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Italie, Grèce, Espagne... Libérées, les agences de voyages sont-elles pour autant délivrées ?

Le constat est plutôt partagé, la libération ne se fera pas avant le 15 juin 2020


Le week-end dernier a été marqué, non seulement par le retour à la plage des Français, mais aussi par la décision de certains pays européens de rouvrir leurs frontières. La Grèce, l'Espagne, le Portugal et l'Italie ont dévoilé leurs plans pour l'été 2020. Les Français peuvent se rendre dans ces pays, mais Elisabeth Borne, Ministre de la Transition écologique et solidaire, ne le souhaite pas. Dans cette cacophonie franco-européenne, les agences de voyages ne poussent pas nécessairement un grand ouf de soulagement et se montrent prudentes.


Rédigé par le Mardi 26 Mai 2020

Le constat est plutôt partagé entre les professionnel quant à une reprise du tourisme, la libération ne se fera pas avant le 15 juin 2020 - Crédit photo : Depositphotos @ denisismagilov
Le constat est plutôt partagé entre les professionnel quant à une reprise du tourisme, la libération ne se fera pas avant le 15 juin 2020 - Crédit photo : Depositphotos @ denisismagilov
C'était joué d'avance : l'Europe qui n'a pas réussi son entrée dans le confinement, pouvait difficilement réussir sa sortie...

L'un après l'autre, les pays les plus dépendants de l'industrie touristique et sous la pression des acteurs du secteur, ont annoncé la levée des restrictions envers les voyageurs étrangers.

Après le Portugal, l'Italie, la Grèce, ce fut à l'Espagne de dévoiler son plan pour l'été 2020 : à savoir rouvrir les vannes du tourisme international, pour éviter de plomber l'économie du pays.

Une cacophonie qui n'est pas appelée à cesser de sitôt.

"Il n'y aura pas de décision harmonisée au niveau européen, je ne la vois pas venir," soupire Jean-Pierre Mas, le président des EDV.

A partir du 1er juillet, les Européens pourront se rendre dans quelques pays de l'espace Schengen librement et même un peu plus loin.

"J'avais dit dès le début du mois d'avril à mes agences de penser à l'Europe, car je pressentais que les frontières allaient être ouvertes à l'été.

Même les frontières hors Schengen, comme la Tunisie ou les USA, une fois la sécurité rétablie, vont rouvrir progressivement
" explique Richard Vainopoulos, le président de TourCom.

La décision a été accueillie sans sans pour autant faire sauter de joie. Qu'en est-il pour les autres acteurs français ?

Une cacophonie franco-européenne qui ne rassure pas vraiment les professionnels...

Du côté du patron du Seto, l'heure n'est pas à fanfaronner sur des décisions prises sans aucune concertation, alors que l'industrie attend que son plan de relance soit validé par décret.

"Il y a un flou artistique qui perdure sur la question des frontières.

L'heure n'est pas au redémarrage du tourisme et encore moins à s'épancher dans la presse, mais à sauver notre industrie,
" confie René-Marc Chikli.

Une mise au point qui montre que le chemin à parcourir est encore long et semé d’embûches, avant de voir s'accumuler des dossiers sur les bureaux des TO.

Toutefois, après deux mois de fermeture, le secteur entrevoit les signaux d'un retour à la normale. Certes compassé, mais c'est déjà une bonne nouvelle.

"Je trouve cela très positif, l'économie reprend le pas sur le sanitaire qui, lui, disparaît petit à petit.

Si la situation continue de s'améliorer, nous pourrons partir bientôt tout autour du bassin méditerranéen, y compris en Tunisie, Maroc, Egypte et Turquie,
" prédit François Piot, le PDG du réseau Prêt-à-Partir.

Les agents de voyages pourront alors ressortir leurs traditionnelles brochures et reprendre un contact actif avec leurs clients.

Mais pour Laurent Abitbol, Président du Groupe Marietton et Président du directoire de Selectour, les frontières ne constituent pas l'enjeu majeur de la distribution.

"Je ne doute pas que les Français partiront à l'étranger, mais le plus dur sera de leur redonner confiance. Puis il faut attendre de savoir ce qui nous attend pour le 2 juin 2020."

Si la crainte de la deuxième vague semble s'éloigner et les conditions d'une reprise de l'activité se dessiner jour après jour, il va être temps de quitter ses chaussons pour reprendre les chaussures de ville.

"Nous sommes un secteur qui vit depuis deux mois et demi sous assistance respiratoire, ce n'est pas notre vocation, ni une fin en soi," lâche le président des EDV.

Un redémarrage le plus rapide possible permettra non seulement à la distribution de retrouver des couleurs, mais aussi à l'Etat de ne plus verser des milliards pour maintenir en vie l'industrie.

Toutefois l'embellie parait relativement précaire.

"Malheureusement, nous ne sommes pas à l'abri d'une surprise, puisque les membres du Gouvernement disent tout et son contraire depuis deux mois," redoute Jean Dionnet, directeur général d'Univairmer.

Quelle est sa crainte ? Une mesure coercitive, comme une quarantaine après un voyage à l'étranger, tuant dans l’œuf l'idée même de rentrer dans une agence de voyages.

Il faut dire que la peur du patron d'Univairmer a vite été alimentée par la récente sortie d'Elisabeth Borne.

Pour la Ministre, il n'est pas question que les Français envisagent des vacances à l'étranger, lors de l'été à venir.

Les propos d'Elisabeth Borne vont-ils dans le sens de l'histoire ?

"C'est un protectionnisme et patriotisme un peu ridicule.

