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Eric & The Trip reversera une partie du fonds de solidarité à ses réceptifs... et vous ?

Interview d'Eric Baetens, le fondateur de l'agence Eric & The Trip


Confronté à la pire crise de son histoire, le tourisme n'a eu en 2020 qu'une vision court-termiste : réussir son opération de survie. Sauf que l'industrie ne se résume pas seulement à des agences de voyages et tour-opérateurs, il y a les réceptifs, les prestataires qui, à destination, meurent dans l'indifférence générale. Pour aider les structures avec lesquelles il travaille tout au long de l'année, Eric Baetens, le fondateur de l'agence Eric & The Trip, a décidé de reverser plus de 2 000 euros d'aides de l'Etat à ses réceptifs. Et vous, vous faites quoi pour les prestataires à destination ?


Rédigé par le Jeudi 17 Décembre 2020

Eric Baetens a décidé de venir en aide à ses réceptifs et à l'écosystème du tourisme, afin de préparer le monde d'après - Crédit photo : Eric & The Trip
Eric Baetens a décidé de venir en aide à ses réceptifs et à l'écosystème du tourisme, afin de préparer le monde d'après - Crédit photo : Eric & The Trip
TourMaG.com - Vous êtes très actif dans les groupes de défense et de réinvention de notre industrie, mais comment avez-vous vécu cette année 2020 ?

Eric Baetens :
Un peu comme tout le monde, j'ai connu l'arrêt de l'activité, puis géré les rapatriements.

Après tout ça est venue la gestion de l'ordonnance et des reports. Je fais exclusivement du sur-mesure, donc les reports n'ont pas été faits. L'opération se fera au fur et à mesure de la réouverture des destinations.

Je n'ai pas perdu mon temps, car il y a l'aventure Respire, je me suis rapproché d'ATR avec qui j'ai suivi des formations. De mon point de vue, je ne pense pas que je ferai partie des plus affectés par la crise, en ne faisant que du sur-mesure.

Dès le début de la crise, je me suis préparé à ce que cela dure longtemps. Je n'ai pas de salariés, peu de charges fixes, je peux tenir assez longtemps. Ma crainte est plutôt au niveau des compagnies aériennes et les acomptes versés aux réceptifs. Je vais y laisser quelques plumes.

Dans l'ensemble je ne suis pas le plus à plaindre, notamment dans les pays avec lesquels je travaille.

TourMaG.com - Même si le gouvernement français peut toujours faire mieux pour aider le secteur, ailleurs ce n'est pas le cas...

Eric Baetens :
C'est sûr, mais nous ne nous rendons pas compte de l'importance de notre activité dans certains pays.

Il y a les personnes avec qui nous travaillons en direct, comme les guides ou les réceptifs, mais dans certaines destinations, le tourisme représente un poids très important.

Parfois un employé qui travaille pour l'industrie touristique fait vivre tout un village et nous l'oublions. Nous sommes relativement bien lotis par rapport à ce qu'il se passe à l'étranger.

Je ne travaille pas avec les tour-opérateurs, mais plutôt avec des réceptifs, voire même sans, selon les destinations. Suite aux dernières aides que j'ai reçues, comme le fonds de solidarité, je me suis dit que je devais faire quelque chose pour mes partenaires et prestataires.

Autant 150 euros pour moi ce n'est rien, mais dans certains pays, cela peut être conséquent.

Après c'est sûr que donner 100 euros à un réceptif en Suisse n'aurait servi à rien. Une telle somme dans certains pays en Asie, Afrique ou Amérique du Sud représente quelque chose de conséquent.

"La grande famille du tourisme doit marcher dans les deux sens"

TourMaG.com - Comment vous choisissez-vous vos réceptifs ?

Eric Baetens :
J'ai décidé d'allouer une certaine somme pour ce projet. Parmi tous les réceptifs, j'en ai choisi quelques-uns, à la fois dans des pays où la situation est très compliquée et quelques partenaires.

Pour certains réceptifs, je n'ai même pas de dossier chez eux, je ne voulais pas que ce soit une monnaie d'échange.

Aujourd'hui j'ai identifié 12 pays différents, avec 10 actions déjà concrétisées et deux où les prestataires réfléchissent. J'ai même eu des personnes qui m'ont dit de consacrer l'argent à d'autres pays, plus en difficultés.

TourMaG.com - Qu'entendez-vous par actions ?

Eric Baetens :
Et bien j'ai demandé à des prestataires de trouver des actions pour utiliser les sommes allouées, que ce soit auprès d'associations locales ou directement auprès des salariés.

L'objectif étant de savoir à quoi sert l'argent.

Par exemple, mon réceptif en Namibie travaille avec une association locale (cagnotte) qui aide des rangers à protéger les animaux contre le braconnage.

Il va reverser une partie de la somme à l'association. Si nous ne les aidons pas, le braconnage va reprendre et s'il n'y a plus de faune sur place, il n'y aura plus de tourisme et donc plus d'agences de voyages en France.


