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FUTUROSCOPIE - Les « solos » : un segment en progression permanente

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


On les appelle les « solos » et l’on en a fait un segment à part de la clientèle touristique. A raison. Leur nombre ne fait qu’augmenter. En France, on estime le nombre de ménages d’une personne à plus de 10 millions. Une évolution d’autant plus marquante que les normes ont changé et que le fait de vivre seul n’a plus rien de déshonorant. Au contraire. Vivre seul peut être vécu comme un signe d’autonomie. Pour les femmes surtout, il correspond plus à un choix assumé plutôt que subi.Tour d’horizon…


Rédigé par Josette Sicsic le Jeudi 9 Septembre 2021

21% de la population française des 26 à 65 ans est constituée de personnes seules -Depositphotos.com - stevanovicigor
21% de la population française des 26 à 65 ans est constituée de personnes seules -Depositphotos.com - stevanovicigor
Tous les « solos » ne peuvent être confondus. En dehors de nombreuses différences, il existe aussi une population de personnes « isolées » évaluée à 7 millions d’individus. Un chiffre lui aussi en pleine expansion depuis 10 ans.

Première difficulté : Comment comptabiliser les « solos » puisque le statut familial n’est pas le seul indicateur. On peut être marié et vivre seul. On peut vivre seul et avoir un compagnon.

On peut aussi vivre à plusieurs et avoir un conjoint… Difficile dans cette situation de fournir des statistiques précises. Basons-nous donc sur l’enquête Ined qui considère que 21% de la population française des 26 à 65 ans est constituée de personnes seules.

Et que les hommes et les femmes s’y retrouvent dans les mêmes proportions. Prenons aussi en considération les chiffres de l’Insee qui évaluait en 2017 à 10,4 millions les personnes vivant seules, contre un peu plus de 7 millions en 1999.

Ces chiffres précisent surtout l’explosion de cette population en 40 ans : elle aurait doublé ! A titre indicatif, les ménages de 2 personnes sont moins nombreux : 9,4 millions la même année.



Autre point : la vie célibataire est plus courante dans les milieux modestes. C’est vrai pour les hommes et pour les femmes, bien que moins marqué pour ces dernières. De façon graduelle, les proportions de personnes hors couple diminuent lorsque l’on s’élève dans l’échelle sociale. Ainsi, 29 % des ouvriers et 24 % des ouvrières sont célibataires, contre 13 % des hommes cadres et 18 % des femmes cadres.

Enfin, en Europe : on estime à 35% le nombre des ménages d’une personne. Aux Pays-Bas, on en compte 37%. Au Royaume-Uni : 29%. Au Canada : 28%. Aux USA, selon le Pew research, les « single »s sont 31% aux USA avec un pic parmi les plus de 65 ans. Et la Chine n’est pas épargnée avec 200 millions de personnes vivant seules, notamment des femmes. Rappelons-le, les touristes chinois sont des Chinoises !

Quant aux grandes villes, elles sont un repaire de « solos ». Paris, selon des chiffres datant de 2016, compterait 51% de ses habitants déclarés comme tels, contre une moyenne de 42% en Ile-de-France. Phénomène très urbain, New York n’est guère plus mal lotie avec 53% de célibataires.

Des besoins spécifiques, des voyagistes sur les rangs

Quantitativement massive, cette population a donc fait très tôt, l’objet d’un marketing intensif répondant à ses besoins spécifiques, notamment en matière alimentaire ( les mini portions en surgelés et plats cuisinés), les cosmétiques et autres tubes de dentifrice, les automobiles et surtout le logement.

Quant au secteur du tourisme, il a également eu particulièrement à cœur de cibler ce marché en dépénalisant les voyageurs en solos ( par des suppléments excessifs) et en créant quelques tour-opérateurs ( souvent en ligne), désireux de répondre à la demande de certains d’entre eux.

