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Impact du transport aérien sur le climat : pourquoi il faut refaire les calculs

l’avion ressort en tête du classement des modes les plus polluants


L’impact du transport aérien sur le changement climatique a fait ces derniers mois l’objet d’une polémique croissante. Au-delà du débat sur la fiscalité se pose la question de la durabilité de ce mode de déplacement. Cet article a été rédigé avant la pandémie du Covid-19. Une sorte d'"avant-après" qui permet de mieux évaluer ce qui pourrait être changé...


Rédigé par Aurélien Bigo le Samedi 2 Mai 2020

Les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien sont largement sous-évaluées. Eric Cabanis/AFP
Les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien sont largement sous-évaluées. Eric Cabanis/AFP
On questionne la pertinence de maintenir les lignes aériennes en Europe, voire la responsabilité des voyageurs, dans le sillage des Suédois qui se détournent de plus en plus de l’avion sous l’effet de la taxation des billets et de l’émergence de la « honte de voler ».



Cette situation mérite qu’on regarde les chiffres de plus près : quel est l’impact d’un trajet en avion, et plus généralement du transport aérien au niveau mondial ? Quelles perspectives d’évolution du trafic ? La technologie permettra-t-elle de limiter les émissions de manière suffisante ?



Un trajet 1 500 fois plus émetteur qu’en train



Pour comparer l’impact climatique des différents modes de transport, les chiffres les plus utilisés sont ceux des émissions de CO₂ par voyageur au kilomètre, c’est-à-dire les émissions pour un voyageur parcourant un kilomètre grâce à ce mode de déplacement.



Sur ce critère, l’avion ressort en tête du classement des modes les plus polluants, dans des proportions similaires à la voiture individuelle et avec des émissions de l’ordre de 45 fois supérieures au TGV (ou 15 fois pour la moyenne des trains longue distance). Cela permet d’illustrer, par exemple, qu’un voyage Paris-Marseille aura le même impact en avion que pour une personne seule en voiture, mais un impact 45 fois plus important que s’il était réalisé en TGV.






La barre de gauche représente la moyenne pour le mode, celle du milieu en hachuré seulement pour les déplacements à courte distance, et à droite les déplacements longue distance qui sont plus directement comparables à l’aérien en termes de motifs.
Aurélien Bigo/Données Ademe et ENTD, CC BY-NC-ND



On pourrait ainsi penser que l’avion et la voiture ont des impacts similaires. Sauf que la rapidité de l’avion lui permet d’atteindre des distances lointaines en très peu de temps. Alors que personne n’imaginerait faire un aller-retour Paris-Marseille en voiture dans la journée ou partir en Chine pour cinq jours, c’est justement ce que permet l’avion !



Un second critère à examiner concerne donc les émissions par heure de trajet. Une personne prête à faire 10 heures de trajet pour partir en vacances traversera la France ou atteindra un pays voisin si elle part en voiture, en train ou en car. Opter pour l’avion lui permettra de partir sur un autre continent.



Cette vitesse implique que le trajet moyen en avion est de 2 400 km, loin devant les autres transports dont les trajets à longue distance sont généralement de l’ordre de 300 km et de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres tous trajets confondus. Monter dans un avion est ainsi loin d’être anodin en matière d’impact climatique comparé aux autres modes de transport.






Émissions de CO₂ par heure de transport puis par trajet, en fonction du mode de transport.
Aurélien Bigo/Données ADEME, ENTD, CGDD, Arafer, Omnil., CC BY-NC-ND



Alors que les émissions d’un kilomètre en avion équivalent à peu près à un kilomètre effectué seul en voiture, une heure en avion est 13 fois plus émettrice qu’une heure en voiture. Monter à bord d’un avion rendra votre trajet 125 fois plus émetteur en moyenne que de monter dans une voiture ; et plus de 1 500 fois plus émetteur que de monter dans un train…



Un impact sous-évalué



Calculer son bilan carbone personnel sur une année permet de se rendre compte de ce très fort impact, à l’échelle individuelle, d’un trajet en avion à longue distance. Par contraste, si l’on se place au niveau français ou mondial, l’impact climatique du transport aérien peut paraître relativement faible.



Si l’on regarde les statistiques françaises, les émissions de CO₂ de l’aérien représentent ainsi seulement 2,8 % des émissions des transports et 0,8 % des émissions totales de gaz à effet de serre en 2016. Ces faibles chiffres s’expliquent par le fait que seuls les trajets internes à la France sont comptés (outre-mer compris). Les transports aériens et maritimes internationaux ne sont en effet pas pris en compte dans les chiffres des conférences des Nations Unies sur le climat.



Par conséquent, le secteur se fixe ses propres objectifs climatiques (forcément peu contraignants) via l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), et les inventaires nationaux des émissions reflètent donc un périmètre purement national.



Pourtant, compter les trajets internationaux multiplie par six l’impact de l’aérien pour la France, pour le faire passer à 13,7 % des émissions des transports et 4,4 % des émissions totales du pays.



Au niveau mondial, l’aérien représente en 2015 environ 11 % des émissions de CO₂ des transports, soit 1,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre.



