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Les aventuriers de demain seront-ils différents ?

Décryptage de Josette Sicsic, Futuroscopie


Popularisée par la littérature (Daniel Defoe, Robert Louis Stevenson, Jules Vernes puis Blaise Cendrars, Georges Simenon ou Jack London), l’aventure a d’emblée séduit l’esprit humain grâce à sa part d’extraordinaire, de mystère, d’imprévu. Par les temps qui courent, nombreux sont ceux qui se rêvent en Indiana Jones histoire de conjurer l’adversité. Gageons même qu’ils seront très nombreux dès la crise sanitaire achevée. Mais, au fait, qu’est ce que ce tourisme d’aventure ? Regard rapide…


Rédigé par le Dimanche 15 Novembre 2020

Paradoxalement, l’aventure marketée par des voyagistes s’inscrit donc dans la gamme des séjours haut de gamme, destinés à une clientèle aisée dont les motivations tiennent plus de la volonté de se démarquer du tourisme de masse - DR : Depositphotos, Yarygin
Paradoxalement, l’aventure marketée par des voyagistes s’inscrit donc dans la gamme des séjours haut de gamme, destinés à une clientèle aisée dont les motivations tiennent plus de la volonté de se démarquer du tourisme de masse - DR : Depositphotos, Yarygin
Issu du latin, le terme d’aventure qui, littéralement signifie « ce qui doit arriver » a rapidement gagné le champ du tourisme via une série de composantes illustrant les modes, les humeurs et la technologie d’une époque.

Sur la scène touristique contemporaine, l’aventure a autant consisté à partir en Afghanistan en 2CV, qu’à la voile autour du monde, qu’à dos d’âne en Corrèze.

Illustrant la curiosité, l’originalité, la créativité du voyageur, ce type de voyage « aventure » contenait d’emblée la part de risque indispensable à la singularité du personnage de l’aventurier.



Une part de risque qui, dans certains contextes troublés est fortement débattue. A raison.

France : les voyagistes de l’aventure prolifèrent

Si la contre-culture des années soixante a vu déferler sur les routes du monde les derniers globe-trotters de la « beat generation » puis les hippies foulard au vent, engagés dans une quête d’aventure mi-politique, mi-spirituelle et existentielle, c’est cependant parce que leurs aspirations à « voyager autrement » ont été concrétisées par des personnalités comme Freddie Laker aux USA ou Jacques Maillot et Maurice Freund en France.

Des pionniers qui ont ferraillé pendant des années pour démocratiser le transport aérien et offrir de « petits prix » à une génération pressée de s’élancer à la conquête de terra incognita et d’une iconographie amplement véhiculée par des guides comme Lonely Planet ou le Guide du Routard.

Pendant que Nouvelles Frontières devenait une marque iconique, dans la foulée, une nouvelle génération de voyagistes conscients de l’opportunité de satisfaire ces demandes, est entrée sur la carte touristique par une porte dérobée fermée au tourisme de masse. Les voyagistes de l’aventure naissaient.

- Dès les années soixante-dix, on a en effet assisté partout dans le monde occidental et bien entendu en France, à la multiplication de nouveaux T.O programmant les premières expéditions dites d’aventure. Et, la bonne nouvelle c’est que la majorité survit et survit bien.

- A la frontière du trek et de la découverte, hors période de Covid, La Balaguère par exemple se revendique 5ème T.O. d’aventure français (3ème en nombre de clients). Certifié « Tourisme Responsable », il affiche plus de 800 destinations à travers les 5 continents qui lui ont permis de faire voyager 13 000 personnes en 2017, essentiellement senior et femmes. Grâce à un rapprochement avec l’UCPA, ce pionnier né en 1984 tend cependant plus vers la randonnée sportive.

- Autre exemple : Nomade Aventure né de l’association Nomad Expéditions créée en 1975, propose une palette très détaillée de destinations à travers lesquelles pratiquer un tourisme « original et inventif » fait de circuits en 4X4, à cheval, en canoë-kayak.

- Terre d’aventure au sein du groupe Voyageurs du monde, programme pour sa part depuis 40 ans, des voyages à pied auxquels participent 35 000 voyageurs annuels, tandis qu’Explorator engagé depuis 1971 dans son activité, fait partir environ 1 000 voyageurs par an et cherche à se rapprocher du réseau d’agences pour augmenter ses performances. Évidemment, ces agences ne sont pas les seules.

Toutes sortes de nouveaux venus déploient aujourd’hui leur savoir-faire sur les froideurs du Grand Nord ou les immensités de l’Altiplano et celles de Terre de feu.

L’aventure « marketée », produit de luxe et distinction sociale

Mais, bien que l’ensemble des acteurs du tourisme d’aventure revendique des tarifs compétitifs, admettons que la réalité est autre. Les grandes expéditions et safaris en Afrique flirtent avec les 4 000 euros pour deux petites semaines.

L’aventure dans la Cordillère des Andes tourne autour de 3 500 euros. Quant aux immensités glacées, on ne les décroche pas à moins de 4 500 euros pour la Sibérie ou le Groenland. Ce qui n’est pas donné à toutes les bourses. En effet, force est de constater que la clientèle des voyagistes « aventure » appartient plutôt aux CSP plus, souvent des retraités, seniors, souvent des femmes, parfois des familles, nouvelle cible d’Explorator par exemple ou de Voyageurs du monde.