Cpournous, pionnier, a été créé en 2002 ! Et 20 ans après, il est toujours là, proposant des voyages en petits groupes pour des tranches d’âge variables mais bien précisées sur chaque offre, et des séjours en clubs.

Parfois même, des clubs où ne s’inscrivent que des célibataires !

Un site comme https://www.tripsavvy.com/best-tour-companies-for-singles-4160073 fournit quant à lui une étude exhaustive de l’offre existante qui, outre les fondamentaux du voyage comme la découverte, se concentre sur une offre de convivialité et de rencontres, pouvant d’ailleurs largement déborder le cadre du voyage et se fondre dans celui d’une véritable communauté active à l’année, à laquelle sont proposées également des sorties.

Cpournous : entretien avec Gilles-Marie Stauff, DG

Gilles-Marie Stauff
Gilles-Marie Stauff
Futuroscopie : Combien avez-vous fait partir de « solos » en 20 ans ? Et qui sont-ils ?

GMS :
En 20 ans, environ 45 000, soit environ 2000. Mais ce qui est intéressant c’est que nous progressons en année normale de 15 % environ. Parmi cette clientèle, les femmes représentent 70% et les hommes environ 30%. Une différence qui s’explique par le fait que les femmes aiment organiser leurs vacances à l’avance, les anticiper alors que les hommes nettement moins organisés, ont tendance à prendre leur temps et à attendre la dernière minute !

Futuroscopie : Quel âge ont vos clients ?

GMS :
L’âge moyen se situe entre 40 à 65 ans. Je dirai donc la cinquantaine. Mais, rarement au dessous de 40 ans car avant la quarantaine, on a généralement des copains célibataires avec qui voyager. J’ajouterai à ce sujet que le pire pour un « solo » est de voyager avec des copains déjà en couples. Je voudrais aussi signaler que nous avons un gros turn-over car nos clients font souvent des rencontres pendant leurs voyages. Ils n’ont donc plus besoin de nous !

Futuroscopie : Quelles évolutions sont les plus flagrantes ?

GMS :
La plus grande évolution provient du changement d’image des « solos » qui, dés la création de Meetic ont changé leur regard sur eux-mêmes et changé la perception sociale des « solos ». Libérés, ils ont contribué à libérer les agents de voyages dédiés à cette clientèle.
Nous avons aujourd’hui une clientèle qui s’assume.
Quant aux produits qui marchent le mieux, ce sont ceux sur la France, tous territoires confondus, séjours comme circuits découverte au cours desquels nous proposons bon nombre d’activités à partager… La lenteur s’est aussi confirmée comme une demande massive…

Pour en revenir aux spécificités comportementales de ce segment, on estime que 50% des « singles » américains, toutes catégories confondues, ne sont pas en quête de « dating ». Ils seraient plutôt bien tout seuls.

Et en France ? Eh bien, surprise, surprise, le constat est comparable : selon une enquête de l’Ined ( 2020), seule une minorité des célibataires rapporte un effet négatif du célibat sur leur vie quotidienne ou sociale. Quelle que soit la dimension abordée, les femmes comme les hommes ne sont que 23% à estimer que leur célibat ne change rien ni dans le domaine des vacances ni dans celui des loisirs (17%) !

En revanche, les jeunes trentenaires n’aiment pas être célibataires. Globalement, selon l’Ined, les jeunes de 30 à 34 ans, hommes comme femmes, sont au contraire ceux qui rapportent l’expérience la plus mitigée, voire négative, de leur célibat.

Ils sont moins nombreux à le dire « choisi » (22 % contre 46 % de l’ensemble des célibataires de 26-65 ans) et, ils sont plus nombreux à se sentir souvent ou parfois exclus du fait de ne pas être en couple (40 % contre 32 %) : le célibat pèse donc autour de la trentaine.