Ce n'est pas toujours une action directe pour le tourisme, mais parfois indirecte.

Au Pérou, le réceptif va aider une association pour aider les enfants des rues, bien souvent les voyageurs quand ils se rendent dans le pays, ils vont à la rencontre de cette association. Ils sont allés acheter immédiatement de la nourriture.

Au Sri Lanka, une partie de l'argent ira pour les chauffeurs afin qu'ils puissent démarrer la création d'un potager.

Je voulais des actions cohérentes.

TourMaG.com - Vous avez décidé d'accorder un montant fixe, par réceptif, mais à quoi correspond cette somme ?

Eric Baetens :
Le total fera environ 2 000 euros, donc 150 euros sous forme de don multipliés par 12, c'est une somme qui a un sens. Je me suis renseigné pour savoir ce que cela représenterait pour le pays.

Au Vietnam, cela correspond à un salaire moyen durant un mois. Ainsi, je me suis dit que 150 euros, ce n'est ni trop, ni trop peu.

Par rapport à ce que je reçois, sur les aides d'octobre et novembre, réallouer 2 000 euros, cela me semble cohérent. Après j'ai conscience que des acteurs ont travaillé dur pour obtenir ces aides de l'Etat et qu'ils veulent utiliser ces sommes pour leur entreprise.

Nous parlons toujours de la grande famille du tourisme, à un moment donné, il est indispensable de montrer que cela marche dans les deux sens. Quelque part je contribue indirectement et modestement à l'avenir du tourisme.

"Nous allons nous retrouver avec une demande, mais sans offre en face"

TourMaG.com - A part une cagnotte lancée pour aider un réceptif, il est dommageable de constater que vous soyez l'un des rares acteurs à vous pencher sur la question...

Eric Baetens :
J'ai vu passer l'action du CDMV pour l'Institut Pasteur, c'est une très belle chose, mais cela n'a pas de lien direct avec le tourisme.

Les réceptifs étaient heureux, mais aussi surpris, car c'est la première fois qu'un acteur faisait un tel geste. Je me dis que si moi, avec mes petits moyens, je suis en mesure de les aider, je ne comprends pas que les grosses entreprises du secteur ne fassent rien.

Il est possible de les aider en allouant tous types budgets, surtout que la responsabilité et la raison d'être des entreprises sont au cœur des préoccupations de maintenant. Sauf que je ne vois rien passer à ce sujet.

Chacun peut faire à sa mesure. Je vais communiquer mon action à mes clients, pour qu'ils sachent à quoi sert leur argent. Les voyageurs sont sensibles à cette transparence et à la responsabilité.

TourMaG.com - Quels échos avez-vous eu tout au long de l'année des réceptifs avec lesquels vous travaillez ?

Eric Baetens :
J'ai essayé de garder un lien, en leur demandant comment ils envisagent la suite.

Généralement, ils peuvent tenir, en ayant mis des salariés en chômage partiel, mais ça ne va pas être simple. Il ne faut pas oublier que des personnes n'étaient pas salariées, elles se retrouvent sans aucun revenu.

Ils se sont mis en hibernation, en minimisant les charges, mais ils ne sont pas (ou peu) aidés. Après par chance, je n'ai eu aucun réceptif qui m'a dit que c'était la fin pour lui. Bien souvent ce sont des Français installés à l'étranger.

Par exemple, j'ai un réceptif basé en Inde, géré par une Française qui a dû vendre sa maison, c'est une chose que nous ne voyons pas encore en France.

TourMaG.com - Si les structures survivent, les petites mains du tourisme n'ont plus de ressources dans bien des pays. C'est à se demander dans quel état nous allons retrouver l'industrie à la reprise.

Eric Baetens :
Les Français ont envie de partir, mais si nous n'avons plus rien à vendre, car les réceptifs ont mis la clé sous la porte, qu'allons nous-faire ? Mon action, même à petite échelle, revêt l'intérêt et la volonté de maintenir en vie le tourisme.

C'est un vrai sujet.

Le réceptif mexicain à qui j'ai versé une aide soutient une communauté indienne dans le Chiapas. Cette dernière, non seulement elle n'a vu personne pendant 8 mois à cause de la covid-19, mais en plus elle a eu des inondations ayant totalement détruit l'hôtel.

Il y a des situations bien pires que les nôtres. Imaginez que demain le tourisme reparte, mais qu'il n'y a plus l'hôtel à proximité du site archéologique, ce ne sera pas pareil.

Demain, nous allons nous retrouver avec une demande, mais sans offre en face. Je trouve que nous n'ouvrons pas assez les yeux sur ce sujet. Je comprends que les acteurs pensent avant tout à leur survie, mais il n'y a pas que ça, il faut regarder plus loin.

"Il ne faut pas rêver, il y aura moins d'agences de voyages..."

TourMaG.com - Autant les syndicats de la profession ont été très actifs sur le domaine des aides, autant ils ne débattent pas sur ce genre de situations, ni de problématiques. Pensez-vous que la question doit être relevée au niveau national ?

