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Villages-Vacances : Pourquoi ouvrir alors que les Français ne pourront pas partir ?, s'étonne Damien Duval (Cap France)

Interview de Damien Duval, le directeur général de Cap France Villages Vacances


Pendant que ses confrères s'époumonaient pour ouvrir leurs villages vacances, à la veille d'un possible reconfinement national, Damien Duval a décidé de taper du poing sur la table. "Je suis très surpris de voir de nombreuses communications de clubs de vacances annonçant leurs ouvertures," s'étonnait alors le directeur général de Cap France. Privés de restaurant, d'une partie de la clientèle, puisqu'une partie de la France ne peut pas se déplacer en dehors de son département, pourquoi ouvrir ? Découvrez l'interview mise au point de Damien Duval, le directeur général de Cap France Villages Vacances.


Rédigé par le Mercredi 31 Mars 2021

Il est nécessaire d'avoir un discours de transparence et de vérité, c'est-à-dire que fin mai et début juin, le secteur va arriver dans une zone rouge. Le niveau de trésorerie est, d'un point de vue général, préoccupant," selon Damien Duval (Cap France)
Il est nécessaire d'avoir un discours de transparence et de vérité, c'est-à-dire que fin mai et début juin, le secteur va arriver dans une zone rouge. Le niveau de trésorerie est, d'un point de vue général, préoccupant," selon Damien Duval (Cap France)
TourMaG.com - Au moment où nous échangeons, nous sommes à quelques heures de l'allocution présidentielle, mais surtout nous avons une partie de la France confinée et une interdiction pour les villages vacances d'ouvrir leurs restaurants. Comment analysez-vous les annonces de réouverture de vos concurrents ?

Damien Duval :
Je suis surpris de ces annonces.

Nous voyons depuis le début de la crise, que l'administration a une approche binaire de notre activité, à savoir du 15 juillet au 15 août, la saison estivale puis le ski en montagne l'hiver. Elle oublie tout un pan de l'économie, à savoir l'arrière-saison.

Cette dernière représente pour Cap France, notre haute saison. Nous avons 80 établissements et 70% du chiffre d'affaires de ces adresses est généré en avril, mai juin, puis ensuite septembre et octobre.

Je suis content de voir que les Français et mes confrères se projettent sur les vacances de Pâques, mais je préférais que nous attirions l'attention sur les groupes qui annulent, que ce soit les séniors, les classes découvertes ou les séminaires.

Nous sommes en plus, au niveau de l'activité groupes, sur un marché figé, puisque ce sont des reports de 2020. D'ailleurs, maintenant en cas de nouvelles annulations, nous ne sommes plus protégés et nous devons rembourser.

"fin mai et début juin, le secteur va arriver dans une zone rouge"

TourMaG.com - Qu'avez-vous décidé pour vos villages-vacances ?

Damien Duval :
Nous avons préféré maintenir nos établissements fermés, pendant les vacances d'avril.

Tout simplement parce que nous ne pouvons pas garantir la qualité de notre produit, sans les restaurants.

Nous ne sommes pas faits pour faire du click and collect et nous ne voulons pas que nos clients prennent leurs petits-déjeuners dans des chambres de 15m², pendant quelques jours.

L'ADN des villages vacances tourne autour de la convivialité, la restauration et les rencontres. Aujourd'hui quand j'entends que mes confrères ouvrent, mais sans les espaces de restauration collective, je suis très étonné.

Il est nécessaire d'avoir un discours de transparence et de vérité, c'est-à-dire que fin mai et début juin, le secteur va arriver dans une zone rouge. Le niveau de trésorerie est, d'un point de vue général, préoccupant.

Certes, le fonds de solidarité existe, mais seulement depuis 3 mois, alors que la crise dure depuis un an. Nous avons donc engagé notre trésorerie, avec des avoirs à rembourser massivement courant septembre octobre.

TourMaG.com - Que demandez-vous au gouvernement ?

Damien Duval :
Nous souhaitons ouvrir entièrement, de façon progressive, au plus tard début juin.

Quand je dis entièrement, c'est avec nos restaurants. Nous sommes en avance sur l'année dernière, par rapport à l'été, avec des Français qui se projettent déjà sur des vacances en France.

C'est très positif, mais ça ne représente que 30% de notre chiffre d'affaires. D'autant que nous avons des doutes sur la réussite de ces vacances, au regard de la situation sanitaire.


