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Qui est European Sleeper, la compagnie qui relance le train de nuit Paris-Berlin ?

La coopérative hollandaise European Sleeper entend lancer d'autres lignes en Europe


Après le tollé médiatique, la pétition... Non, les trains de nuit entre Paris et Berlin ne vont pas disparaître. European Sleeper a annoncé la reprise de la ligne à partir du 26 mars 2026. Si le matériel roulant est déjà trouvé, et sera plus récent que celui actuellement en service, tous les obstacles n’ont pas encore été levés. Rencontre avec Anne Dubost, la directrice de la stratégie et du développement d’European Sleeper, qui nous présente la compagnie et ses ambitions.


Rédigé par le Lundi 17 Novembre 2025

La coopérative hollandaise, European Sleeper relance le train de nuit entre Paris et Berlin - DR
La coopérative hollandaise, European Sleeper relance le train de nuit entre Paris et Berlin - DR
Fin septembre, l'opérateur en charge de la desserte en train de nuit de la ligne Paris-Berlin jetait l'éponge.

Malgré un taux d’occupation de 70% en 2024 et des milliers de voyageurs satisfaits de la relance de la desserte depuis deux ans, dans sa volonté de réduire ses dépenses, le gouvernement a supprimé une "subvention publique de l’État, indispensable pour assurer sa viabilité économique."

Au lieu de revenir sur les aides versées par les collectivités à Ryanair ou encore la mise en place d’une taxe Zucman édulcorée... Sébastien Lecornu a préféré sabrer les 10 millions accordés à la ligne.

Une décision qui a provoqué un tollé médiatique et populaire. Très rapidement, le monde associatif, les voyageurs, les partis politiques et les lobbyistes montent au créneau. Une pétition du collectif d’usagers "Oui au train de nuit" a recueilli plus de 92 000 signatures.

Si le gouvernement n’est pas revenu en arrière sur sa décision, une compagnie ferroviaire a décidé de se substituer à la compagnie autrichienne ÖBB qui opérait la ligne pour le compte de la SNCF.

"Nous faisons déjà rouler des trains en Allemagne, notamment par Berlin.

On était déjà en préparation pour arriver sur le marché français dans le cadre de notre autre projet Amsterdam - Bruxelles - Barcelone, mais nous n’avions pas forcément considéré la ligne Paris-Berlin dans nos plans puisqu’il y avait déjà un opérateur.

L’idée pour nous, c’est de créer de nouvelles lignes et de proposer plus de services, plus de trains pour les voyageurs.

Au moment où nous avons appris que la ligne allait être supprimée par SNCF et ÖBB, nous avons commencé à réfléchir
" nous confie, Anne Dubost, la directrice de la stratégie et du développement d'European Sleeper.

Paris-Berlin : "il est possible d'atteindre la rentabilité assez rapidement"

Après quelques jours de réflexion, la compagnie a annoncé qu’à partir du 26 mars 2026, elle prendrait la suite à raison de trois fréquences par semaine.

Une décision qui n’a pas été prise sur un coup de tête. Déjà en contact depuis quelques années avec SNCF Réseau et membre de l’AFRA, l’Association Française du Rail, European Sleeper sait où elle met les pieds.

"Ce n’est pas complètement nouveau et inconnu pour nous.

Nous commencions déjà à nous implanter en France, à échanger. Quand l’occasion s’est présentée, nous nous sommes dit que ça faisait sens. Nous avons commencé à faire des calculs pour voir si, financièrement, le modèle tenait.

Après plusieurs discussions, pour définir le business plan, le modèle économique, etc., nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il est possible d’atteindre la rentabilité assez rapidement.
C’est ainsi que nous avons décidé de nous lancer,
" se remémore la responsable française.

Malgré cette volonté et cette prise de décision rapide, European Sleeper fait face à de nombreuses difficultés. Il est sans doute plus facile de mettre un avion sur une ligne abandonnée par un opérateur qu’un train.

