TourMaG.com, le média spécialiste du tourisme francophone
TourMaG.com, 1e TourMaG.com, 1e

logo TourMaG  




Crash Air India : ce que révèle le rapport préliminaire [ABO]

Dysfonctionnement ou sabotage ?


Les enquêteurs qui travaillent sur le crash d’Air India commencent à comprendre pourquoi l’avion s’est écrasé, mais l’enquête sera longue pour déterminer s’il s’agit d’un dysfonctionnement ou d’un acte délibéré. Un rapport préliminaire a été publié le 11 juillet dernier.


Rédigé par le Mardi 15 Juillet 2025

Un Boeing 787 Air India : Crédit : depositphotos ; Boarding2Now
Un Boeing 787 Air India : Crédit : depositphotos ; Boarding2Now
Vous pouvez acheter cet article à l'unité pour le prix de 3,99 € en cliquant ICI ou vous abonner pour 83€ TTC par an.

Vendredi 11 juillet, le gouvernement, le ministère de l’aviation civile et le bureau d’enquête indien sur les accidents aériens ont publié un rapport préliminaire qui, à partir des données des enregistreurs de vol retrouvés, explique les causes du crash du vol AI 171 au départ d’Ahmedabad vers Londres, opéré par un Boeing 787 d’Air India le 12 juin dernier.

Lors de la phase de décollage, l’alimentation en carburant des moteurs a été coupée, supprimant la poussée de l’avion, qui s’est écrasé quelques secondes plus tard.

Voici le descriptif du vol, tel que présenté dans ce premier rapport, qui contient aussi des informations sur le contexte et conduit à se poser de délicates questions.


Crash Air India : un vol de 32 secondes

Ce 12 juin, le vol AI 171 avec à son bord 230 passagers, 2 pilotes et 10 hôtesses et stewards s’apprête à décoller d’Ahmedabad vers Londres. Il s'agit d'un Boeing 787 avec un certificat de navigabilité renouvelé en mai 2025 et valable jusqu’en mai 2026.

Conformément au règlement, à son arrivée à l’aéroport, l'équipage a subi un test d'haleine avant le vol et a été jugé apte à effectuer le vol.

L’avion est autorisé à rouler, le poids au décollage est dans les limites autorisées pour les conditions données, et les volets des ailes sont configurés correctement pour le décollage.

C’est l’usage dans les avions qui, désormais, se pilotent à deux. On se répartit les rôles avant le vol en se mettant d’accord sur qui va piloter et qui va surveiller, et on échange pour le vol retour.

Dans les briefings d’avant-vol, on entend souvent : « Je fais l’étape 1 et toi la 2, OK ? »
Le commandant de bord, qu’il soit pilote en fonction ou pilote de surveillance, reste le chef de la mission et le décisionnaire durant le vol.

Après avoir reçu l’autorisation, l’équipage met les gaz et l’avion commence sa course au décollage, il est précisément 08:07:37 en heure universelle.

À 08:08:39, l’avion lève son nez et décolle.
L’avion accélère encore pendant 3 secondes, mais à 08:08:42, les interrupteurs de coupure carburant des moteurs, situés sur la console centrale entre les deux pilotes, sont passés de la position RUN (ouverte) à la position CUTOFF (fermée), l’un après l’autre, avec un intervalle d’une seconde.
C’est-à-dire que l’alimentation en carburant est coupée.

Immédiatement, les moteurs 1 et 2 commencent à diminuer par rapport à leurs valeurs de décollage.

C’est alors que l’enregistrement des conversations du poste de pilotage permet d’entendre un échange curieux : l’un des pilotes demande à l’autre pourquoi il a coupé l’alimentation, et l’autre pilote répond qu’il ne l’a pas fait — sans que l’on sache, pour l’instant, de quel pilote (le commandant de bord ou le copilote) vient la question et la réponse.

À 08:08:47, les deux moteurs passent en dessous du régime « ralenti », et une petite hélice de secours (RAT – Ram Air Turbine) se déploie automatiquement sous le fuselage pour fournir de la puissance hydraulique à l’avion.

À 08:08:52, le bouton de l’alimentation en carburant du moteur 1 est réactivé et remis sur la position RUN.
À 08:08:56, c’est au tour du bouton du moteur 2 d’être remis sur la position RUN.

Dans les données du vol récupérées et en possession des enquêteurs, on constate qu’à ce moment-là, la décélération du moteur 1 s’est arrêtée, s’est inversée et a commencé à progresser vers la récupération.

Le moteur 2 a pu se rallumer, mais sans parvenir à stopper complètement la décélération, et il a dû réintroduire du carburant à plusieurs reprises pour accélérer et récupérer le régime du moteur.
À pleine charge, à cette altitude, et malgré le retour progressif de la puissance des moteurs, il est malheureusement trop tard.

À 08:09:05, un des pilotes envoie le message de détresse : « MAYDAY MAYDAY MAYDAY ».
À 08:09:11, le Boeing 787 d’Air India s’écrase.

Il n’y a qu’un survivant parmi les 242 occupants de l’avion. Dix-neuf personnes au sol sont tuées et 67 autres sont blessées.

