposer sa volonté, mais, également, la capacité d'imposer le secret ?

Depuis plus de vingt ans que je diligente des travaux avec des enquêteurs du BEA, des ingénieurs et techniciens des constructeurs, motoristes et équipementiers, j'ai pu constater leur haut niveau de conscience professionnelle, leur honnêteté intellectuelle, la rapidité avec laquelle ils ont, tous, accepté de coopérer à la recherche de la manifestation de la vérité. Il en résulte que l'hypothèse d'une participation "volontaire" ou "commandée" de ces personnes à des opérations collectives inavouables est donc à écarter, sans aucune restriction.

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Commentaires

1.Posté par Mat le 28/04/2011 09:44 | Alerter
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Bonjour,
vous évoquez dans votre article une "circulaire du Garde des Sceaux aux Procureurs Généraux (du 18 février 2005)" qui organiserait la coopération entre BEA et enquête judiciaire. Ou serait-il possible de la trouver ?
Merci

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