Outre le CO2, d’autres effets réchauffants



Un deuxième biais d’analyse réside dans le fait que les émissions de CO2 ne représentent qu’une partie de l’impact climatique de l’aviation. Parmi les autres effets les plus significatifs, les oxydes d’azote (NOx) émis dans la haute atmosphère entraînent une réduction de la quantité de méthane (CH4) et une production d’ozone (O3), deux gaz à effet de serre, ainsi que les traînées de condensation et les cirrus (nuages de la haute atmosphère) qui ont tous deux un effet réchauffant.



Sans même compter la contribution des cirrus, dont l’estimation reste très incertaine, l’effet réchauffant des émissions de l’aérien, appelé forçage radiatif, est ainsi deux fois plus fort qu’en prenant en compte seulement le CO2. Il conviendrait donc de multiplier par deux l’ensemble des chiffres indiqués dans cet article pour mieux refléter l’impact climatique de l’aérien comparé aux autres modes.



Une estimation du pouvoir de réchauffement (mesuré en forçage radiatif) de l’aérien en 2005 amenait ainsi à une estimation moyenne de 3,5 % du forçage radiatif des activités humaines, et même 4,9 % en intégrant l’impact estimé des cirrus.





Perspectives insoutenables et pas d’alternatives technologiques



Au-delà de la part que représente le secteur aujourd’hui, c’est aussi sa croissance qui inquiète d’un point de vue climatique. L’association du transport aérien international (IATA) prévoit une croissance du trafic passager de +3,5 %/an et une multiplication par 2 du trafic d’ici 2037. À ce rythme, on serait tenté de se tourner vers la technologie pour voler au secours de l’impact climatique de l’aérien.



Pour ce secteur, toutefois, aucune option technologique n’est disponible à suffisamment court terme et à l’échelle nécessaire : l’avion électrique n’est pas pour demain, et serait forcément limité aux courtes distances en raison du poids des batteries ; l’hydrogène nécessiterait une rupture technologique ; même dans les scénarios les plus optimistes, les agrocarburants ne représenteraient que 20 % des carburants aériens en 2040, non sans concurrence avec les autres usages des terres et de la biomasse. Enfin, le secteur s’est fixé pour objectif d’améliorer l’efficacité énergétique des avions de 1,5 % par an entre 2009 et 2020, rythme très insuffisant pour compenser des hausses de trafic de +3,5 %/an.



Même en additionnant les contributions possibles de l’efficacité énergétique (ici supposée se maintenir à -1,5 %/an) et des agrocarburants (en négligeant leur impact à la production), un doublement du trafic impliquerait une hausse des émissions d’au moins 18 % d’ici 2037.



Pour rappel, les scénarios du GIEC nous indiquent qu’il faut diminuer les émissions globales de CO2 de 20 % d’ici 2030 par rapport à 2010 (davantage encore par rapport à aujourd’hui, les émissions ayant augmenté depuis) pour rester sous les +2 °C de réchauffement, et les diminuer de 45 % d’ici 2030 pour rester sous les +1,5 °C.



Freiner la croissance du trafic



Aligner le transport aérien sur l’objectif de l’Accord de Paris devrait donc passer par une remise en cause des hausses du trafic. Ce changement peut passer en partie par des changements de comportement individuels (voyager moins loin, moins souvent, privilégier d’autres modes), mais devra aussi passer par une régulation plus forte au niveau international pour donner les bonnes incitations et faire payer au secteur le prix de sa pollution.



Au contraire, une forte hausse des émissions de l’aérien consisterait à reporter l’effort sur d’autres secteurs, ou pire encore, à nous éloigner un peu plus de l’objectif de maintenir un climat vivable pour les prochaines décennies.



De manière conscientisée ou non, la place que l’on donnera à l’aérien à l’avenir reflétera donc un choix sociétal et éthique : parmi les changements à opérer pour atteindre un monde neutre en carbone, est-on prêts à sacrifier quelques trajets en avion pour préserver des conditions de vie acceptables dans les décennies à venir ?The Conversation



Aurélien Bigo, Doctorant sur la transition énergétique dans les transports, École polytechnique



Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.




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Commentaires

1.Posté par Etienne le 02/05/2020 15:08 | Alerter
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Merci pour cet article intéressant. J'ai 3 remarques : 1/ Les bateaux de croisières ne sont jamais pris en compte dans les études comparatives alors qu'ils explosent tous les compteurs, pourquoi ?? 2/ Comme précisé dans l'article, l'aérien représente 1,5% des émissions totales de gaz à effet de serre, 3% si le trafic double d'ici 20 ans, ce n'est donc pas un combat prioritaire au regard des 97% restants, ne mettons pas trop de bâtons dans les roues du secteur ! 3/ Pourquoi ne pas mettre en avant l'impact sur la santé plutôt que sur le climat ? Cela parlerait +

2.Posté par Didier_69_ le 02/05/2020 20:37 | Alerter
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Votre comparaison avec la voiture est douteuse, d'abord parce qu'elle peut être électrique alors que l'avion ne le peut pas, mais surtout on part rarement en vacances seul ! Un couple en voiture, même en voiture thermique, rejete donc deux fois plus de CO2 en prenant l'avion. Et une famille avec 2 enfants émet 4 fois plus de CO2 en prenant l'avion. Dans mon cas, nous ne prenons JAMAIS l'avion, et nous voyageons à 5 en voiture électrique. Vous pourriez répondre que peut de gens ont une routière électrique en 2020, mais votre article parle de l'avenir alors...