Entre le moment où l’avion a quitté la piste et le crash, il s’est écoulé à peine plus de 30 secondes.

Coupure du carburant accidentelle ou volontaire ?

L’enquête semble donc se focaliser sur ces deux boutons permettant d’ouvrir ou de fermer l’alimentation en kérosène des moteurs.

La photo ci-dessous montre leur emplacement exact entre les deux pilotes derrière les manettes de poussée.

Ces boutons ne sont jamais manipulés durant le vol sauf en cas d’urgence comme un feu moteur.

Les pilotes les utilisent pour démarrer les moteurs et les couper lorsque l’avion arrive à son parking de destination.

A lire aussi : Air India : ce que nous savons du crash du Boeing de la compagnie

L’emplacement des boutons permettant l’ouverture et la fermeture de l’arrivée du carburant pour chaque moteur. Crédit : depositphotos.
L’emplacement des boutons permettant l’ouverture et la fermeture de l’arrivée du carburant pour chaque moteur. Crédit : depositphotos.
Afin d’éviter toute manipulation intempestive ou accidentelle, ces boutons on un cran de sécurité.
Pour passer de la position ouverte (RUN) à fermée (CUTOFF) il faut tirer le bouton vers le haut et ensuite l’actionner.

En principe une action involontaire sur ces boutons est donc pratiquement impossible. Ce jour là, comme nous l’avons dit, c’est le copilote assis à droite qui est pilote en fonction et qui va faire décoller l’avion.

À la mise en puissance des moteurs, le commandant de bord et le copilote poussent les manettes des gaz. Le commandant de bord en charge d’interrompre le décollage en cas d’incident gardera une main sur les manettes jusqu’à ce que l’avion quitte la piste.

Se pourrait-il que la main de l’un ou de l’autre pilote avec les vibrations du décollage ait touché par inadvertance les boutons et les ait mis en position fermée ?

Cela parait improbable. Mais un élément vient semer le doute. Les enquêteurs ont retrouvé et joint au rapport un document qui questionne.

Un bulletin FAA exhumé

En effet la FAA, l’agence de sécurité américaine de l’aviation avait publié le 17 décembre 2018 un bulletin pour sensibiliser les opérateurs de plusieurs modèles d’avions Boeing (dont les 787-8, -9 et -10) d’un risque potentiel lié au verrouillage du commutateur de commande de carburant.

Des rapports ont indiqué que sur certains avions, cette fonction de verrouillage était désengagée, ce qui pourrait permettre une activation involontaire du commutateur — et donc une coupure accidentelle du carburant en vol.

Dans ce bulletin la FAA recommandait :
- Vérifier que le verrouillage du commutateur est bien engagé,

- Si le commutateur peut être déplacé sans soulever le mécanisme de verrouillage, il doit être remplacé dès que possible.



Extrait du bulletin de la FAA publié le 17 décembre 2018 et informant d’un risque potentiel lié au verrouillage du commutateur de commande de carburant.
Extrait du bulletin de la FAA publié le 17 décembre 2018 et informant d’un risque potentiel lié au verrouillage du commutateur de commande de carburant.
Cependant, ce bulletin était informatif et non contraignant à l’inverse d’une « directive de navigabilité » qui elle impose des actions.

Il visait à sensibiliser les opérateurs à un risque potentiel, sans imposer d’action obligatoire.

C’est écrit en toutes lettres sur le bulletin : « This is information only. Recommendations aren’t mandatory » (à titre informatif uniquement. Les recommandations ne sont pas obligatoires.)

Selon les informations d'Air India, précise le rapport, les inspections suggérées n'ont pas été effectuées, car elles n’étaient pas obligatoires.

Des questions en attente pour une enquête difficile

L’enquête continue et risque d’être difficile pour trancher entre une action involontaire ou délibérée. Espérons qu’elle va pouvoir progresser notamment au sujet de ce dialogue entre les deux pilotes.

Il est important de pouvoir savoir qui a posé la question sur la coupure des moteurs et qui a répondu, et aussi lequel des deux a eu l’excellent réflexe, malheureusement inutile de remettre les boutons de carburant sur la position ouverte.

Ce début d’enquête attire également l’attention sur ces notions de « recommandations » ou « d’obligation » contenues dans les différentes notes, consignes, bulletins émis par les agences de sécurité de l’aviation.

Aussi, un enregistrement vidéo des actions des pilotes dans le cockpit aurait été utile. Il sera peut-être suggéré dans le rapport final qui préconise toujours des mesures pour faire encore progresser la sécurité.

Christophe Hardin Publié par Christophe Hardin Journaliste AirMaG - TourMaG.com
Voir tous les articles de Christophe Hardin
  • picto Twitter
  • picto Linkedin
  • picto email

Lu 1577 fois

Tags : air india, FAA
Notez

Nouveau commentaire :

Tous les commentaires discourtois, injurieux ou diffamatoires seront aussitôt supprimés par le modérateur.
Signaler un abus









































TourMaG.com
  • Instagram
  • Twitter
  • Facebook
  • YouTube
  • LinkedIn
  • GooglePlay
  • appstore
  • Google News
  • Bing Actus
  • Actus sur WhatsApp
 
Site certifié ACPM, le tiers de confiance - la valeur des médias