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Raouf Benslimane (ÔVoyages) : "Il faut rééquilibrer le modèle TO - Agences pour le rendre plus fort"

L'interview de Raouf Benslimane, PDG de Thalasso n°1/Ôvoyages


Pour Raouf Benslimane, patron de Thalasso n°1 et ÔVoyages, la crise sans précédent que traverse le secteur ne bouleversera pas profondément les attentes des clients. En revanche, elle exacerbe le déséquilibre contractuel entre les agences de voyages et les TO et rend urgent une vraie discussion entre les deux parties. Interview.


Rédigé par le Lundi 20 Avril 2020

Raouf Benslimane : "A présent je n’attends qu’une chose très importante pour notre profession sur le long terme, c’est la garantie des fonds déposés au niveau des compagnies aériennes, et ce, quelque soit le procédé" - DR
Raouf Benslimane : "A présent je n’attends qu’une chose très importante pour notre profession sur le long terme, c’est la garantie des fonds déposés au niveau des compagnies aériennes, et ce, quelque soit le procédé" - DR
TourMaG.com - Comment êtes-vous organisés au sein de l’entreprise face à la crise liée au coronavirus ?

Raouf Benslimane :
100% de nos équipes ont été mises en chômage partiel dès le lendemain de l'annonce du confinement par Emmanuel Macron dont 50% en télétravail avec des horaires adaptés aux urgences respectives des services, à savoir le transport, la comptabilité, le service après-vente...

Nos équipes travaillent sur les urgences mais aussi l’anticipation de la reprise, quelque soit la date où elle interviendra.

Pour les urgences, nous travaillons actuellement sur la gestion des reports au travers d’une solution technique que nous allons enfin pouvoir présenter et exploiter dans les 48 heures pour faciliter le process à l’ensemble de nos partenaires, et permettre à la fois aux clients et aux agences de se rassurer et de sécuriser très vite et dans le délai le plus court les réservations bloquées.

TourMaG.com - Que pensez-vous des mesures annoncées (report des charges, prêt…) annoncées par le gouvernement ?

Raouf Benslimane :
Pour être franc, pour une fois, je suis plutôt satisfait et même très satisfait.

On pourra dire et reprocher ce que l'on veut au gouvernement sur la gestion de l’épidémie, mais en ce qui concerne les mesures prises sur le plan économique, je me félicite de ces décisions.

L’Etat français a retenu les leçons de la crise 2008 en anticipant les conséquences de cette pandémie qui est un véritable tsunami sanitaire, mais surtout économique.

La prise en charge du chômage partiel, la suppression des charges patronales, le Prêt Garanti par l'Etat (PGE)... vont permettre de sauver beaucoup d’entreprises françaises.

Nous-mêmes avons eu recours au PGE. Pour nous, c'est une sécurité supplémentaire, car notre trésorerie nous permet de tenir. Nous espérons ne pas avoir besoin de l'utiliser.

Tous les acteurs économiques devraient être encouragés à profiter de cette mesure, mais cela doit être réfléchi à long terme car c’est de l’endettement et il faut bien mesurer les capacités de rebond et de remboursement de sa société.

A présent je n’attends qu’une chose très importante pour notre profession sur le long terme, c’est la garantie des fonds déposés au niveau des compagnies aériennes, et ce, quelque soit le procédé.

TourMaG.com - Que pensez-vous de l’ordonnance sur l’à-valoir ?

Raouf Benslimane :
C’est simple : elle sauve les tour-opérateurs et les agences de voyages sans léser les clients, même si tout n'est pas idéal.

La seule anomalie c'est que la trésorerie constituée par les acomptes n’est pas entre les mains des tour-opérateurs. Cette situation est normale au regard du cadre contractuel, mais cela l'est moins au regard du contexte économique.

Nous nous retrouvons sur un délai de crédit de plusieurs millions d’euros pour certains TO comme le nôtre, et sur un délai potentiel supérieur à 18 mois.

Le contexte actuel exacerbe le déséquilibre contractuel et rend urgent une vraie discussion, ce qui ne devrait pas être compliqué après ce que nous venons d’accomplir ensemble pour sauver notre secteur.

Il faut adapter à l’évidence la relation TO-distributeurs. Cette pandémie a mis à nouveau en lumière la réelle interdépendance entre les deux secteurs, et surtout la garantie de tranquillité et de réassurance que seuls les TO peuvent apporter en cas de crise, qu'elle soit sanitaire, terroriste ou autre.

