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#JesuisAgentdevoyages - XI. Eric&TheTrip : "Il y aura un avant-après coronavirus"

#jesuisagentdevoyages, la série


Ils sont sur le pont depuis le début de la crise du coronavirus. Eux, ce sont les agents de voyages qui doivent faire face depuis plusieurs semaines à la fermeture des frontières, aux demandes de remboursements, aux reports et enfin aux rapatriements. Ils ont tous le téléphone vissé à l'oreille et l'ordinateur toujours en veille, prêts à répondre à leurs clients. Aujourd'hui, retrouvez le témoignage d'Eric Baetens, d'Eric & The Trip.


Rédigé par le Mardi 31 Mars 2020

« L’avoir » est pour moi une bonne solution même si évidemment la possibilité pour le client de demander un remboursement sous 18 mois complique la donne - DR
« L’avoir » est pour moi une bonne solution même si évidemment la possibilité pour le client de demander un remboursement sous 18 mois complique la donne - DR
TourMaG.com - Comment vivez-vous cette crise ?

Eric Baetens :
Je suis moins touché que beaucoup d’agences. Mon business model est différent des agences traditionnelles : je travaille seul, je n'ai pas de salarié (je suis en sasu), j'ai peu de charges fixes.

Je n'ai pas d'agence physique, donc pas de loyer. Je me verse un salaire « mini » et des dividendes en fin d’exercice.

Mes coûts marketing sont très faibles, je marche au bouche-à-oreille, et le taux de transformation est très élevé.

Cela dit, je compte bénéficier de l’aide des 1 500 € pour les chiffre d'affaires inférieurs à 1 M€ car, en mars 2020, je suis à zéro.

Je pratique le télétravail de manière « native », donc le confinement n’a pas changé fondamentalement ma manière de travailler : pas de nécessité de reconfigurer des accès pour mes outils pro.

J'ai accès à mes fichiers-données déjà sécurisés aux solutions de paiement à distance Et je communiquais déjà avec mes clients par mail, téléphone, WhatsApp ou Skype, donc rien de neuf !

TourMaG.com - Travailler tout seul peut être compliqué en période de crise. Les chefs d'entreprise ont parfois besoin d'échanger avec leurs pairs ?

Eric Baetens :
J’étais déjà assez actif sur les réseaux sociaux professionnels comme sur le groupe Facebook Helpdesk. Je suis de près les informations et les actualités professionnelles.

Et je réalise pas mal de veille liée au voyage. Mais depuis un mois, le temps passé à cette activité a fortement augmenté : consultation pluri-quotidienne des Conseils aux voyageurs du Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères, notamment durant toute la période où les pays ont peu à peu fermé leurs frontières.

Il y a eu une nécessité d’échanger avec mes pairs dans cette période assez anxiogène et a fortiori lorsque l’on est "seul" comme moi.

TourMaG.com - Que pensez-vous de la solution de l'à-valoir ?

Eric Baetens :
« L’avoir » est pour moi une bonne solution, même si évidemment la possibilité pour le client de demander un remboursement sous 18 mois complique la donne.

Je gère mon entreprise en « bon père de famille » et je suis à même de me protéger.

Les clients me versent des acomptes qui me servent à payer ce que me demandent mes fournisseurs (acomptes de mes réceptifs, vols, certains hébergements ou activités avec paiement préalable) et qui incluent tout ou partie de ma marge : comme mon besoin en trésorerie est relativement faible, la pression n’est pas énorme, à la condition que mes fournisseurs continuent à être solvables et que ne se produise pas le fameux effet domino.

C’est pour cette raison que, par exemple, au niveau de mes fournisseurs réceptifs, je joue également le jeu du report. Ma grande interrogation concerne l’aérien versus des délais de reports incompatibles avec ceux de l’ordonnance.

Cela dit, comme toutes les agences depuis le coronavirus, je dois et j’ai dû affronter les mêmes sujets :

- quasiment pas de demandes nouvelles depuis début mars, mais j’en ai quand même quelques unes, avec des clients qui parviennent à se projeter sur la fin d’année, voire 2021 ;

- des projets bien avancés, essentiellement sur l’été, stoppés nets faute de visibilité

- des reports-annulations pour des voyages prévus d’ici le 30 avril (là c’est clair) ou sur mai-juin, avec des recommandations au cas par cas, l’idée étant « urgent d’attendre »

- des annulations-rapatriements sur du très court terme.

TourMaG.com - Comment voyez-vous l'avenir ?

