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Unat: "Les vacances sont un levier fort de cohésion sociale"

Cécile Cottereau, déléguée générale de l’Unat


En pleine période estivale, l’Unat publie avec la fondation Jean Jaurès une étude sur les départs en vacances qui montre qu’une majorité de Français a déjà renoncé à leurs vacances pour des raisons financières ces dernières années. Analyse avec Cécile Cottereau, déléguée générale de l’Unat.


Rédigé par le Lundi 17 Juillet 2023

Partir en vacances, un moment structurant quand on est enfant, qui déterminera notre futur de touriste - DR : vitolda-klein-unsplash
Partir en vacances, un moment structurant quand on est enfant, qui déterminera notre futur de touriste - DR : vitolda-klein-unsplash
C'est le sujet du moment depuis 2 semaines, et nous n'avons pas fini d'en entendre parler ! Au moins jusqu'à fin août, voire début septembre, pour ceux qui « profitent jusqu’au bout » : les Français sont en vacances. 

Pas tous, pourtant. Ou du moins, tous ne partent pas. C’est que les vacances sont un marqueur social : plus on a les moyens, plus on part en vacances.

Parce que les vacances sont chères, mais aussi parce que les vacances, c’est du temps, et que le temps, c’est de l’argent. Un cadre pourra s’octroyer de longues vacances ou des vacances répétées, proposer du télétravail, ce qui se révélera plus compliqué pour un employé. 

Lire aussi : Le slow tourisme peut-il s'ancrer dans nos sociétés ? 

Autre inégalité dans les vacances : proportionnellement au niveau de revenu, les vacances pèsent moins sur le budget des ménages aisés. À cela, s’ajoute l’accès plus facile pour les personnes aisées à une maison secondaire, ou à celle d’amis qui pourront la leur prêter. 

"Toute personne a droit au repos et aux loisirs"

Pourtant, en France, c’est l’un des droits humains fondamentaux, si l’on en croit l’article 24 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui dispose : « Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques ». 

En France, c’est aussi un droit acquis depuis Léo Lagrange en 1936  ou 1982 et la naissance des chèques-vacances portées par l’ANCV.

C’est même l’un des enjeux de lutte contre les inégalités depuis la loi relative à la lutte contre l’exclusion et son article 140 qui dispose « L'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté.» 

L’Union nationale des associations de tourisme et de plein air (Unat) et la fondation Jean Jaurès publient leur étude sur les départs en vacances, présentée par Michelle Demessine, Présidente de l’Unat Sénatrice honoraire Ancienne Ministre du Tourisme, dans une tribune à l’Humanité.  

En période d’inflation, mais aussi dans un contexte écologique et social anxiogène, comment se porte les départs en vacances et quelles solutions préconise l’Unat ? 

Nous avons posé la question à Cécile Cottereau, déléguée générale de l’Unat.

« L’accès aux loisirs doit relever du bien public »

TourMaG.com - Globalement, quel est le pourcentage de Français qui ne partent pas en vacances, ou qui ne partent jamais en vacances ? 

Cécile Cottereau :
Notre étude avec la Fondation Jean Jaurès et l’IFOP montre que 60 % des Français disent avoir déjà renoncé à partir en vacances pour des raisons financières, au cours des 5 dernières années. 

Il y a un plafond depuis 20 à 30 ans. Il y a eu une forte démocratisation depuis 36, mais les politiques de départs en vacances n’ont plus la même portée qu’avant, on a d’autres priorités : l’emploi, notamment.

Je l'entends, mais l’accès aux vacances doit relever du bien public, car c’est un levier fort de cohésion sociale.


Lire la publication Les inégalités face au départ en vacances


« La classe moyenne est fortement touchée »

TourMaG.com - Ce chiffre, 60 % des Français ont renoncé à partir en vacances au cours des 5 dernières années, comment l’analysez-vous ? 

Cécile Cottereau :
Le taux de renoncement ne doit pas cacher une réalité : les intentions de partir sont préservées. L’impact de l’inflation est surtout sur le “comment” : on va partir chez des proches, moins loin, moins longtemps, probablement moins dépenser... 

Néanmoins, le chiffre est réel et les inégalités restent fortement ancrées : il y a la montée en gamme et le niveau de revenu. Des aides existent, mais elles sont souvent concentrées sur les plus modestes, alors que la classe moyenne est également concernée par le renoncement aux vacances.


« Il ne s’agit pas que de survivre, mais aussi de vivre, de profiter de la vie »

TourMaG.com - Justement, les vacances sont un marqueur social, on voit une certaine polarisation, avec des personnes aisées, d’autres précaires, et une classe moyenne moins visible.

Cécile Cottereau :
En 2019, les Français qui se disaient gilets jaunes avaient le plus fort taux de renoncement. Il ne s’agit pas que de survivre, mais aussi de vivre, de profiter de la vie.

On voit monter ce malaise social. La société est très polarisée. Bien sûr, les gens en colère sont une minorité, et il y a beaucoup plus de gens inquiets, et surtout, de gens fatigués qui ont un besoin réel de changer d’air et de rompre avec leur quotidien.


« Ne pas partir en vacances est une honte sociale »

TourMaG.com - Et les vacances ont un rôle à jouer, selon vous ?

Cécile Cottereau :
On a besoin de reconstruire du lien social. Les départs en vacances sont une manière de faire baisser la pression, la tension sociale.

Évidemment cela ne va pas tout résoudre, mais c’est un levier pour retisser du lien social. Elles permettent aussi de resserrer les liens familiaux et se sentir appartenir à un collectif.