Après, je reste positif. Si nous ne loupons pas cette étape essentielle, alors l'avenir des villages-vacances est plutôt beau. Je fais confiance à Jean-Baptiste Lemoyne et au gouvernement.

Vacances de Pâques : "j'ai du mal à comprendre le bénéfice d'une ouverture"

TourMaG.com - Vous doutez de l'intérêt économique d'ouvrir des villages-vacances en avril ?

Damien Duval :
Autant pour mes confrères qui vont proposer une offre locative, durant les prochaines vacances je peux comprendre. Toutefois au regard de la situation sanitaire aujourd'hui et les restrictions, j'ai du mal à comprendre le bénéfice d'une ouverture.

De plus, nous risquons d'apporter un service qui ne sera pas à la hauteur des attentes des clients. Je parle pour Cap France. Vous avez énormément de restrictions qui s'appliquent à nos infrastructures, puisqu'outre la restauration, les piscines et les espaces bien-être en intérieur sont fermés.

Certes les piscines extérieures sont ouvertes, mais au mois d'avril il ne fait pas doux partout en France. Vous comprenez donc qu'il est vital de maintenir une ouverte complète pour fin mai début juin.

TourMaG.com - Quel est le protocole en cas de réouverture ?

Damien Duval :
Justement, nous avons un protocole V1 datant de l'année dernière, pour notre réouverture au 2 juin 2020.

Aujourd'hui je suis incapable de vous dire si ce protocole sera appliqué ou si ce sera une nouvelle version. Sauf que dans l'optique de préparer la saison estivale, nous devons savoir dans quelles conditions nous rouvrirons.

Cela engage nos campagnes de recrutement, car si nous devons avoir 4 ou 8m² par client, dans nos restaurants, mais aussi les clubs enfants, etc. Nous ne pouvons pas prévoir de recrutement, sans garantie du prolongement de l'activité partielle au même taux, jusqu'à fin juin.

TourMaG.com - Voyez vous un intérêt de vos clients pour les vacances de Pâques ? Alors qu'une partie de la France est confinée, notamment les grands bassins de population et économiques du pays.

Damien Duval :
Si je parle pour Cap France, d'avril à juin, notre clientèle est principalement constituée de groupes.

Nous avons des clients individuels sur ces périodes, bien évidemment, mais ils ne sont pas majoritaires et c'est sans doute le cas pour mes confrères. Ainsi pour répondre à votre question, et vous l'aurez bien compris, nous n'avons que des réservations pour l'été 2021.

Je m'en réjouis d'ailleurs, car nous sommes en avance. Par contre, je ne m'explique pas qu'avec une année de recul, des vaccins, nous n'arrivions pas à ouvrir le 2 juin prochain.

Pour tout vous dire, nous avons connu deux pics importants, avec l'annonce d'un non-confinement par Jean Castex, puis avec le retour du soleil. Nous constatons un ralentissement depuis les confinements locaux.

TourMaG.com - Que représente l'activité groupe en avril pour Cap France ?

Damien Duval :
Ce segment représente de 70 à 85% selon les destinations, d'avril à juin.

Cette activité est très importante, en raison des acomptes que nous encaissons bien plus tôt dans l'année et qui nous permettent en partie de faire vivre l'entreprise hors saison, d'octobre à mars.

Sauf qu'en octobre 2019, nos établissements ferment, puis en mars 2020 le confinement, avec une vague considérable d'annulations, jusqu'en juin.

Nous rouvrons alors début juin, mais le temps de tout mettre en place et sans trop de réservations, le début de la saison a commencé réellement en juillet 2020.

Ainsi, notre saison a duré de juillet à septembre, puis nous avons eu un nouveau confinement. Pour résumé, en une année et demie nous aurons eu 3 mois pleins, avec à terme les avoirs à gérer.

"Nous avons une vraie inquiétude au niveau des garanties financières"

Cap France en 2021 comprend 80 villages-vacances indépendants, pour plus de 1 000 salariés et 100 millions de chiffre d'affaires - Crédit photo : Cap France
Cap France en 2021 comprend 80 villages-vacances indépendants, pour plus de 1 000 salariés et 100 millions de chiffre d'affaires - Crédit photo : Cap France
TourMaG.com - En résumé, le secteur va se retrouver avec une trésorerie exsangue, au moment de rouvrir en mai ou juin... Si jamais Emmanuel Macron annonce un confinement ?