Eric Baetens :
Je suis convaincu que cette fois il y aura un avant-après coronavirus, davantage par exemple que suite à la « crise du volcan au nom imprononçable ».

Nous allons revenir à des basiques et à la fameuse valeur ajoutée (ou pas) des agence de voyages.

Le service, la réassurance, l’humain, la confiance… vont être (re)mis au premier plan et les agences de voyages vont enfin pouvoir tirer leur épingle du jeu.

Voici un exemple de la valeur ajoutée d'une agence de voyages en temps de crise

Il s'agit d'un voyage au Vietnam pour un couple qui partait initialement du 7 au 22 mars (combiné Vietnam-Angkor, via réceptif, vol inclus).

- 07/02 : Cathay Pacific informe qu’en raison du coronavirus, les vols risquent d’être modifiés : résultat refonte de leur programme, le coronavirus est présent à Hong Kong, pas encore en Europe.

- 08/02 : modification du vol aller Hong Kong-Hanoï obligeant de passer la nuit à Hong Kong et donc de modifier le programme à l’arrivée en lien avec mon réceptif.

- 09/02 : refus des clients et donc re-protection sur un autre vol (modification le jour du départ).

- 12/02 : pour le vol retour, suppression des vols via Gatwick, et donc reprotection via Heathrow ; erreur de Cathay qui oublie de modifier ensuite le vol Londres-Genève (changement aéroport).

- 24/02 : l'employeur de la cliente impose la quatorzaine si elle transite par Hong-Kong.

- 04/03 : remboursement des vols (autorisé par Cathay) et reprotection via une autre compagnie (Thai) pour éviter le transit Hong-Kong et donc re-modification du programme avec le réceptif.

- 07/03 : la cliente reçoit un mail via le portail Ariane à l’aéroport alors qu’elle a déjà enregistré, lui signifiant le risque d’être mis en quarantaine à l’arrivée et m’appelle. Après un entretien avec le réceptif, la consultation du mail du MEAE, la cliente prend la décision de partir quand même.

- 09-10-11 mars : début du séjour, les sites se ferment les uns après les autres et malgré les modifications apportées par le réceptif pour s’adapter à la situation les clients manifestent leur désir d’écourter le voyage.

- 13/03 : les touristes deviennent indésirables dans le pays ; les clients veulent absolument rentrer.

- 14/03 : je parviens avec Aerticket, mon fournisseur billetterie (je ne suis pas IATA), à trouver un vol retour Hanoï passant par Bangkok avec un faible supplément.

- 14/03 : appel de la famille inquiète par rapport à la situation au Vietnam qu'elle a pu voir dans les médias.

- 15/03 : vol Hanoï-Bangkok-Vienne-Genève et retour le 16 mars au matin avant que le Vietnam ne ferme ses frontières.

- 16/03 : arrivée en France et début du confinement le jour même…

Durant toute cette période, j'ai envoyé 50 mails, 200 messages WhatsApp à la cliente, 150 au réceptif, j'ai passé une dizaine d’appels téléphoniques, avec échange-réassurance avant le départ et pendant le séjour. J'ai passé mon temps à évaluer en permanence la situation avec la cliente et le réceptif.

J'ai consulté de manière quotidienne le site du MEAE pour le Vietnam, celui de l'ambassade de France à Hanoï. J'ai effectué 5 modifications de vols ; les modifications de vols et le retour ont été anticipés.

Résultat : zéro surcoût pour la cliente (vs situation actuelle avec tarifs exorbitants) ; une partie des prestations locales perdues (l'assurance ne fonctionne pas) et négociations en cours avec le réceptif pour voir ce qui pourrait être récupéré.

J'ai la chance d’avoir des relations étroites et de confiance avec mes clients et partenaires (réceptifs), sans intermédiaires, qui risquent à un moment donné de rallonger les processus de décision.

Durant toute la période, j’ai eu des questions sans réponse. J'ai pu compter sur l’aide du groupe Helpdesk et même Guillaume Linton, directeur général d'Asia, qui a répondu à une de mes questions, vu que l’on n’est pas forcement spécialisé en rapatriement, rebookings vols, etc.

L’essentiel c’est d’avoir les bons contacts, pas forcément la technicité. J’ai eu la chance au cours de mon parcours professionnel, qui n'était pas dans le secteur du voyage, de gérer des petites situations de crise, avec des réflexes d’ancitipation-prise de décision rapide. C’est utile dans ce type de situation...

Et pour finir sur la « valeur ajoutée » d’une agence de voyages, mes clients partis au Vietnam ne se la pose plus.



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