Mais votre article oublie un second point. De nos jours les gens prennent l'avion comme les générations précédentes prenaient leurs voitures, pour une réunion, pour des vacances, voire pour un WE, tous ces trajets sont inutiles. Alors quelque soit l'influence du transport aérien sur le réchauffement, le fait que 95% des vols sont inutiles alors que des millions de personnes vont mourir du fait de la crise climatique est tout simplement injustifiable. Le transport aérien devrait être réservé aux urgences notamment sanitaires. On ne peut pas demander aux masses de faire d'énormes efforts et laisser une minorité voler pour passer un WE à Barcelone ou une semaine aux Caraïbes. Ceux qui ne le comprennent pas n'ont simplement pas du tout réalisé l'amplitude des efforts nécessaires et des conséquences sur la vie de monsieur tout le monde.

3.Posté par Aurelien Desseaux le 03/05/2020 08:50 | Alerter
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Sincèrement je travail dans l'aérien depuis 16 ans ans et cette article c'est du grand n'importe quoi.

Le train, la voiture, le bateau moins polluants.. Déjà le nucléaire est une source énergétique des plus dévastatrice... 2040 quand nous serons tous à la voiture électrique il va falloir recyclé les batteries remplie d'acide..

Le train fait partie également d'une énergie dévastatrice, le nucléaire est la pire chose.

Mais cependant j'ai aucune solution et vous non plus car c'est facile de dire on baisse le trafic aérien c'est pas une solution c'est une illusion.

Ensuite vous faites partie des gens qui changent d'électroménager à tout beau de champs, téléphone portable régulièrement renouvelés vous êtes vous posez la question de garder votre Nokia 3310 il dure une semaine en charge mais par contre pas d'internet... Bah oui faut choisir !!!

Vos solutions de plus prend pas en compte l'économie mondiale, etc...

Quand on décide de changer le monde Monsieur on change tout ou rien car sinon je vois pas l'intérêt de vos écris.

Notre consommation est polluantes, le nombre en constante de la population en augmentation avez vous la solution...

Regarder les voitures électriques aujourd'hui et 2040 quels pays va ramassés nos déchets ?

Tout le monde à vélo.... Voilà c'est simple et complètement illusoire et irréaliste.

Un article doit apporter des solutions, pas le chaos!!!

L' homme causera sa perte et le réchauffement naturel de la planète fera en sorte un jour de remettre les pendules à l'heure... Moi j'ai aucune solution mais de vivre comme bon nous semble.

Et je suis surtout pas un donneur de leçon car à l'échelle nous sommes tous coupables et maintenant pour en revenir à la réduction des vols c'est une connerie tout simplement... Car sa baissera pas cette pollution.

4.Posté par Ortigier le 03/05/2020 12:24 | Alerter
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Votre article, comme hélas tous ceux sur le même sujet, est plutôt simpliste.
Le CO2 est un sujet important mais loin d'être le seul.
On peut déjà se poser la question de l'utilité au sens large de chaque transport utilisant cette énergie.
Pour rester sur l'avion, après cette question à élucider, je vous ferai remarquer que en dehors des aéroports, la nature peut être vierge de toute colonisation humaine.
Ce qui est loin d'être le cas pour les autres transports (en dehors des navires).
Que faites vous de l'entretien des voies ferroviaires et de tous les produits utilisés?
Et des déchets radioactifs à l'origine de la production électrique.
Il serait plus honnête de présenter le problème dans sa globalité, vous y gagneriez en légitimité.

5.Posté par Paco le 03/05/2020 20:59 | Alerter
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Le TGV roule grâce à de l'électricité sale issue du nucléaire.

Beaucoup de TER roulent au diesel.

Je suis désolé mais cette analyse est une pure fumisterie digne du grand n'importe quoi voir du lobby nucléaire.

Comparons sur la durée de vie d'un aéronef en tenant compte de l'énergie nécessaire à sa construction, son utilisation et sa déconstruction.

Et mettons un équivalent CO2 sur l'énergie nucléaire.

On fait dire ce qu'on veut aux chiffres et quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la rage, c'est bien connu.

6.Posté par Jacques Fabry, avioclimatologue le 04/05/2020 09:30 | Alerter
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Une balle dans la tête n'a pas les mêmes conséquences que dix balles dans un pied !!!
Polluant en haute altitude les avions sont beaucoup plus largement et intensément nocifs pour l’environnent et le climat que les voitures qui rampent sur le sol.

7.Posté par Seb le 04/05/2020 10:53 | Alerter
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Cela fait plaisir : voilà un article plus objectif, plus honnête et surtout plus documenté que l'édito du 4 avril 2019 de Dominique Gobert "La case de l’Oncle Dom : Honte de voler en aéroplane ? Et ta sœur !"

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