Damien Duval :
Exactement, c'est pour ça qu'il est nécessaire d'alerter les autorités.

Je reste très confiant, malgré tout, car le Gouvernement a toujours été à nos côtés. Je ne suis pas là pour critiquer, d'autant plus dans pareille situation, alors que l'épidémie n'est pas maîtrisée.

Dans ces conditions, il est compliqué d'avoir un discours rassurant, en invitant les Français à réserver pour le mois de juin 2021, mais il serait bien pour l'industrie que nous ayons un minimum de visibilité.

TourMaG.com - Vous avez aussi un problème à remonter concernant les fonds de solidarité...

Damien Duval :
Vous savez, ce n'est pas automatique, il y a quelques trous dans la raquette.

Je prends le cas des villages-vacances intégrés à l'économie sociale et solidaire, donc non fiscalisés, l'administration considère que toute association non fiscalisée n'a pas à recevoir le fonds de solidarité. Nous parlons là des "colos" et autres structures accueillant les enfants.

Et encore, en décembre, nous avons eu une fermeture administrative jusqu'au 15 décembre 2020, puis une ouverture sans la restauration. Vous n'avez pas idée du nombre de refus qu'a connu le secteur.

Nous avons perdu énormément de temps. Nous ne pouvons pas le reprocher à l'administration, mais la gestion de la trésorerie n'est pas aussi évidente.

Après nous avons une vraie inquiétude, pour notre secteur et plus globalement pour le tourisme, au niveau des garanties financières.

TourMaG.com - Vous parlez là de l'APST...

Damien Duval :
Il y a quatre garants, mais le marché est figé depuis une année.

Ils ne prenent plus aucun dossier. Alors que l'hébergement et restauration se trouvent dans une situation critique, des jeunes entrepreneurs veulent se lancer, sauf qu'ils ne peuvent pas, car ils n'auront pas d'activité.

Aujourd'hui, qui veut garantir une activité d'hébergement et de tourisme au regard de la situation ?

Villages-vacances : "Il sera nécessaire de repenser notre modèle économique et commercial"

TourMaG.com - Une entreprise privée, face à une telle incertitude, d'entreprises qui ne tournent que 3 mois dans l'année... ne prendra jamais le risque d'assurer un acteur. Vous demandez donc à l'Etat d'intervenir ?

Damien Duval :
Je sais que le ministère est au courant du blocage total, l'UNAT aussi, mais nous faisons face à un vrai problème.

Les acteurs sont soumis à l'obligation de garantie pour être immatriculés, sauf qu'il n'est pas possible de trouver un garant. Je comprends la position des garants, sans perspectives, il est compliqué de s'engager.

D'ailleurs, ces derniers sont très attentifs notamment à la gestion des avoirs, mais aussi au niveau des annulations. Dorénavant, un point est fait en milieu d'année, pour voir la santé économique des sociétés.

Malgré tout, nous restons positifs et espérons une réouverture, même si les restaurants ne rouvrent pas mi-avril. Nous avons du temps, alors travaillons à la reprise.

TourMaG.com - Concernant les avoirs qu'aimeriez-vous ?

Damien Duval :
Ce n'est pas tant une réponse administrative que la gestion des avoirs que nous attendons, mais plutôt une transformation du PGE.

Nous pourrions imaginer un plan Marshall pour l'hôtellerie et restauration, avec le remboursement des PGE repoussé... aux calendes grecques. Nous pourrions gérer le remboursement des avoirs et repenser notre modèle économique, tout en sécurisant les périodes de fermeture.

TourMaG.com - Comment imaginez-vous l'avenir de Cap France ?

Damien Duval :
Je suis un éternel optimiste.

Je sais que du côté de nos clients ou nos employés, tout le monde est dans les starting-blocks mais pas pour maintenant, pour l'année prochaine. En 2020, nous ne pouvions absolument pas imaginer que 2021 serait peut-être plus dure.


Vous avez des saisonniers qui n'ont pas été embauchés depuis plusieurs mois, des salariés qui sont en activité partielle depuis une année, etc.

Malgré tout, nos clients sont au rendez-vous, donc je ne pense pas qu'il y aura un changement dans leurs habitudes.

Je ne pense pas qu'il faille revoir notre produit, pour être un mix entre l'hôtel et le village-vacances, en revanche il sera nécessaire de repenser notre modèle économique et commercial.

Romain Pommier L'interview de Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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