À l’inverse, ne pas partir peut être ressenti comme une honte sociale. C’est un des chiffres les plus forts de l’étude : 56 % des personnes qui ne sont pas parties ont choisi de ne pas en parler, et 11 % ont préféré mentir.

C’est vécu comme une frustration, or, on a besoin de retisser du lien, ça fait plusieurs fois que je le dis, mais c’est essentiel.


« On parle en effet beaucoup des vacances mais peu en positif »

TourMaG.com - Est-ce que la frustration ne vient pas aussi d’une surmédiatisation des vacances, notamment le ski quand on sait qu’une grande majorité n’y a pas accès ?

Cécile Cottereau :
On parle en effet beaucoup des vacances, mais peu en positif. On évoque surtout le surtourisme, les problèmes de recrutement, le secteur entier ressent une sorte de bashing alors qu’on aurait besoin d’évocations positives.

Cela n’est pas valable que pour le tourisme, on est dans un moment où le spectre médiatique est quand même très tourné vers le négatif.

D’autre part, je pense que la frustration aussi est globale et dépasse les médias classiques ; les réseaux sociaux ont également un rôle dans cet excès de communication.


« 3 millions d’enfants ne partent pas en vacances »

TourMaG.com - L’étude montre aussi que 52 % des parents ont déjà renoncé à envoyer leurs enfants en vacances pour des raisons financières, à première vue ce chiffre semble énorme, est-ce qu’il est inquiétant ou à relativiser ?

Cécile Cottereau :
C’est un chiffre inquiétant, mais pas nouveau. On sait que 3 millions d’enfants ne partent pas en vacances. Ce sont autant d’enfants qui ressentent une forme d'exclusion et cette honte sociale dont on parlait : à la rentrée, ils n’ont pas de souvenir de vacances à raconter, il y a un sentiment d’exclusion qui s’ajoute au manque de repos.

Mais je n’ai pas de vision catastrophiste : il n'y a pas de fatalité en la matière, encore faut-il une ambition forte.

Lire aussi : Grandir Aventure : les ados ont rendez-vous en terre inconnue !


« Les vacances ne créent pas les inégalités, elles les révèlent »

TourMaG.com - Que pensez-vous de la proposition d’Emmanuel Macron de réduire la durée des vacances d’été, y voyez-vous aussi une manière de réduire les inégalités ?

Cécile Cottereau :
Ce n’est pas la bonne porte d’entrée. Les vacances ne créent pas les inégalités, elles les révèlent.

Il est nécessaire de réaffirmer une politique publique des vacances et des loisirs. Et pour cela, on a besoin d’une impulsion politique collective. Il faut s’appuyer sur les acteurs historiques du tourisme social et solidaire. Les associations, Comités d’Entreprises, des caisses d’allocations familiales, des mutuelles, des caisses de retraite...

Il y a eu un pas intéressant avec les colos apprenantes de l’après covid. Elles ont permis d’éviter des décrochages et une rupture pédagogique, elles ont donné accès au sport, à la culture, en complément du temps scolaire.

L’Unat préconise plutôt d’investir et de pérenniser ce type de dispositif pour une accessibilité aux vacances pour tous.


« Partir en vacances, ça s’apprend »

TourMaG.com - Faute de budget, de plus en plus de classes découvertes sont annulées, est-ce qu’il ne faudrait pas s’appuyer sur l’Éducation Nationale ?

Cécile Cottereau :
Il y a une corrélation forte en effet : les classes découvertes sont la première marche vers les colonies de vacances.

C’est important pour les enfants, car c’est parfois le seul accès aux vacances. C’est pourquoi l’Unat souhaite chaque enfant puisse partir une fois en classe de découverte et une fois en colonie de vacances avant l’entrée au collège.

Ils auront une expérience du collectif, de la mixité, le sentiment d’avoir vécu quelque chose de spécial. C’est un moment essentiel de rencontre de l’autre : on fait société.

Un chiffre intéressant, issu de l’étude de l’année dernière : 65 % des Français n’étant pas parti en vacances ne partait pas non plus enfant. C’est un moment structurant : partir en vacances, ça s’apprend.

Il y a un déterminisme énorme, avec des freins financiers, mais aussi psychologiques et sociaux. Si on ne l’a pas connu enfant, on ne le connaitra pas adulte.


« Il est essentiel de ne pas oublier les classes moyennes »

TourMaG.com - L’étude évoque les aides sociales et les aides publiques, quelles sont les solutions selon l’Unat ?

Cécile Cottereau :
Avec les chèques vacances, on a un très beau modèle spécifique à la France qu’il nous faut préserver et élargir aux TPE / PME qui y ont moins accès que les autres.

Il y a peut-être aussi des pistes à aller explorer pour s’adapter aux changements du monde du travail (travailleurs indépendants, uberisation...). Mais pour le moment, on se concentre sur les salariés, qui sont l’énorme majorité et donc le meilleur levier pour avoir un impact réel.

L’Unat propose aussi de renforcer les aides sociales, pour les ouvrir à un public plus large : les plus pauvres certes, mais aussi les classes moyennes. Il faudra aussi travailler sur le déficit de notoriété et la complexité, par exemple en mettant toutes les informations sur une plateforme unique.

Plus important encore : accompagner l’accès. Mieux former les professionnels, les travailleurs sociaux, s’appuyer sur des associations spécialisées… Ça n’a l’air de rien quand on a l’habitude, mais partir en vacances, quand on ne l’a jamais fait, demande une vraie organisation.

Enfin, on souhaite une vraie politique tournée vers les associations : il y a un enjeu d’adaptation de nos résidences, nos centres etc. aux contraintes de développement durable, on a besoin d’appui.


Juliette Pic Publié par Juliette Pic Spécialiste rubrique Voyages Responsables - TourMaG.com
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