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APST : un client peut-il refuser la prise en charge en services au profit d'un remboursement ?

Les statuts de l'association diffèrent du Code du Tourisme


Une association qui avait réservé un voyage de groupe au Cambodge et versé plus de 14 000 € à Traces/Consult Voyages n'a pas pu partir en raison du dépôt de bilan du TO. L'APST lui a proposé une prise en charge en services, mais la responsable de l'association n'en veut pas et demande un remboursement en deniers. Ce que lui refuse l'APST. Elle considère le refus de l'association comme une annulation du fait de cette dernière. Mais il existe une ambiguïté entre le Code du tourisme et les statuts de l'APST, qui pourrait bien donner raison à la structure provençale, si jamais elle porte l'affaire en justice.


Rédigé par Pierre CORONAS le Lundi 23 Mai 2016

Le groupe provençal devait partir au Cambodge mais son tour-opérateur a fait faillite - Photo : magdal3na - Fotolia.com
Le groupe provençal devait partir au Cambodge mais son tour-opérateur a fait faillite - Photo : magdal3na - Fotolia.com
La garantie financière protège les consommateurs contre les conséquences éventuelles d'une défaillance de leur agence de voyages ou de leur tour-opérateur.

Mais après le dépôt de bilan d'une entreprise touristique, sa mise en œuvre engendre parfois des difficultés non prévues.

C'est ce que constate la responsable d'une association basée en Provence, dans les Bouches-du-Rhône (13).

Elle a réservé un voyage de groupe au Cambodge auprès de Traces/Consult Voyages. Le contrat est signé le 7 avril 2014 pour un séjour du 2 au 11 février 2015. L'association verse alors 14 700 € au groupiste.

Sauf qu'entre temps, Traces/Consult Voyages connaît d'importantes difficultés financières qui conduisent le groupe au dépôt de bilan le 22 décembre 2014 et à la liquidation judiciaire le 30 décembre 2016.

Départ prioritaire pour l'APST

A partir de là, c'est le garant financier du tour-opérateur, l'Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST), qui prend le dossier en main. De nombreux groupes ont versé des acomptes et payé des séjours pour un sinistre évalué à plus de 5 millions d'euros.

Les créanciers de Traces/Consult Voyages se font alors connaître auprès de l'APST et cette dernière fait appel à ses adhérents pour assurer un maximum de départs.

C'est cette solution que propose l'APST à la responsable de l'association bucco-rhodanienne le 20 janvier 2015. Mais cette dernière refuse.

"Je n'ai pas souhaité ce remboursement en services de la part de l'APST car je manquais d'informations sur le professionnel qui allait nous prendre en charge et je n'étais pas sûre d'avoir des prestations équivalentes à celles que nous avions initialement réservées", explique-t-elle.

Elle réclame alors un remboursement financier des 14 700 € versés. Mais l'APST le lui refuse. "Dans les statuts de l'APST, il est stipulé que le remboursement s'effectue prioritairement en services.

A partir de là, si une solution est proposée pour assurer le départ et que le voyageur refuse, il entre alors dans les conditions d'annulations prévues par son contrat
", nous indique-t-on en interne à l'APST.

Pour résumer : l'APST considère qu'en refusant le départ proposé, l'association annule son séjour et renonce aux sommes versées. Une explication qui ne passe pas du côté de l'association provençale. "L'APST outre-passe ses droits", regrette la responsable de la structure.

Remboursement prioritaire pour le Code du Tourisme...

Cet exemple pose la question des conditions de la mise en œuvre de la garantie financière. Si l'APST propose une prise en charge en services, le client peut-il refuser et obtenir un remboursement en deniers ?

Pour tenter d'y répondre, il faut d'abord se pencher sur le Code du Tourisme.

L'article R. 211-26 définit la garantie financière : Elle "est spécialement affectée au remboursement en principal des fonds reçus par l'opérateur de voyages au titre des engagements qu'il a contractés à l'égard de sa clientèle ou de ses membres pour des prestations en cours ou à servir et permet d'assurer, notamment en cas de cessation de paiements ayant entraîné un dépôt de bilan, le rapatriement des voyageurs."

Dans l'article R. 211-31, il est précisé que "la mise en œuvre, en urgence, de la garantie en vue d'assurer le rapatriement des clients ou des membres d'un opérateur de voyages et de séjours est décidée par le préfet qui requiert le garant de libérer, immédiatement et par priorité, les fonds nécessaires pour couvrir les frais inhérents à l'opération de rapatriement.

Toutefois, si la garantie financière résulte d'un organisme de garantie collective mentionné à l'article R. 211-27
(l'APST, Ndlr), cet organisme assure la mise en œuvre immédiate de la garantie par tous moyens en cas d'urgence dûment constatée par le préfet."

Selon le Code du Tourisme, en cas de défaillance d'un opérateur touristique, le garant doit d'abord rembourser les fonds versés par le client et, s'il y a un cas d'urgence constaté au niveau préfectoral, il lui faut trouver des solutions pour assurer les rapatriements et les départs (prise en charge en services).

... mais pas pour les statuts de l'APST

Mais l'article R. 211-27, mentionné ci-dessus, explique que les conditions de fonctionnement de l'APST et de la mise en œuvre de sa garantie financière sont fixées par les statuts de l'Association. Ceux-ci ont été validés par le ministre en charge du Tourisme.

Et, visiblement, ils ne sont pas en accord avec les principes édictés par le code du tourisme.

En effet, comme on nous l'a expliqué en interne précédemment, l'Article 4 des statuts de l'APST stipule qu'elle "prend les moyens nécessaires pour délivrer ou faire délivrer aux consommateurs (…) les services correspondant aux fonds remis au membre adhérent" défaillant.

"Toutefois, l'association se réserve le droit d'apprécier librement les cas dans lesquels elle sera conduite à libérer sa garantie en deniers", poursuit l'article 4.

C'est l'article 5 des statuts de l'APST qui fixe les règles de libération de la garantie en deniers. Il reprend les conditions édictées par le Code du Tourisme.

Concrètement, à l'inverse de ce qui est prévu dans le code du tourisme, l'APST se donne le droit d'assurer un remboursement en service, en priorité, même sans urgence décrétée par le préfet et juge elle-même des cas dans lesquels elle rembourse en deniers.

Mais rien ne dit explicitement qu'en cas de refus d'une prise en charge en services, le client s'expose à la perte des acomptes versés.

Seul un juge peut décider

Dans ce cas, les statuts de l'APST sont-ils légaux ?

Seul un juge serait en mesure de répondre à cette question. Encore faut-il qu'il soit saisi d'une affaire qui l'amène à trancher sur le sujet.

Selon nos informations, cela pourrait arriver prochainement. En effet, l'association provençale « victime » de la faillite de Traces/Consult Voyages pourrait bien porter le dossier en justice si elle n'obtient pas le remboursement de ses 14 700 € par l'APST.

"Comment se fait-il que l'APST puisse déroger au format prévu par la loi ? s'interroge un spécialiste du droit du tourisme.

A priori, si un client demande à faire jouer l'article 5 des statuts de l'APST pour obtenir un remboursement en deniers, rien, dans l'article 4 des mêmes statuts ne semble l'en empêcher."

Si jamais l'association qui avait réservé le voyage de groupe au Cambodge porte plainte et obtient gain de cause, la décision pourrait faire jurisprudence et conduire ainsi l'APST à modifier ses statuts.

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