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Philippe Korcia (Voyages Eurafrique) : "La difficulté de la reprise sera conditionnée à un discours clair et définitif..."

Quelles perspectives de reprise ? La série de l'été 2021 de TourMaG.com


Pour la deuxième année consécutive, les professionnels du tourisme français naviguent à vue... Comment se passe l'été pour les patrons et surtout, comment appréhendent-ils les prochains mois pour leurs entreprises ? TourMaG.com a décidé de leur consacrer sa série estivale. Chaque jour, retrouvez un témoignage. Aujourd'hui, Philippe Korcia, directeur général du Groupe Voyages Eurafrique.


Rédigé par le Lundi 19 Juillet 2021

Philippe Korcia : "La reprise passera par un discours clair, fiable et reconnu par tous les pays du monde" - DR : Orianne Olive
Philippe Korcia : "La reprise passera par un discours clair, fiable et reconnu par tous les pays du monde" - DR : Orianne Olive
TourMaG.com - Comment voyez-vous la reprise et quels en sont les principaux enjeux, selon vous ?

Philippe Korcia :
Nous exerçons un métier pour lequel nous ne maîtrisons pas la totalité des décisions, nous sommes dépendants des décisions politiques sur le fait de pouvoir voyager ou non. Cela change tout le temps, nous devons nous adapter.

Aujourd'hui, il est normalement acquis que les personnes vaccinées ont la possibilité de se déplacer en toute sécurité... Mais la politique de stop-and-go sur les différents pays nous gêne.

En juin, nous avons enregistré une forte demande et nous avons su faire face, nous avons pu vendre l'ensemble des pays dits « verts » : Tunisie, Israël, des pays européens, mais désormais nous constatons à la fois un durcissement pour entrer dans ces pays à cause du Covid, parfois la mise en place de quarantaine, et aussi un durcissement des conditions imposées au retour en France.

Toute la difficulté de la reprise sera conditionnée à un discours clair et définitif : « vous êtes vaccinés, donc vous pouvez vous rendre dans les différents pays catégorisés verts ». Si l'on ajoute encore d'autres clauses, on va encore se retrouver confrontés à d'énormes problèmes...

Il a été demandé à la population française de se vacciner, 33 millions de personnes l'ont fait, donc maintenant laissons ces personnes vivre normalement car on ne doit pas opposer le sanitaire à l'économie et encore moins le sanitaire aux déplacements, qu'ils soient personnels ou professionnels.

Ce seul et même discours doit être une volonté européenne et chaque pays doit s'y plier. Chaque pays de l'UE doit respecter ces règles et en aucun cas les changer en cours de jeu, comme Malte a pu le faire. C'est un manque de professionnalisme, de rigueur et de respect pour les personnes qui font le nécessaire.

La reprise passera donc par un discours clair, fiable et reconnu par tous les pays du monde.

Car on le voit, si nous constations une belle reprise en juin, en revanche en juillet, entre la nouvelle impulsion donnée par le Gouvernement et certaines prises de parole alarmistes, nous constatons une baisse de 30 à 40% des prises de commandes et même des clients qui sont en train de reporter à plus tard leurs vacances prévues en août. C'est de la folie !

"Nous envisageons de recruter ou de pousser la promotion"

TourMaG.com - Les RH vont-elles jouer un rôle axial dans la relance de l'industrie du tourisme ?

Philippe Korcia :
Chez Voyages Eurafrique, dès le début de la crise, nous avons tout de suite mis en place le télétravail, car sur la partie business travel, nous avions la possibilité de le faire.

Nous nous sommes très rapidement adaptés et nous avons su être présents auprès de nos clients tout au long de cette crise sans jamais fermer.

Sur la partie loisirs, les agences ont rouvert dès que possible et nous n'avons donc eu aucun problème RH à gérer, nous n'avons licencié aucun salarié.

En revanche, certains de nos collaborateurs nous ont demandé de les aider à trouver une solution, parce qu'ils ont un autre plan de carrière, d'autres envies, et souhaitent être accompagnés dans leur reconversion professionnelle.

Nous n'avons pour l'heure aucun problème de recrutement. En revanche, nous envisageons de recruter ou de pousser la promotion en interne en proposant à nos salariés, notamment ceux qui travaillent dans l'événementiel, de se réorienter vers des postes marketing, communication, réseaux sociaux. Nous souhaitons communiquer et exister d'une façon plus forte auprès de nos clients et de nos communautés.

TourMaG.com - Au niveau de votre entreprise, qu'allez-vous changer et quels sont les défis à relever dans les prochains mois ?

Philippe Korcia :
Notre but dans les prochains mois, c'est de pouvoir retrouver notre chiffre d'affaires de 2019, non pas à périmètre constant, mais en gain de clients ou en croissance externe.

En effet, sur le business travel, nous constatons une diminution d'environ 25% des budgets liés aux déplacements : les réunions internes ont diminué au profit des visioconférences.

C'est cette perte de volume d'affaires que nous allons essayer de compenser en gagnant de nouveaux clients, car les entreprises comme les nôtres sont agiles et disposent d'un pouvoir de décision immédiat. Nous pouvons accompagner nos clients, leur répondre rapidement et nous faisons ce que nous disons !

Nous comptons nous appuyer sur un autre phénomène qui a émergé durant cette crise : le « consommer local ». Il y a une volonté de la part des entreprises de retravailler avec des acteurs locaux et spécialement français.