Paradoxalement, l’aventure marketée par des voyagistes s’inscrit donc dans la gamme des séjours haut de gamme, destinés à une clientèle aisée dont les motivations tiennent plus de la volonté de se démarquer du tourisme de masse en fréquentant des espaces supposés « vierges » que de prendre des risques.

Ce serait même tout le contraire. Comme le souligne une voyageuse « le côté organisé est pratique surtout pour des gens comme moi qui veulent se concentrer sur une activité comme la photographie ». Un autre renchérit sur les difficultés linguistiques qui limitent considérablement toute tentative de sortir des sentiers battus : « quand on ne peut pas communiquer, c’est mission dangereuse ».

L’organisation a donc du bon, malgré ses paradoxes dont l’engloutissement total de la notion d’imprévu liée au sens étymologique du mot. Autre antinomie, l’aventure « organisée » se vit en groupes.

Certes, de petite taille, mais impliquant guides accompagnateurs et réceptifs sur place.

Enfin, elle a beau revendiquer des qualités écologiques et le soin extrême apporté aux hébergements sélectionnés, elle n’en utilise pas moins à fond les ressources de l’aérien, voire de 4x4 et des quads et, surtout, elle ne se prive pas d’incursions en plein cœur de la biodiversité ou au cœur de régions fragilisées par le changement climatique.

Les véritables globe-trotteurs sont-ils toujours en liberté ?

Outre cette catégorie, admettons cependant que des milliers de voyageurs moins argentés, hors période épidémique, continuent d’écumer la planète avec l’ambition de vivre une « aventure » exceptionnelle avant qu’il ne soit trop tard.

Conscients des menaces, certains optent pour l’engagement humanitaire ou environnemental, d’autres pour le « blogging », d’autres encore pour les grands chantiers. Disposés à vibrer au son du lointain, ils utilisent pour certains des moyens de transport originaux : bicyclette, kayak démontable, trottinettes… ils bivouaquent, prennent les photos et les risques qui teintent leur voyage du danger inhérent à l’aventure.

Combien sont-ils ? Il est impossible de le dire, car tous ne sont pas à ranger dans la catégorie du tourisme des jeunes. On voit des seniors prendre la route et tenter de revivre leurs aventures de jeunes gens.

Une indication cependant : les magazines associés à l’aventure, comme les Carnets de l’aventure ou Géo Aventure, ou le National Geographic, ils survivent dans des formats coûteux et des diffusions honorables.

Quant aux rencontres sur ce thème, elles attirent. Le Grand Bivouac, une année normale, accueille plus de 30 000 visiteurs.

L’aventure contemporaine au coin de la rue

Mais, où vont ces aventuriers ?

Ils vont au bout du monde, c’est vrai. Et, si la carte sanitaire le permet, ils conserveront cette habitude. Mais, ils fréquentent également massivement la France, d’autant qu’il n’est pas nécessaire de prendre des avions coûteux en émissions de CO2 pour s’y rendre. Nos régions de montagne en particulier sont capables de proposer à la fois des paysages époustouflants le long de chemins parfaitement balisés mais aussi des nuits étoilées (comme au Pic du Midi) ou dans les Cévennes tout aussi fantastiques que celles du ciel chilien.

Elle offre aussi des territoires de spiritualité comme dans les Pyrénées et de plus en plus de stations de sites alpins dans lesquels vivre une aventure intérieure. Elle dispose aussi de territoires volcaniques comme ceux d’Auvergne dont les capacités énergétiques sont reconnues et pourraient être exploitées sur le plan touristique avec plus d’efficacité.

Elle programme des randonnées, des treks, du canyoning, du rafting, de l’escalade, des randonnées équestres et invite également à vivre des aventures immersives en compagnie de populations locales notamment bergers, vignerons.

Des régions de forêts comme les Vosges quant à elles offrent des forêts dans lesquelles se mettre en résonance avec les arbres à travers cette thérapie ancestrale que l’on nomme la sylvothérapie. Les équipements (tyroliennes, via ferrata…) et les hébergements ( yourtes, tentes transparentes, refuges…) sont aussi au rendez-vous.

Tout comme la créativité des régions littorales qui ont bien compris que l’aventure pouvait consister en une nouvelle forme de temporalité : l’hiver plutôt que l’été, les îles d’or ou les îles Atlantique ont, c’est vrai, un parfum d’aventure !

La temporalité fera l’aventure de demain

Le nouvel « aventurier » a bien du souci à se faire. Loin d’être dupe du backstage dans lequel se construisent ces aventures post modernes, prêt à faire son mea culpa, il conscientise ses paradoxes mais ne renonce pas pour autant à prendre des chemins détournés réservés à une élite…

Il se projette donc d’ores et déjà dans une nouvelle forme d’aventure déterminée, nous en faisons le pari, non pas par des composantes géographiques mais par des composantes temporelles. Les années sabbatiques, les durées de séjour immersif de plusieurs mois voire plusieurs années, chez l’habitant ou sur des bateaux, des camping-cars, des roulottes, afin d’étudier la langue, la culture du pays… seront de plus en plus considérés comme des aventures, même si elles se déroulent au « coin de la rue ».

Illusion ou réalité, l’inflation sémantique classe également dans la catégorie « aventure », les expériences que l’on peut vivre à deux pas de chez soi, pour peu qu’elles soient vécues dans un autre groupe social que le sien : les migrants, les travailleurs de nuit etc.

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