Privilégier la France se fera naturellement cette année, si c'est l'objet de cette déclaration, c'est maladroit,
" appuie Jean-Pierre Mas.

Nous arriverions presque à croire que le gouvernement français freine des deux pieds au moment de mettre les clés dans les serrures des frontières, sous peine de voir les Français fuir notre beau pays.

"Le fait de déconseiller les déplacements à l'étranger, n'est pas gratuit. Il en va de la responsabilité du gouvernement.

Il me semble qu'Elisabeth Borne n'est ni ministre de la Santé, ni des Affaires étrangères et encore moins du Tourisme,"
recadre François Piot.

D'autant qu'avec la pression des différents Etats voisins, outsiders dans le titre de première destination touristique au monde, la France va devoir vite bouger.

"Elle est ministre d'une industrie qui vit des déplacements internationaux. En quelque sorte, elle tire des balles dans les pieds de son secteur.

Un tel discours de repli sur soi et de protectionnisme, ce n'est pas une bonne façon d'attirer les étrangers,
" analyse le patron des EDV.

D'autant que si le gouvernement a promis un plan de relance de 18 milliards, plus vite l'activité repartira et moins le poids de l'industrie sur le budget du pays se fera ressentir.

Entre enthousiasme et énervement, les professionnels avancent à tâtons, mais qu'en est-il des voyageurs hexagonaux ?

"Il y a un frémissement, les clients n'attendent que de pouvoir partir.

La France n'aura pas d'autre choix que de s'aligner sur les décisions de l'Espagne et de l'Italie, car il n'y a plus d'argent dans les caisses,"
pour Richard Vainopoulos.

Les clients sont-ils aussi attentistes que les agences de voyages ?

Et la réponse du gouvernement sur une ouverture des frontières est attendue pour le 15 juin. En attendant, il faudra patienter.

"Je suis persuadé que si demain le gouvernement dit que nous pouvons voyager à l'étranger, il y aura une déferlante dans les agences.

Je ne dis pas que chaque visite débouchera sur une réservation, mais il y aura un grand besoin d'informations de la part de la clientèle,
" abonde le patron de Prêt à Partir.

S'il est encore trop tôt pour envisager un retour massif de la demande, l'enjeu sera aussi de faire tourner économiquement à nouveau une machine grippée.

"Je ne sais pas dans quelle proportion la reprise se fera, mais elle se fera, c'est désormais une certitude.

Même si nous faisons 20 ou 30% du chiffre d'affaires, cela permettra de faire reconstituer notre trésorerie,
" espère Jean Dionnet.

Pour Univairmer, qu'importent les déclarations, les troupes vont devoir sortir du confinement professionnel, puisque le réseau tournera à partir du 2 juin à 70% de ses capacités.

A Lyon, chez Marietton, 24 agences vont rouvrir en test à partir du 2 juin et selon les retours, 150 autres ouvriront le 17 juin 2020.

"A notre conciergerie sur la semaine dernière nous avons engrangé 92 dossiers, plutôt des petits. Ce n'est pas 0, nous sentons que les affaires reprennent," confie le président d'Univairmer.

Pendant ce temps, du côté des concurrentes en ligne, les réservations se font de plus en plus nombreuses, mais il n'y a pas de quoi sauter au plafond non plus.

Chez Misterfly, les demandes ont augmenté de +14% en l'espace d'une semaine, mais cela reste en retrait de 93% par rapport à la même période en 2019.

Toutefois, il est intéressant de noter, que les pays nouvellement libérés, à savoir la Grèce, le Portugal ou l'Espagne pointent le bout de leur nez dans le top des ventes.

"Depuis début mai, les voyageurs sont passés de la projection à l'acte d'achat,notamment dans les marchés proches de la France, mais nous restons dans des volumes très faibles," explique une observatrice du secteur ayant préféré garder l'anonymat.

Face à l'indécision de l'exécutif et au brouillard européen, les ressortissants de l'Hexagone reporteraient les voyages dans les pays frontaliers à la fin de l'année 2020 ou au début de la suivante, pour favoriser des vacances locales.

A un mois de l'ouverture des hostilités estivales, les touristes n'attendraient pas tant que la question des frontières soit réglée, mais plutôt celle de la propagation de l'épidémie.

Sauf que d'ici là, il nous reste une trentaine de jours et donc autant de chances laissées au gouvernement d'empiler les contradictions et bloquer les Français en... France.

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Marc le 27/05/2020 08:56 | Alerter
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Il est dommage pour la profession que le reportage du journal du 26/05 de 20h sur TF1 ait montré une agence Selectour fermée et mis en avant les ventes en direct sur internet.

2.Posté par ZAN - OREA VOYAGES le 27/05/2020 15:35 | Alerter
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Dans une récente de votre newsletter, vous citiez Jean-Baptiste Lemoyne : "nous serons heureux d'accueillir une clientèle étrangère proche". Si par quelque mesure que ce soit (limite de déplacement, quarantaine au retour etc…), le gouvernement empêche les déplacements vers les pays proches pour leurs vacances, alors la réciproque devrait être appliquée, et ce n’est souhaitable pour personne. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux, c’est vraiment fort de café ! Ce bluff du gouvernement afin de soutenir le tourisme local est insupportable, où se trouve la solidarité européenne depuis le début de cette crise ? Et les compagnies aériennes, pourront-elles faire du tarmac encore longtemps ? Si le danger reste important, alors que tout le tourisme en Europe soit suspendu, que les hôtels soient fermés, que les T.O. tirent le rideau pendant 8 mois et que les Etats prennent leurs responsabilités.

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