Je le vois en PACA, il y a des grandes entreprises et des ETI qui nous appellent pour retravailler avec nous.

"Une entreprise n'a pas vocation à être aidée et subventionnée par l’État"

TourMaG.com - Redoutez-vous cette reprise, entre la baisse des aides de l'Etat, le remboursement des avoirs et l'endettement supplémentaire, notamment avec les PGE ?

Philippe Korcia :
Une entreprise, et surtout dans le tourisme, n'a pas vocation à être aidée et subventionnée par l’État.

Dans le cas de cette crise, c'était une obligation car nous avons été pris dans une tourmente où nous ne pouvions pas faire autrement.

Mais en temps normal, nous devons générer le profit, la valeur ajoutée et l'emploi par notre travail et nos résultats.

Et je ne veux pas continuer à être aidé par l’État, je veux continuer à vivre de mon travail mais pour cela, il faut nous laisser travailler, il faut des règles claires et précises.

Quant aux avoirs, nous avons remboursé la totalité des avoirs non utilisés.

Enfin, vous évoquez l'endettement supplémentaire. Je pense que le « quoi qu'il en coûte » a été largement utilisé, il va falloir maintenant songer à l'arrêter.

En ce qui concerne les prêts garantis par l'État (PGE) qui ont été accordés aux agences, il s'agit d'argent déjà donné et cautionné par l’État, qui pourrait être remboursé aux banques par l’État sur des délais beaucoup plus importants.

Je suis partisan qu'une partie de cette dette liée aux PGE, pour les agences de voyages qui sont encore impliquées dans cette crise, soit effacée et payée par l’État aux banques.

Ou alors qu'elle soit montée sur des capitaux propres afin de restructurer notre bilan et d'avoir une meilleure visibilité.

Car si nos entreprises sont encore frappées par une quatrième vague de Covid, que vont faire les autorités ? Elles ne vont pas encore inventer le PGE du PGE ?

Je pense qu'il vaut mieux donner de la visibilité aux entreprises en leur disant que le PGE accordé et qui représentait 20 à 30% du CA 2019 sera mis en capitaux propres ou bien que l'on tire un trait dessus et parce que l’État se porte garant.

Bien sûr, il faut que cela soit une décision européenne car nous sommes tous impactés.

Nous n'avons pas besoin d'avoir encore des PGE de PGE pour nous relancer, parce qu'il n'y a pas que les agences de voyages qui sont impactées, il y a aussi l'événementiel, l'hôtellerie, les compagnies aériennes...

"On ne fait pas l’aumône, on veut vivre de notre travail..."

A ce propos, j'aimerais bien savoir comment vont être remboursés les PGE de plus d'un milliard d'euros accordés aux grandes entreprises, comme Air France ? Va-t-on accepter de tirer un trait sur certains PGE dans l'économie du tourisme et pas sur d'autres ?

Car on le voit, cette crise ne cesse d'évoluer. On se trouve désormais face à une quatrième vague, qui va nous amputer sur le mois d'août, qui est un gros mois pour le tourisme et je pense sur les déplacements professionnels de septembre. Les États-Unis n'ont pas rouvert, l'Asie est encore fermée... Que va-t-on faire ?

Il n'y a qu'une seule solution : on ne fait pas l’aumône, on veut vivre de notre travail, faire de la valeur ajoutée pour nos entreprises et l’État doit penser différemment pour notre secteur et tous les secteurs S1 et S1 Bis.

Il doit prendre en charge - sans pénaliser les banques - une partie des PGE accordés au secteur du tourisme pour nous donner de la visibilité et pouvoir rebondir sur 2022.

Les spécialistes parlent d'une reprise en 2024, il va falloir tenir deux ans et on ne peut pas commencer à rembourser à quatre ans, ou huit ans !

TourMaG.com - Face à cette pandémie, à quoi ressemblera, selon vous, le tourisme de demain ?

Philippe Korcia :
Tout le monde parle de tourisme durable et d'économie circulaire.

L'environnement est une nécessité mais il ne faut pas qu'elle empêche le développement économique. On ne peut pas imposer des règles démentielles sur la production de CO2 aux compagnies aériennes en nous disant de continuer à faire voyager les gens.

Il faut trouver un juste milieu, un plan à long terme qui ne soit pas synonyme de mort de l'économie. Un plan vertueux avec une économie durable, mais un développement économique fort, sans clauses environnementales trop poussées afin de pouvoir continuer à développer nos entreprises et créer de la richesse dans notre secteur d’activité.

Il faudra certes voyager différemment, mais sans limitation des déplacements. C'est tout de même réducteur que de dire que si l'on voyage moins, l'environnement va mieux se porter. Si l'on voyage différemment et que l'on trouve des solutions, oui.

Nous sommes dans un monde de concurrence internationale très forte, et certains pays ne respecteront pas ce tourisme durable et nous risquons de perdre des parts de marché importantes.

Donc soit nous obtenons un accord global - mais c'est loin d'être fait - soit nous prenons en compte la nécessité de faire des choses pour l'environnement, mais en aucun cas en étant montré du doigt dès que nous essayons de faire quelque chose économiquement.

Il ne faut surtout pas opposer l'économie à la préservation de la planète, il faut trouver de pistes ensemble, pas l'un contre l'autre.

Retrouvez tous les articles de notre série de l'été 2021 en cliquant sur ce lien.

Anaïs Borios Publié par Anaïs Borios Journaliste - TourMaG.com
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