Nous nous sommes révélés de vraies experts pour rapatrier, assister et rassurer nos distributeurs.

Ceux qui sont en dehors de cette relation et qui ont traité directement avec les compagnies aériennes se sont forcément retrouvés dans une situation plus compliquée. Je considère le modèle TO - Agences comme un modèle privilégié et vertueux à la fois, qu'il faut juste rééquilibrer pour le rendre encore plus fort.

Je tiens à souligner la réactivité et la combativité de notre filière pour obtenir les conditions de sa survie... La profession doit une fière chandelle au SETO et aux Entreprises du Voyage.

Je profite de cette tribune pour dire un merci spécial à Jean-Pierre Mas qui comprendra pourquoi...

TourMaG.com - Comment et quand voyez-vous la sortie de crise ? Quid de l’été ?

Raouf Benslimane :
La dernière intervention d'Emmanuel Macron et l’analyse de la situation nous amènent à penser que l’hypothèse réaliste de reprise consistante c’est janvier 2021.

Quelque soit la date de reprise, nous aurons une capacité de réaction quasi-immédiate, car nos partenaires et nos avions sont prêts.

Je rappelle que nous sommes leaders en affrètement aérien et avec les mêmes prestataires depuis environ 15 ans, ce qui est capital dans ce contexte où plus vous apportez de la maîtrise et de la réassurance - avec en l’occurrence vos propres vols - plus vous faites la différence auprès de vos clients.

TourMaG.com - Avez-vous pensé à lancer une production sur la France ?

Raouf Benslimane :
Il faut quand même savoir que l'on ne monte pas une production France en quelques jours. Il y a une logique de stocks et de rémunération qui n’a rien à voir avec les séjours à l’étranger.

Je rappelle que nous sommes déjà experts sur la France au travers de notre marque Thalasso N°1 et de notre savoir-faire sur les voyages de bien-être qui nous permettent de réaliser environ 30 000 pax annuels.

Mais soyons réalistes là aussi. Je ne crois pas que les Français pourront voyager partout, dans toutes les régions françaises au même moment durant cet été.

Dans ces conditions, il me semble très compliqué, là aussi, de faire des prévisions.

TourMaG.com - Avez-vous estimé l’impact financier de la crise ?

Raouf Benslimane :
Il est très compliqué d’évaluer l'impact de l’épidémie car il y a les pertes immédiates, avec notamment le coût des rapatriements, mais il y a aussi les pertes potentielles.

Par exemple, nous ne savons même pas si à l'arrivée, les reports pourront tous être transformés ou pas. Il y a aussi les défaillances potentielles de certains partenaires qui peuvent survenir au cours de l’exercice, etc.

TourMaG.com - Comment voyez-vous se dessiner le nouveau paysage dans les voyages ?

Raouf Benslimane :
Cette période est détestable mais j'aime le questionnement et la prise de recul qu’elle nous impose.

Pour une fois dans notre existence, nous pourrons dire que nous ne savons pas où nous allons. Alors qu'avant, nous savions que nous allions dans le mur : avec trop d’opérateurs, trop d’avions, trop de prix cassés, trop de pollution, trop d’inertie politique, trop d’incohérence, trop de n'importe quoi...

Aujourd'hui, nous vivons un moment tragique, mais aussi très dur sur le plan psychologique, et c’est cet aspect qui va avoir un impact prépondérant.

Nous voyons que le monde est choqué par cette épidémie. Nous assistons pour la première fois à une prise de conscience mondiale et totale sans aucune exception de notre fragilité. Ce qui était prédit et contesté notamment par les grandes puissances : Chine ou Etats-Unis est arrivé.

Ce qui était prédit, c’est l’impact direct du non-respect de notre environnement. Le changement sera donc d’abord politique, car c’est le politique qui détermine l’action.

Pour parler de la France, il faudra l’équivalent d’un vrai plan Marshall pour relancer l’économie. Ce plan devra obligatoirement être accompagné d'une démarche écologique pour toutes les industries concernées, à savoir pour les avionneurs (encouragement à l’exploitation d’énergies propres au travers de subventions) et, pour les clients, une taxation-sanction.

A l’évidence, le paysage de l’aérien va être bouleversé car certaines compagnies vont disparaître alors que d'autres plus importantes vont bénéficier du soutien de leur gouvernement.