Ainsi, la première étape a été de trouver du matériel.

La compagnie hollandaise avait identifié une faiblesse dans la proposition de la SNCF opérée par ÖBB : le train composé de 12 voitures se séparait en deux, permettant à 6 voitures de se rendre à Vienne et aux restantes à Berlin.

Il fallait donc sécuriser la location d’une dizaine de wagons.

Paris-Berlin : le matériel a été trouvé, reste la question épineuse du sillon !

European Sleeper propose 3 classes de confort, dont l’une avec des lits - Crédit photo : European Sleeper
European Sleeper propose 3 classes de confort, dont l’une avec des lits - Crédit photo : European Sleeper
Et pour cela, en tant que coopérative soutenue par des particuliers et des petites entreprises, il n’est pas question d’acheter directement à Alstom.

Il faut trouver la bonne opération financière, en louant des wagons. "L’un de nos principaux enjeux est d’accéder à du matériel, il n’y en a pas tant que ça de disponible à la location pour les trains de nuit.

Et bonne nouvelle, le matériel roulant n’est plus un obstacle, nous avons d’ores et déjà trouvé des voitures. Ce sera du matériel supplémentaire que nous allons mettre sur la ligne et aussi des appareils plus récents que ceux que nous faisons circuler. Je pense que ce sera assez similaire, en fait, au confort proposé par le Nightjet (l'ex-opérateur de la ligne Paris-berlin, ndlr) aujourd’hui,
" annonce Anne Dubost.

Une fois ce premier obstacle écarté, European Sleeper doit vite en affronter un autre.

La viabilité de la ligne passera donc par un train plus long de bout en bout que celui de la SNCF, mais aussi par une réécriture de la ligne.

Il va lui être nécessaire de trouver des sillons pour faire circuler ses trains de nuit. Et au moment où nous écrivons ces lignes, rien n’a été validé avec les autorités des différents pays

"Le trajet qui était proposé passait par Strasbourg, un arrêt assez tard, vers minuit, et un certain nombre d’arrêts en Allemagne que nous ne voulons pas reprendre.

Nous avons planché sur un autre itinéraire qui passerait par Bruxelles. Commercialement et économiquement, cela fait plus sens. Il y a plus de monde dans la capitale belge et aussi, autre point crucial : la connexion avec l’Eurostar pour Londres.

Voici notre idée, mais elle n’est pas confirmée, car cela demande une certaine gymnastique entre les trois gestionnaires d’infrastructures.
"

SNCF Réseau en France, Infrabel en Belgique et DB InfraGO en Allemagne doivent maintenant se mettre d’accord sur un sillon qui puisse fonctionner de Paris à Berlin.

European Sleeper : "Nous ne bénéficions d'aucune aide publique"

Arrivée assez tard dans le calendrier des gestionnaires d’infrastructures ferroviaires, la compagnie est actuellement en discussion avec eux pour trouver une solution.

"C’est quand même un gros travail de coordination et d’harmonisation au point frontière, etc. Donc nous sommes dans ce travail-là en ce moment avec eux. On parle d’un train qui circulera sur une distance de 1 250 km.

Nous n’avons pas encore la certitude à 100 %, mais nous sommes assez confiants. Les trois gestionnaires d’infrastructures sont très proactifs.

On n’exclut pas totalement de reprendre l’itinéraire original qui passe par Strasbourg, si nous n’arrivons pas à obtenir l’accord des trois opérateurs, mais économiquement, ce serait beaucoup plus difficile d’atteindre l’équilibre économique,
" estime la directrice de la stratégie et du développement d’European Sleeper.

La question de l’accès aux gares parisiennes se pose aussi. En cas de passage par Bruxelles, le train partira donc de la Gare du Nord, qui est "saturée". Si c’est via Strasbourg, ce sera alors sa voisine, la Gare de l’Est.

La réponse définitive est attendue dans les prochaines semaines.