Eric Baetens :
Je ne sais pas qui doit prendre le sujet en main.

Encore une fois, si chacun fait sa petite action, cela peut aider et peut-être suffire, sans pour autant être une injonction de tout en haut. Après, sauver son business commence aussi par les réceptifs et les prestataires.

TourMaG.com - Sentez-vous une rancœur par rapport à l'oubli des acteurs français ?

Eric Baetens :
Oui, en quelque sorte.

J'ai un prestataire qui était un peu véhément en lisant les Français râler car ils ne toucheraient que 85% de leur salaire en raison du chômage partiel. Ils se rendent aussi compte de la différence de traitement entre la France et les autres pays : le décalage est énorme.

Le voyage est une ouverture d'esprit, il faut aussi être au courant de ce qu'il se passe chez nos prestataires.

TourMaG.com - Êtes-vous optimiste pour l'avenir du tourisme ?

Eric Baetens :
Je suis optimiste, mais je pense qu'il y aura une contraction du marché.

Regardez les chiffres sur le retour à la normale de l'aérien, dont nous sommes très dépendants, le retour ne se fera pas du jour au lendemain. Il ne faut pas rêver, il y aura moins d'agences de voyages, car il y aura tout simplement moins de demandes.

J'ai l'impression que nous nous voilons un peu la face.

Le mail envoyé par Eric à ses réceptifs :

Bonjour,

Nous avons eu l'occasion ces dernières années de coopérer ensemble sur quelques dossiers. Je ne vous apprendrai rien quant aux conséquences de la covid-19 sur nos activités respectives, mais je suis bien conscient qu'en France nous sommes relativement privilégiés notamment grâce aux différentes aides allouées par l'Etat (en particulier les dispositifs de chômage partiel et le fonds de solidarité qui a été récemment significativement augmenté).

Dans ce cadre, et parce que la situation financière d'Eric&TheTrip le permet, je propose si vous en êtes d'accord, de vous soutenir à la hauteur des modestes moyens de ma petite société en "redistribuant" une petite partie de l'aide que je perçois, sous forme d'un "don" identique de 150€ à chacun d'entre vous.

Je suis bien conscient que la défense du secteur du tourisme doit se penser "globalement", et que pour limiter au maximum le fameux "effet Domino", un minimum de solidarité s'impose.

En vous soutenant même modestement j'espère contribuer à la fois à la pérennité de votre structure, à l'avenir de vos salariés, mais également évidemment au développement d'un tourisme local évidemment durable/responsable. En vous soutenant, bien sûr j'espère également contribuer indirectement à me "protéger" en vous aidant humblement à traverser ce long tunnel (notamment pour ceux d'entre vous à qui j'ai déjà versé acomptes/soldes pour des voyages reportés/annulés suite covid 😉 !) et également renforcer notre partenariat.

N'y voyez aucun piège, ni "coup tordu" à venir, l'idée m'est simplement venue la semaine passée suite aux dernières aides assez généreuses "concédées" par l'Etat...

Je suis conscient également que cette somme est très modeste, et que selon le niveau de vie dans vos pays respectifs ce ne sera sans doute qu'une goutte d'eau dans l'océan de vos difficultés.

Evidemment, je souhaite que ce don "ait un sens" et qu'il puisse se matérialiser concrètement autrement que par une simple ligne dans votre bilan... Vous avez sans doute de nombreuses idées en tête, et j'accueillerai toutes vos idées avec enthousiasme.

Cela pourrait aller d'un soutien personnalisé à un de vos chauffeurs, salariés, guides..., et/ou à des initiatives locales/projets auxquels vous avez déjà pensé mais que la situation actuelle vous empêche de soutenir économiquement.

Il est important que l'on puisse "tracer" le devenir de ce don, et bien évidemment je souhaiterais que nous puissions communiquer ensemble à ce sujet lorsque vous aurez identifié son utilisation, ne serait-ce que pour encore une fois très modestement montrer la voie à d'autres (et le cas échéant à nos "clients/voyageurs) et prouver (rêvons un peu...) que la solidarité internationale entre pros du tourisme n'est pas qu'un vain mot (ce sera la seule contrepartie !).

Si vous pensez que mon initiative est hors de propos, inutile, voire inopportune, n'hésitez également pas à me le dire, je ne m'en offusquerai aucunement... La situation et le contexte de chacun et de chaque pays sont j'imagine très différents et je vous laisse apprécier la pertinence (ou pas !) de ma proposition.

Merci d'avance pour votre retour, et à très bientôt j'espère !

Romain Pommier Publié par Romain Pommier Journaliste - TourMaG.com
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Commentaires

1.Posté par Christophe le 18/12/2020 11:03 | Alerter
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Bravo Eric ! ton action fait éloge à cette génération de voyagistes qui travaillent en relation étroite avec les acteurs à destinations. Si tu as compris que la profession ne s'arrête pas aux limites de notre hexagone, tu as aussi compris ce qu'attend tes clients dans ton implication avec le terrain de leurs loisirs.

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