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La force majeure n’est pas nécessairement une circonstance exceptionnelle

Le cas de Jetair


"Force majeure"... "Circonstances exceptionnelles" ! Deux expressions régulièrement utilisées par les compagnies aériennes pour justifier les retards ou les annulations de vol. Mais juridiquement qu’en est-il exactement ? Est-ce qu’une circonstance exceptionnelle représente automatiquement un cas de force majeure ?


Rédigé par Michel Ghesquière - michel.ghesquiere@skynet.be le Mercredi 24 Janvier 2007

Toute la question en ce qui concerne le niveau des dédommagements et des indemnités qui seraient à payer par une compagnie aérienne ou un TO lorsqu’un vol est annulé ou retardé, consiste souvent de savoir s’il y a eu cas de force majeure et/ou circonstance exceptionnelle.

Avant de voir l’avis des avocats que nous avons interrogé, il est important de faire la distinction entre la force majeure et les circonstances exceptionnelles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les deux termes ne sont pas liés.

Pour Serge Braudo, avocat parisien, « La "force majeure" est la circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de celui qui l'éprouve, qui a eu pour résultat de l'empêcher d'exécuter les prestations qu'il devait à son créancier » (http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/force-majeure.php

Par contre, une circonstance exceptionnelle doit être évaluée au cas par cas. Ainsi, une perte de colis dans une entreprise de transport suite à un accident serait un cas de force majeure qui empêche de le dit colis mais ne serait pas une circonstance exceptionnelle.

Le 8 juillet 2001, la Commission Européenne : « Au regard des opérateurs économiques spécialisés dans ce type de transport, le vol, que celui-ci soit le fait d’un tiers isolé ou de la criminalité organisée, ne représente pas une circonstance exceptionnelle, en ce sens qu’il relève d’événements auxquels chaque opérateur économique de ce secteur peut un jour être confronté. En effet, le vol de ce type de marchandises peut potentiellement, de par la nature même de celles-ci, toucher, tous les opérateurs économiques spécialisés dans ce domaine ».

De même, la Commission Européenne a bien précisé que les « circonstances exceptionnelles » ne jouent qu'en cas d'annulation d'un vol et non pas pour une surréservation ou un retard (il faut donc payer les boissons mêmes pour un simple brouillard). En outre, elle a insisté sur le fait qu'une grève n'est pas une "circonstance exceptionnelle"...

Ce qu’en pensent les avocats

A titre d’exemple concret, nous avons repris le dossier des annulations et retards de vols que le TO belge Jetair et sa compagnie Jetairfly ont eu à gérer en début d’année. Pour rappel, un lapin ayant été aspiré par un moteur d’un Boeing de la compagnie, la chaîne des vols entre la Belgique et les Caraïbes avaient été rompues. Provoquant de nombreux retards et annulations de vols.

Nous avons questionné une demi-douzaine avocats spécialisés en droit du transport ou du tourisme et, autant le dire de suite, chacun à sa vision des choses. Olivier Dugardijn s’est penché sur la position du tour-opérateur. Pour lui, la conclusion ne fait pas de doute : « La force majeure ne peut pas être évoquée car les voyagistes ont une obligation de résultat».

De son côté, Olivier Guyot considère qu'un lapin dans un réacteur doit être considéré comme une circonstance exceptionnelle qui a entraîné un cas de force majeure et que les indemnités se limitent au simple remboursement des séjours non prestés et à l’assistance sur place pour les touristes bloqués outre-mer.

Tandis que M. Van Bellingem, considère qu’il y a lieu d’abord d’analyser le dossier, tout en expliquant que « A première vue, il ne me semble pas qu’il s’agisse d’un cas de force majeure ».

David Sprecher, nous a fait parvenir une petite note : « L'affaire Jetair nous renvoie une nouvelle fois vers le sujet, ô combien de fois évoqué et traité, de la qualification d'événements comme étant des cas dits de force majeure.

Si nul ne peut considérer autrement l'entrée d'oiseaux dans un moteur d'avion comme étant un réel cas de force majeure, il n'en demeure pas moins que la force majeure, de par sa nature, se doit d'être limitée dans le temps compte tenu des circonstances particulières de chaque cas.