Les marchés spécifiques : seniors, familles monoparentales, LGBT…

Mais, il est d’autres caractéristiques. A l’intérieur de cette imposante population, notons enfin des marchés spécifiques (déjà évoqués ou qui le seront dans des articles à venir ). Parmi les plus vulnérables : les parents en situation de monoparentalité, résidant avec un enfant de moins de 15 ans, qui sont surtout des mères.

Celles-ci déclarent davantage leur vulnérabilité en matière de vacances. Ces ménages sont plus de 1.5 millions. Nous y reviendrons. Le marché gay et lesbien est aussi très volumineux. Mais celui-ci est ciblé par les opérateurs touristiques avec pertinence. Quant à celui des femmes, il l’est également par des voyagistes spécialisés.

Les isolés : une population fragile en progression elle aussi

Enfin, quelques mot sur une étude du Credoc parue en 2020, qui a fait sensation : elle révélait que plus de 7 millions de personnes résidant en France sont en situation d’isolement relationnel. Un phénomène spectaculaire par son ampleur, mais aussi par sa diffusion dans des catégories sociales auparavant moins touchées par l’isolement. En effet, on compte 3 millions de personnes seules en plus depuis 2010. Un chiffre impressionnant et alarmant. D’autant que, si les ménages modestes et les personnes âgées restent la cible privilégiée de l’isolement relationnel, les classes moyennes supérieures et les jeunes sont également de plus en plus concernés par le sujet.

Dans un contexte de hausse des dépenses contraintes, les individus aux budgets serrés voient donc leurs marges de manœuvre se réduire pour les dépenses liées aux loisirs, aux vacances ou encore aux sorties. Les isolés, plus souvent précaires, disposent également de conditions de logement moins favorables, rendant plus difficile les possibilités de recevoir du monde chez soi.

Pourtant, attention, les mêmes précisions s’imposent : les « isolés » ne sont pas forcément des célibataires. En janvier 2020, 56% des personnes isolées sont mariées ou pacsées, 32% sont célibataires. En 2020, les trois quarts des personnes isolées (77%) habitent avec d’autres personnes (enfants, conjoint, colocataires, parents, etc.), soit une proportion identique à celle enregistrée en population générale. L’isolement relationnel n’est donc pas lié au fait de vivre seul et la cohabitation ne protège pas non plus du risque d’isolement.

En fait, l’isolement se nourrit bien souvent de la combinaison de plusieurs facteurs : un faible budget, un cadre de vie ou un logement peu satisfaisant, une mobilité difficile, un état de santé physique ou psychologique dégradé. S’y ajoutent les défaillances du cercle familial et de l’emploi. Dernier point et non des moindres, cette population est marquée par un très sentiment d’insécurité et une mise en retrait face aux différentes formes de participations à la vie de la cité. Même l’outil Internet est très peu utilisé pour étoffer leur sociabilité défaillante…

Pour en savoir plus :
Couples (et pas en couple) : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/couples-menages-familles/couples_menages_familles/
- Ménages selon le nombre de personnes : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/couples-menages-familles/menages/
- ménages selon la structure familiale : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/couples-menages-familles/structure-menages/

Voir également le site de l'Insee (avec des données pour 2018) :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/5395886

Vivre célibataire : des idées reçues aux expériences vécues / Marie Bergström, Géraldine Vivier
Dans : Population et sociétés, n°584, décembre 2020
https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/vivre-celibataire-des-idees-recues-aux-experiences-vecues/

Josette Sicsic
Josette Sicsic
Journaliste, consultante, conférencière, Josette Sicsic observe depuis plus de 25 ans, les mutations du monde afin d’en analyser les conséquences sur le secteur du tourisme.

Après avoir développé pendant plus de 20 ans le journal Touriscopie, elle est toujours sur le pont de l’actualité et décode le présent pour prévoir le futur. Sur le site www.tourmag.com, rubrique Futuroscopie, elle publie plusieurs fois par semaine les articles prospectifs et analytiques.

Contact : 06 14 47 99 04
Mail : touriscopie@gmail.com

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