Pour moi ce soutien est très dangereux car il y a des compagnies qui sont des puits sans fond en terme de gestion et de pertes.

Nous pourrions mettre 1 ou 2 milliards dans une low cost mal gérée, elle finira par déposer le bilan et cela vaut aussi pour les autres opérateurs. L'exemple de Thomas Cook renfloué à hauteur de 2 milliards n’a pas suffi à le sauver à long terme.

Ces compagnies pourraient mettre à mal la stratégie des autres compagnies basées sur des prix plus élevés, de meilleurs services et la recherche de rentabilité.

Dans cette perspective, les prix ne remonteront que lorsque le secteur du transport aérien se sera davantage contracté.

Au niveau des voyagistes, la reprise se fera de façon lente et progressive, le temps que s’efface dans l’esprit de chacun cette hantise de la menace sanitaire car, même si elle disparaît, notamment avec la découverte d’un vaccin, sur le plan psychologique, nos comportements ont besoin d’un temps d’adaptation, ou plus précisément de répit.

Il faudra donc avoir les reins solides pour tenir et rebondir le moment venu, car la reprise sera forte avec une demande qui aura un peu évolué, mais toujours focalisée sur le prix.

TourMaG.com - Justement, le comportement du consommateur va-t-il évoluer ? Allons-nous voyager autrement ?

Raouf Benslimane :
Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que tout va être bouleversé.

Lors de la crise terroriste, beaucoup ont pensé que les clients voyageraient moins et pourtant le secteur est reparti en flèche malgré les importantes contraintes de sûreté imposées dans les aéroports.

A présent, il me semble évident que le changement va se situer du côté des industriels et du politique, plutôt que du côté des clients.

Malheureusement ce ne sera pas le cas. Je dis malheureusement car j'aurais aimé que le voyage devienne plus qualitatif que quantitatif.

J'aimerais que l'on soutienne et privilégie les destinations qui s’attachent à faire découvrir leurs vraies beautés et leurs cultures, mais il suffit de regarder ce qui s’est passé après chaque crise, même si celle-ci est plus violente et incomparable.

A chaque fois, les opérateurs sont repartis à l’assaut de la croissance et des parts de marché... et les clients à l’assaut des prix et des voyages les moins chers. Pourquoi cela changerait-il ?

La bonne nouvelle, c’est que même si le marché se concentre, la demande va être forte.

Il y aura aussi une recherche de plus d’authenticité et de partage au sens de l'humain. Pendant le confinement, les outils digitaux sont beaucoup utilisés, à défaut de faire autrement, et les Français voudront revenir à davantage de relations directes et physiques.

Les voyages auront alors toute leur place et les clubs de vacances répondront, je le pense, à cette demande de partager des activités mais surtout de vraies expériences de relations humaines enrichissantes.

Le moyen-courrier sera moins impacté à court terme et les clients qui ont vécu des rapatriements très compliqués sur le long-courrier voudront certainement revivre autre chose en partant sur des destinations plus proches.

TourMaG.com - Ne craignez-vous pas une baisse du pouvoir d'achat ?

Raouf Benslimane :
Pendant le confinement, la plupart des Français voient leur salaire maintenu à 84%. Or, ils dépensent beaucoup moins que lorsqu'ils se déplacent pour travailler. Ils consomment moins de loisirs comme le cinéma, les restaurants, les voyages, etc.

Nous pouvons donc raisonnablement estimer un rebond fort de la consommation dès la fin de cette épidémie.

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Commentaires

1.Posté par Inspection du Travail le 23/04/2020 18:07 | Alerter
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100% de nos équipes ont été mises en chômage partiel dès le lendemain de l'annonce du confinement par Emmanuel Macron dont 50% en télétravail

BRAVO !!!

2.Posté par Direction le 24/04/2020 13:12 | Alerter
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Quel cretin se fait passer pour inspec du travail et joue au rat de poubelle écervelé Lamentable.merci à la redaction de verifier ces commentaires

3.Posté par Jean DA LUZ le 24/04/2020 13:24 | Alerter
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Bonjour
La Rédaction modère ce type de commentaires mais ne l'a a pas trouvé "discourtois, injurieux ou diffamatoires".
En revanche on pourrait répondre à "Inspection du travail" qu'on ne voit pas ce qu'il y a de répréhensible à mettre ses salariés au chômage partiel et de surcroît avec 50% en télétravail ? Beaucoup d'entreprises l'ont fait puisque c'était fait pour...
Bonne journée

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