Le test appliqué au niveau international étant celui dit de l’ « homme raisonnable» le monsieur tout le monde. Quelques critères dont il faut tenir comptes : (a) La disponibilité d'autres appareils de substitution ; (b) La possibilité ou pas de rerouter les passagers sur des vols réguliers ; etc.…

Dès le moment où un événement cesse d'être qualifié de force majeure on devra s'attendre à ce que les dispositions de textes de lois tels le Règlement Européen 261/2004 et la Convention de Montréal 1999 soient d'applications avec toutes les conséquences financières associées ».


Quant à Catherine Erkelens du cabinet Bird and Bird, elle a préféré nous fournir une analyse succincte du dossier mais très documentée : « La loi belge du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages stipule : l'organisateur de voyages est responsable du dommage subi par le voyageur en raison de non-respect de ses obligations. ( Mais la resp. de l'organisateur de voyages est limitée comme prévue à la Convention de Montréal à maximum. € 3.600 sauf faute intentionnelle /grave).

L'organisateur peut invoquer comme "force majeure" : des circonstances anormales et imprévisibles, indépendantes de la volonté de celui qui les invoque et dont les conséquences n'auraient pas pu être évitées malgré toute diligence déployée.

Pour le lapin dans le moteur, il me semble qu'en effet c'est de la force majeure pour l'organisateur du voyage (une certaine jurisprudence considère le gestionnaire de l'aéroport comme responsable dans des cas d'oiseaux dans le moteur).

Ceci ne veut pas dire que dès que le problème de cas de force majeure s'est présenté, l'organisateur de voyages / compagnie aérienne ne doit pas prendre toutes les mesures raisonnablement possibles pour éviter / limiter le dommage.

Pour la Convention de Montréal : Présomption de responsabilité des compagnies aériennes pour le retard - mais le passager doit, démontrer son dommage – il y aune limitation de la responsabilité, comme on l’a vu, jusqu'à un maximum de +/- € 3.600 pour dommages réels (sauf faute intentionnelle/grave).

La compagnie pourrait toutefois échapper à cette responsabilité. si elle démontre qu'elle a pris toutes mesures raisonnablement requises pour éviter le dommage ou qu'il était impossible de prendre de telles mesures.

Des compagnies ont été considérées non responsables par la jurisprudence lorsqu'elles avaient fait tout ce qui était raisonnablement possible pour prévoir un transport alternatif dans les plus brefs délais. »

Comme on le voit…

On n’est pas sorti de l’auberge… Six juristes devant un cas précis tiennent six raisonnements différents pour arriver à différentes conclusions. Mais comme l’a signalé l’un d’entre eux, le vrai problème se situe dans le fait que la jurisprudence est faible au niveau national et peut être contradictoire au niveau international.

Logique, car si l’on se limite à la seule responsabilité des voyagistes, en dehors de la réglementation européenne, chaque état de l’UE dispose de sa propre législation et donc d’une jurisprudence propre.

Quant à déterminer si un lapin dans un moteur d’avion est un cas de force majeure et une circonstance exceptionnelle, nous dirions : oui, il s’agit d’un cas de force majeure car il provoque une panne d’avion qui empêche celui-ci de voler.

Sans conteste, il s’agit également un cas de force majeure dans le chef des passagers devant utiliser l’avion en panne. Mais par contre, en ce qui concerne les compagnies aériennes, celles-ci ne peuvent, logiquement pas évoquer « une circonstance exceptionnelle », car il arrive fréquemment que des animaux soient aspirés dans les moteurs au moment du décollage des avions.

Tout au plus, les compagnies concernées peuvent se retourner contre les aéroports car il est de la responsabilité de ceux-ci de veiller à ce que les opérations de décollage et d’atterrissage se réalisent sans problème(s).

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Tags : amadeus
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Commentaires

1.Posté par jean-paul champeaux le 26/01/2007 10:43 | Alerter
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C'est le coup du lapin qui tranforme le voyageur en pigeon...

2.Posté par phil le 26/01/2007 21:41 | Alerter
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C'est plutot le passager qui va se pigeonner lui même car, inévitablement, s'il faut indméniser à tour de bras, c'est forcément au fial le client qui devra payer, ou plutot la totalite des clients qui paieront un peu pour les (nombreux) raleurs et les quelques cas où une indemnisation est réellement justifiée...




































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