Un accord est attendu avant la phase de commercialisation qui débutera le 15 décembre prochain, pour des places à partir de 59 euros. Autre point de difficulté : la distribution des billets.

Pour l’heure, aucun accord n’a été trouvé avec SNCF Connect, mais il sera possible de réserver, bien évidemment, sur la plateforme de la compagnie, mais aussi sur Trainline, Omio ou encore Railee.

A lire : Train de nuit : "nous attendons des décisions à la hauteur des promesses"

Un lancement qui se fera aussi sans… subvention publique.

"L’idée, ce n’est pas d’être soutenus par des subventions permanentes de la part des États pour pouvoir faire rouler ces trains, mais de montrer qu’il y a un marché et que nous pouvons atteindre la rentabilité sur ces lignes. Nous ne bénéficions d’aucune aide publique.

Ce lancement nécessite un certain montant d’investissement, car il faut trouver le matériel, préparer des campagnes marketing, du conseil, préparer les opérations, avoir des locaux, du personnel, etc.

Nous échangeons avec les différents gouvernements concernés par nos lignes, et aussi avec la Commission européenne, pour explorer les mécanismes qu’il serait possible d’actionner pour nous aider dans ce démarrage,
" nous explique la responsable française.

European Sleeper va ouvrir de nouvelles lignes, dont une autre en France !

Sans aide des gouvernements, European Sleeper a fait voyager 230 000 voyageurs en l’espace de deux ans.

La coopérative néerlandaise a été fondée en 2021 par Elmer van Buuren et Chris Engelsman.

Les deux spécialistes du ferroviaire et de la mobilité se sont donné pour mission de relancer les trains de nuit en Europe, pour connecter les grandes villes européennes, au moment même où les principaux opérateurs unissaient leurs forces pour relancer ce mode de déplacement.

Attention, ne vous attendez pas à parcourir l’Europe à bord de l’Orient-Express, de l’aveu même de la responsable française, les voitures sont "vintage", certaines ayant parcouru les rails du continent pendant plusieurs décennies.

Pour se démarquer, la jeune compagnie mise avant tout sur le service, les petits prix et l’accueil à bord. Dans le train qui desservira Berlin depuis Paris, il n’y aura pas de wagon-restaurant.

Bien qu’expérimenté à plusieurs reprises et qualitativement intéressant pour les passagers, ce service a été abandonné, faute de rentabilité économique.

Il faudra se satisfaire d’une sélection de snacking, dont certains plats chauds, et de la bonne ambiance à bord.

A lire : Vers le retour des trains de nuit en Europe, pourquoi et comment ?

"Notre financement repose sur des tours de table d’investissement participatif qui invitent les particuliers ou les petites entreprises à devenir copropriétaires de l’entreprise et à participer au capital.

Par ce biais, cela a permis de démarrer l’activité et de lancer la première ligne commerciale en mai 2023, entre Bruxelles et Berlin, en passant par Amsterdam. Puis, un peu moins d’une année plus tard, elle a été étendue à Prague.

Nous avons plusieurs projets, dont la liaison Amsterdam - Bruxelles - Barcelone, qui passera par la France. De plus, nous travaillons pour relier la Suisse ou même Milan à Bruxelles ou Amsterdam,
" nous dévoile Anne Dubost.

Des annonces en ce sens seront faites prochainement, alors même que la coopérative a ouvert une nouvelle phase de financement.

En attendant, depuis fin août, la compagnie a ouvert une augmentation de capital à hauteur de 1,3 million d’euros et, en décembre, l’enveloppe espérée sera de 1 million d’euros.

Des montants qui permettent d’amorcer les lancements de ligne, mais pas encore d’acheter leur propre matériel roulant, même si cela reste la finalité d’European Sleeper. Il faudra alors lever quelques centaines de millions d’euros.

Step by step, le projet de relancer trains de nuit en Europe ne s'est pas endormi et c’est déjà une bonne chose.


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